Le droit à la justice au cameroun (à l'origine de l'accélération de la modernisation du code pénal camerounais)( Télécharger le fichier original )par Amadou Mbeyap Kutnjem Chaire Unesco des Droits de la personne et de la démocratie,Université d'ABOMEY-CALAVI - DEA Droits de la personne et de la démocratie 2005 |
Section 2 : Une difficile reconnaissance des décisions étrangères au Cameroun.La sentence une fois rendue, même venant d'une juridiction étrangère n'est réellement efficace que si son exécution est immédiate.l'efficacité peut être définie comme le « caractère d'une règle de droit qui produit l'effet voulu, qui est appliquée réellement »278(*). L'efficacité des décisions étrangères, qui est donc la réalisation concrète de la décision de justice se heurte à la procédure d'exequatur (Paragraphe 1) des jugements et sentences étrangers ainsi qu'à la procédure d'extradition (paragraphe 2) des condamnations pénales. Paragraphe 1 : La nécessité de l'exequatur pour l'efficacité des jugements de droit privé.Le droit d'ordonner l'exécution avec le soutien de la force publique est un attribut de la souveraineté. Seuls les actes émanant des juridictions ou des institutions nationales peuvent requérir la force publique pour contraindre à l'exécution. Il est conféré par l'autorité publique aux juges qui disposent ainsi de l'imperium. Les jugements étrangers ou la décision rendue par des personnes privées que les parties désignent (sentence arbitrale), soit dans une clause compromissoire, soit dans une convention conclue après que le conflit qui les opposent est né, ne sont reconnus dans un Etat qu'après une intervention de l'ordonnance d'exequatur. Le respect de cette procédure entraîne le rallongement des délais d'exécution des décisions de justice. L'exequatur est défini comme une « procédure qui permet de faire déclarer exécutoire dans un Etat un jugement ou une décision arbitrale ou autre rendu dans un autre Etat »279(*).C'est donc une décision par laquelle un tribunal donne force exécutoire à un jugement ou une décision arbitrale. La procédure d'exequatur, le moyen par lequel la partie au bénéfice de laquelle la décision (ordonnance) a été rendue, obtient le droit de pratiquer des mesures (saisies, inscriptions hypothécaires) pour parvenir à l'exécution forcée du jugement ou de la décision des arbitres. Il ressort de cette définition que la procédure concerne aussi bien les décisions des juridictions étrangères (A) que la sentence arbitrale (B) mais en des termes différents. A- Les conditions requises pour l'exequatur des jugements étrangers.Ignorées jadis par le législateur, les conditions d'efficacité des décisions étrangères ont été l'oeuvre de la jurisprudence. La jurisprudence ainsi que les textes précisent les décisions exemptes d'exequatur (1), tout en fixant les conditions requises (2). 1 - Les décisions exemptes d'exequatur. Les décisions exemptes d'exequatur sont des décisions des juridictions internationales créées par les conventions dont le Cameroun est partie.Il s'agit de celles qui émanent de la (CCJA)280(*). La CCJA qui peut donc être considérée comme une «décision offshore » ou mieux « la cour suprême fédérale », pour emprunter l'expression du professeur POUGOUE281(*) En effet l'article 41 sur le règlement de procédure de la Cour Commune de justice et d'Arbitrage dispose que « l'arrêt de la CCJA a force obligatoire à compter du jour de son prononcé ». Celles de la Cour Internationale de justice (CIJ), celles de la Cour Pénale internationale (CPI), ainsi que celles des tribunaux pénaux internationaux ad hoc (Tribunal pénal international par l'ex Yougoslavie, Tribunal pénal international pour le Rwanda). Les décisions des juridictions internationales, notamment celles de la Cour Internationale de Justice (CIJ), celles des juridictions ad hoc et de la Cour Pénale Internationale (CPI) s'exécutent dans tous les territoires de tout Etat membre de l'ONU en vertu du chapitre 7 de la charte de nations unies281(*), de l'article 27 du statut du tribunal de La Haye, de l'article 26 du tribunal d'Arusha, et soit dans l'Etat si le crime a été perpétré conformément aux lois de l'état en vigueur dans le respect de l'articles 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. 2 - L'observation des conditions d'exequatur.La question de l'efficacité des jugements étrangers a toujours été très délicate. Au moment des indépendances, les Etats Africains ont signé la convention OCAM dont l'objet portait sur la coopération judiciaire des Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). En France, en l'absence d'une disposition législative, le juge français, après avoir longtemps pratiqué le système de révision, a opéré une rupture par l'arrêt MUNZER282(*). Cet arrêt pose les cinq conditions que devrait remplir une décision étrangère pour être efficace. L'efficacité d'un jugement étranger au Cameroun requiert ainsi des conditions générales et une condition spécifique. Les conditions générales sont au nombre de cinq283(*) : - La compétence internationale de la juridiction d'où émane la décision. Dans ce cas le juge de l'exequatur vérifie si le juge qui a rendu la décision était bien compétent pour le faire. Il s'agit de savoir s'il appartenait à l'ordre juridictionnel compétent ou s'il était le juge approprié. - La compétence de la loi appliquée au différent. Le juge de l'exequatur vérifie si la loi désignée par la règle de conflit camerounaise est bien celle qui a été appliquée par le juge étranger. - Le respect du principe du contradictoire qui veut qu'au cours du jugement chaque partie au procès puisse répondre de ce qui lui est reproché. - L'absence de fraude à la loi. - Le respect de l'ordre public international.La notion d'ordre public fait allusion soit à la procédure suivie devant le tribunal étranger, soit à la possibilité de laisser se produire au Cameroun les effets d'une situation née à l'étranger. Parlant de la condition spécifique, il faut noter qu'avec l'application du principe de non discrimination prévu par le P.I.D.C.P., l'obtention de l'exequatur est soumise à des conditions de traitement égal des justiciables, qu'ils soient nationaux ou étrangers devant les juridictions du for. En France par exemple, l'étranger n'est plus tenu de payer la caution judicatum solvi pour que sa cause soit entendue284(*). Cela implique que les décisions étrangères issues d'un procès dans lequel un étranger a payé une caution judicatum Solvi ne recevront pas l'exequatur pour discrimination. La jurisprudence française est rigoureuse à ce niveau, car il s'agit de la protection des plaideurs. Ainsi, il ressort que le juge doit s'assurer d'office que les conditions de l'exequatur sont respectées parmi lesquelles l'absence de la caution judicatum Solvi dans le jugement étranger, car il s'agit de faire pénétrer la décision étrangère dans l'ordre juridique française. La décision étrangère assortie d'un paiement de la caution judicatum Solvi est une irrégularité qui se pose comme obstacle à l'exécution des décisions étrangères. A- Les règles édictées par la convention de La Haye en matière de sentence arbitrale étrangère. L'une des caractéristiques du commerce international est la possibilité pour les parties de soumettre la connaissance de leur litige à des arbitres. Celle-ci peut résulter d'une clause compromissoire insérée dans la convention d'arbitrage avant la naissance du litige, ou résulter du compromis d'arbitrage à la suite d'un litige né. Une sentence arbitrale ne peut faire l'objet d'une exécution forcée sans exequatur285(*). Le système de la convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, adoptée à New York par la conférence des Nations Unies, le 10 juin 1958, entrée en vigueur le 24 septembre 1959, et à laquelle le Cameroun est partie retiendra notre attention. L'article 5 de cette convention traite de la reconnaissance et de l'exécution .Il fait mention du cas du refus de l'exequatur en cas de demande de preuves, et les conditions du refus en cas du constat fait par l'Etat lui-même. 1-Les conditions du refus en cas de demande de preuves. La reconnaissance et l'exécution de la sentence ne seront refusées, selon l'article 5 de la convention, que si, sur requête de la partie contre laquelle elle est invoquée, cette partie fournit à l'autorité compétente du pays où la reconnaissance et l'exécution sont demandées la preuve : - que les parties à la convention visée à l'article 2 (la convention d'arbitrage) étaient, en vertu de la loi à elle applicable frappées d'incapacité, ou ladite convention n'est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties l'ont subordonnée, ou, à défaut en vertu de la loi du pays où la sentence a été rendue ; ou -que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n'a pas dûment été informée de la désignation de l'arbitre ou de la procédure d'arbitrage,ou qu'il lui a été impossible de ,pour une raison ou une autre, de faire valoir ses moyens ;ou - que la sentence porte sur un différend non visé dans le compromis ou n'entrant pas dans les prévisions de la clause compromissoires, ou qu'elle ne contient des décisions qui dépassent les termes du compromis ou de la clause compromissoire... - que la constitution du tribunal arbitral ou la procédure d'arbitrage n'a pas été conforme à la convention des parties ou, à défaut de convention, qu'elle n'a pas été conforme à la convention du pays où l'arbitrage a eu lieu ; ou - que la sentence n'est pas encore devenue obligatoire pour les parties ou a été annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d'après la loi duquel, la sentence a été rendue. 2-Le cas d'un constat fait par l'autorité camerounaise. La reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale pourront être refusées si l'autorité camerounaise constate : - que d'après la loi de son pays, l'objet du différend n'est pas susceptible d'être réglée par voie d'arbitrage ; ou - que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence serait contraire à l'ordre public de son pays. * 278 CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, (sous la direction de), France, PUF, 1996, p 334. * 279 http://www.lawperationnel.com/Dictionnaire_Juridique/Exequatur.htm * 280 Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage J.O. 01/ 11/97 PA et 5. In Traité des actes uniformes commentés et annotés, Joseph Issah-SAYEGH, Paul Gérard POUGOUE, Filiga Michel SAWADOGO (sous la coordination de) Juriscope ,1999. * 299 POUGOUE PAUL Gérard, Article publié dans OHADA,instrument d'intégration juridique, Revue Africaine des Sciences juridiques,vol2, n°2, 2001, pp.11-30. * 281 Article 2123 du code civil et 509 du code de la procédure droit inter pénale, Pierre Mayer, 6 édition Montchrestien, puis p. 262. * 282 MAYER Pierre op cit., p 278. * 283 GUTMANN Daniel, op. cit, .p288-289. * 284GUTMANN Daniel, droit international privé, Dalloz, op. Cit., pp 252-253. * 285 SOSSA Dorothée et BADET Gilles, Cours polycopié de droit du commerce international, 2000/2001, pp. 71-72. |
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