B- LA PBOBLEMATIQUE DE L'ETUDE
Toute activité scientifique se justifie par la recherche
de la révélation du "vrai51"'. Cette
recherche correspond aux questions du "pourquoi ?" et du "comment ?". La
première question renvoie à la formulation de la
problématique (1) et la seconde correspond à la méthode
(2).
1- Reformulation de la problématique
D'après Gaston BACHELARD, « Il faut savoir
poser des problèmes. Et quoi qu'on dise dans la vie scientifique, les
problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'est
précisément ce sens du problème qui donne la marque du
véritable esprit scientifique52 ». Il ressort
clairement de cette citation que le problème est fondamental dans
l'analyse d'un sujet, et qu'il faut être capable de bien le formuler. A
cette capacité, il faut ajouter le relativisme qui est une preuve de la
scientificité d'un sujet. Il le dira d'ailleurs plus
51 M. KAMTO, « L'utilité
des savoirs scientifiques », op.cit., p.1.
52 G. BACHELARD, La formation de l'esprit
scientifique, 5 eme éd, J. VRIN, Paris, 1934 p.257
15
tard : « comme on le sait, ce n'est pas à
propos de la figure du monde, comme astronomie générale, que la
relativité a pris son essor. Elle est née d'une réflexion
sur les concepts initiaux, d'une mise en doute des idées
évidentes, d'un dédoublement fonctionnel des idées
simples53 »
Avant de poser une quelconque question, il est d'une
impériale nécessité de préciser que le service
public de l'électricité soulève un certain nombre de
problèmes dont l'étude reste une aubaine dans la mesure ou le
doit public tel qu'il a été conçu autrefois ne
présente plus les mêmes caractéristiques à ce jour.
Il est progressivement transformé au contact d'un certain nombre de
facteurs parmi lesquels la concurrence et la régulation
économique. Ainsi, au professeur Marie-Anne Frison-roche de penser que
« le service public industriel et commercial n'est jamais qu'une
déclinaison du concept général de service public et,
malgré son régime teinté de droit privé, se
démarque encore des relations entre particulier, marquées par
l'intérêt prive54 ». En effet, le
débat théorique sur la pertinence d'ouvrir ou non les industries
de réseaux à la concurrence a largement tourné en faveur
des défenseurs d'une libéralisation des services publics
industriel et commercial dans la plupart des secteurs concernés. De ce
qui précède, l'étude sera faite autour de la question de
savoir : qu'es ce qui caractérise le service public de
l'électricité en droit camerounais ?
Cette question nécessite une consultation des
dispositions normatives internes afin de dégager une réponse
à la problématique.
2- La réponse à le
problématique
Toute question scientifique nécessite une
réponse par l'hypothèse de la recherche (a) dans le strict
respect d'une méthode donnée (b).
53 G. BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, Paris,
PUF, 1971, P. 47.
54 Marie-Anne Frison-roche, libre propos sur le
service public marchand dans la perspective de la régulation des
réseaux d'infrastructure essentielle, DJA 10/95, Ed. Francis Lefebvre
a- 16
L'hypothèse de recherche
En conformité avec l'idée selon laquelle la
science du droit appartient au groupe des sciences empiriques ayant pour
fonction de décrire son objet par des positions
variées55, notre étude ne saurait s'écarter
d'une telle règle générale. C'est pourquoi notre travail
s'articule autour d'une hypothèse. Celle-ci se définit comme
l'idée directrice formulée en des termes tels que la recherche
puisse fournir une réponse à la question posée. Il s'agit
donc d'une « réponse anticipée que l'on formule à
la suite de la question spécifique de recherche56 »
. A cet effet, elle a vocation à présenter en substance de
manière succincte, les grandes lignes et articulations devant être
développées57. Chaque articulation constitue un
élément de la réponse et contribue à la
résolution de la difficulté connue dans la
problématique58 .
Nous pouvons donc librement dire que le service
public de l'électricité se caractérise par son ouverture
à la concurrence.
La réponse ainsi formulée exige une
justification argumentée. Cette justification doit se faire au moyen
d'une méthode donnée afin d'atteindre le résultat.
b- La méthode de recherche
Toute étude scientifique se construit autour d'une
méthode. Elle est considérée comme « l'ensemble
des opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche
à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les
démontre, et les vérifie59 » .
Dérivant du mot grec "méthodos60"' ,
l'étymologie du mot "méthode" est composée de "meta"
(vers) et de "hodos" (chemin). A cet effet, la méthode est le chemin qui
mène vers un résultat.
55 M. TROPER, Pour une théorie juridique de
l'Etat, P.U.F., 1994, p.40.
56 G. MACE, F. PETRY, Guide de l'élaboration
d'un projet de recherche en sciences sociales, P.U.L., Laval, 2000, p.24.
57 G. T. FOUMENA, Le juge administratif et la preuve :
contribution à l'étude de la construction jurisprudentielle du
droit de la preuve au Cameroun, Thèse de Doctorat PhD en Droit Public,
27 juin 2015, Université de Yaoundé 2, p.56.
58 Bid
59 M. GRAWITZ, Méthodologie des sciences
sociales, 11 e éd., Dalloz, Paris, 2001, p.351
60 A. DAUZAT, J. DUBOIS et H. MITERAND, Nouveau
dictionnaire étymologique et historique de la langue française,
5ème éd, Paris, Librairie-Larousse, 1971, p.461.
17
Dans le cadre de cette étude, il est question de
valider l'hypothèse de la recherche retenue au moyen de la
méthode juridique, et du raisonnement dialectique.
Une étude juridique se soumet aux exigences d'une
méthode applicable au fond du travail. Les sciences juridiques ont pour
objet le droit tel qu'il est et non tel qu'il devrait être61.
Cet objet n'est rien d'autre que l'affirmation du positivisme juridique comme
méthode de fond. Il est donc question pour nous de ressortir les
explications mais aussi les applications dans le cadre de notre
étude.
Sous l'axe de l'explication, le positivisme
s'appréhende sous trois angles. D'abord, il désigne une
idéologie en ce sens qu'il est « une certaine prise de position
en face d'une réalité donnée62 »
Ensuite, il désigne l'analyse du droit comme une théorie. Il
est à cet effet perçu comme « la manière d'en
donner une explication globale63 » . Enfin, le positivisme
juridique renvoie à une méthode64. A la lecture de ces
trois définitions, la première sera exclue de notre étude
en raison du parti-pris caché derrière le jus
naturalisme65. Or, la neutralité axiologique commande une
analyse objective de l'état de droit. D'où le recours à
l'argumentaire juridique.
Sous l'axe de l'application, le positivisme juridique s'observe
sous deux angles à savoir la dogmatique et la casuistique. La dogmatique
ou l'exégèse des textes est une méthode née dans la
Rome Antique. Elle fut fondée par les glosateurs, et consiste à
l'interprétation et l'analyse du droit positif.
Tout compte fait, Plusieurs méthodes s'offrent à
nous pour parvenir à nos objectifs. Il s'agit de la méthode
juridique dans ces deux composantes que sont l'exégèse ou
dogmatique et la casuistique. À côté de ces
méthodes, la méthode comparative s'impose ici d'elle-même.
Il faut dire en effet, que le juriste africain semble se situer au carrefour de
plusieurs mondes, de fait il a une vocation naturelle au droit comparé.
En réalité, la science appliquée dans les États
africains porte en elle-même le germe de la
61 M. TROPER, C. GRZEGORCZYK et F. MICHAUT, Le
positivisme juridique, Paris, LGDJ, Coll. "La pensée juridique moderne".
1993, p.244.
62 N. NOBBIO, Essais de théorie du droit,
Paris, LGDJ- Bruylant, Coll. "La pensée juridique", 1998, p.24.
63 Ibid.
64 N. NOBBIO, op.cit. p. 24.
65 6 Le jus naturalisme est un courant de la
science juridique qui commande l'expression en jugement des valeurs sur une
réalité juridique donnée
18
comparaison. Ainsi toute réflexion portant sur le
service public de l'électricité, se résout en un incessant
pèlerinage de l'esprit entre la réalité observable
localement et le répertoire d'où a été tiré
telle notion ou tel concept66. Une étude sur la
spécificité du service public de l'électricité au
Cameroun ne fait donc pas exception. Il est clair donc qu'un « zeste
de droit comparé 67 » soit devenu « indispensable dans
toute recherche.
Pour ne pas fragiliser ces méthodes et leur donner par
là même la possibilité de produire leurs pleins effets,
nous comptons les soutenir par la technique documentaire. Cette technique
permet au chercheur de prendre connaissance de tout ce qui a été
écrit sur le sujet qu'il a choisi. Il s'agira ainsi de consulter
librement les ouvrages, les périodiques, les articles, les cours et
voire même les sites internet. Tant il est vrai que de nos jours, une
recherche quelle qu'elle soit, ne peut valablement se faire sans l'apport de
l'internet. La recherche s'inscrira aussi dans une perspective
interdisciplinaire très stimulante pour une théorie des
règles juridiques68, il faut dire que l'analyse du droit dans
l'action économique ne peut s'accommoder d'une analyse dans un cadre
strict. Ainsi pourrons-nous recourir au besoin à la théorie
économique. À ce propos, Max Weber, estimait déjà
que la théorie économique, se trouve sur le plan de
l'évènement réel et non sur celui de la norme
idéale applicables, puisqu'elle se donne pour objectif de saisir de
façon concrètes, les rapports sociaux69. L'analyse
économique du droit revêt alors ici un fort
intérêt70. Elle applique dès lors des concepts
issus de la science économique ou développés par elle
à des phénomènes juridiques. Dès lors notre travail
entend adopter un plan binaire traditionnel dans la recherche juridique.
66 V. VANDERLINDEN (J.), Les systèmes
juridiques africains, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1983,
p.6.
67 PFERSMANN (O.), « Le droit comparé
comme interprétation et comme théorie du droit », RIDC,
2001, n°2, p.275.
68 JEAMMAUD (A.), « Conclusion :
L'interdisciplinarité, épreuve et stimulant pour une
théorie des règles juridiques », in KIRAT (T.) et SERVERIN
(E.) (dir.), Le droit dans l'action économique, Paris, CNRS
éditions, 2000, pp.219-231
69 3 WEBER (M.), Économie et
Société, t.1 Les catégories de la sociologie, trad. DE
DAMPIERRE (E.), Paris, Plon, 1971, pp.321 et Ss
70 FRISON-ROCHE (M.-A.), «
L'intérêt pour le système juridique de l'analyse
économique du droit », LPA, n°99, 2005, pp.15-22
19
Il sera question du service public de
l'électricité que l'on range dans la catégorie des
services publics en réseaux71 s'est vu influencé par
les exigences du marché72. En fait il est descendu dans un
système dans lequel s'échangent librement des biens et des
services ; et grâce à la pression concurrentielle duquel
s'ajustent l'offre et la demande
pour l'établissement du prix de marchés,
prône le libéralisme économique, qui induit alors une
abstention de l'État dans l'économie pour mieux satisfaire les
besoins de la population. Il se caractérise donc par son ouverture
à la concurrence ou libération après une longue
évolution sous monopole.
71 Moise Arnaud NNA AMVENE, la
régulation des services publics de réseaux en droit camerounais,
thèse de doctorat, Université de ngaoundere,2020, pp
13-14
72
LES MODALITES D'OUVERTURE A LA CONCURRENCE DU SERVICE
PUBLIC DE L'ELECTRICITE
PREMIERE PARTIE :
20
21
De prime abord, la concurrence est, à l'origine, une
notion plus économique que juridique. Elle a été
définie comme une situation de compétition économique qui
se caractérise par l'offre, par plusieurs entreprises distinctes et
rivales, de produits ou de services qui tendent à satisfaire des besoins
équivalents, avec pour les entreprises, une chance réciproque de
gagner ou de perdre les faveurs de la clientèle73 . La notion
de concurrence traduit donc un rapport entre des entreprises commerciales qui
se disputent la clientèle, chacune visant à en attirer et
conserver le plus grand nombre74.
Corollaire du principe de la liberté du
commerce75, la libre concurrence laisse à chacun des acteurs
économiques la possibilité d'accéder au marché
à l'effet de produire et vendre des biens et services sous
réserve du respect des conditions légales. Son importance dans le
fonctionnement harmonieux du marché dans une économie
libérale a justifié l'adoption d'un cadre législatif au
niveau national communautaire et régional (chapitre 1). Ce cadre
légal qui traduit la volonté du législateur camerounais
d'introduire l'exercice de la concurrence dans le secteur de
l'électricité implique que des acteurs privés et publics
puissent désormais participer aux activités du service public de
l'électricité. Il procède alors à une
séparation des métiers, instituant ainsi et pour chaque
métier, un régime d'autorisation (chapitre 2)
73 Professeur Catherine-Thérèse BARREAU,
Concurrence et Consommation, Cours magistral
74 KALIEU ELONGO (Y. R.), Droit Privé
économique (Concurrence, Consommation), Cours magistral, Faculté
de droit et de sciences économiques de l'Université Omar Bongo,
Libreville, 2013
75 3 La loi du 10 août 1990 a
été modifiée par la loi n° 2015/018 du 21
décembre 2015 régissant l'activité commerciale au
Cameroun
LA JUSTIFICATION D'UN CADRE JURIDIQUE DE L'EXERCICE DE LA
CONCURRENCE EN DROIT CAMEROUNAIS
CHAPITRE 1
22
23
Le choix affirmé pour nous d'étudier la question
de la justification d'un cadre légal de l'exercice de la concurrence au
Cameroun peut paraitre inapproprié pour d'aucuns dans le cadre de cette
partie de notre modeste travail. Il convient alors d'en préciser le bien
fondé de notre choix. En effet, "Ubi societas ibi
jus"76. Cette maxime latine rappelle que le droit est, par
essence, une discipline contextualisée. Considérant que tout
phénomène juridique se situe dans l'espace, l'étude de la
règle de droit doit prendre en compte cette dimension spatiale. Ainsi,
partant du fait que la libération économique implique l'ouverture
à la concurrence , on serait tenté d'affirmer selon Lionel
Zevounou77 que l'exercice de la concurrence est un droit dont la
consécration mérite de s'adapter à l'environnement. Ainsi
justifie t-on l'existence d'un cadre législatif et règlementaire
au niveau national (section1) mais aussi, prise en compte des
normes communautaires et internationales (section 2)
SECTION 1 : LES INSTRUMENTS NORMATIFS NATIONAUX
DE L'EXERCICE DE LA CONCURRENCE
Les instruments normatifs désignent l'ensemble des
textes juridiques adopté par l'Etat du Cameroun sur lesquels reposent
l'exercice de la concurrence. De de fait, A côté de ces textes qui
peuvent être considérés comme le cadre
législatif phare78 de l'encadrement de la concurrence au
Cameroun (paragraphe 1), il existe des règlementations spéciales
qui entretiennent des liens plus ou moins étroits avec les
problématiques de concurrence (paragraphe 2).
76 Gérard CORNU, vocabulaire juridique,12eme
Ed. Paris, PUF
77 Lionel Zevounou, le concept de concurrence
en droit, thèse de doctorat, Université paris ouest Nanterre
la défense, 2010
78 François Modeste,
opérationnalisation de l'observatoire de la concurrence et de la
compétitivité du groupement inter-patronal du Cameroun,
Livrable N° 1 : développement d'un cadre
opérationnel de collecte et de traitement des dénonciations des
cas de concurrence déloyale
24
Paragraphe 1 : les lois régissant la
concurrence, comme cadre législatif phare à l'encadrement de
l'exercice de la concurrence au Cameroun
Parmi les sources du droit d`un Etat, on compte les sources
élaborées par cet Etat79. En fait il s`agit même
de sources de première catégorie c`est-à-dire celles qui
directement sont applicables du fait d`un ensemble de contingences propres
à cet Etat80. Car même si l`on parle désormais
d`un droit global, il apparaît que tout Etat dispose tout d`abord de son
propre droit. L'exercice de la concurrence en droit camerounais s`adosse sur le
droit constitutionnel et plus précisément sur le texte
constitutionnel (A) et sur les normes infra constitutionnelles (B)
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