CONCLUSION CHAPITRE 1
Sans être exhaustive, cette étude sur
L'organisation et le fonctionnement des organismes administratifs en charge de
la régulation du service public de l'électricité de
régulation en droit Camerounais peut permettre d`affirmer que le bilan
de ces organismes est mitigé, malgré la volonté politique
des pouvoirs publics dont témoigne la création même de ces
structures. On peut soutenir, par ailleurs, qu`elles n`ont pas pris leur envol,
de nombreux écueils entravant l`exercice de leurs missions. Toutes
choses étant égales par ailleurs, l`avenir de la réforme
engagée par l`Etat camerounais réside dans la résolution
de ces défis, en vue de consolider les acquis pour aspirer à un
avenir porteur d`espoir. Le même constat a également lieu
d'être fait au regard de leur moyen de régulations ? telle est la
question que nous allons tenter de répondre par la suite.
79
CHAPITRE 2 :
LA COMPETENCE DES ORGANISMES DE REGULATION DU
SERVICE PUBLIC DE L'ELECTRICITE
80
81
L`engagement à partir des années 1990 des Etats
africains notamment francophones dans un processus de démocratisation de
la vie politique, a permis la création de conditions propices à
la conduite des affaires publiques et au développement des institutions
républicaines272. Il en est ainsi de l`existence d`un cadre
juridique et réglementaire, fondement indispensable d`un État de
droit démocratique et moderne. La modernisation de l`administration est
un pilier de la bonne gouvernance, donc un facteur déterminant de la
mise en oeuvre réussie des programmes d`ajustements structurels.
Les besoins de l`État et des services publics en
général, sont de plus croissants. Dans les secteurs marchands,
les reformes se sont imposées notamment aux Etats africains comme une
condition pour bénéficier de l`accompagnement des institutions de
Bretton Woods et un gage d`une meilleure efficacité dans les
réponses à apporter aux défis économiques et
attentes des populations. Les réformes réglementaires induites
ont consacré la libéralisation, la privation et la mise en oeuvre
de la régulation.
De nouvelles structures autonomes avec d`importantes missions
ont donc ainsi vu le jour pour une prise en charge harmonieuse de la gestion ou
de la régulation des secteurs concernés. Il convient cependant de
noter que tout comme sur les plans de l`organisation administrative, judiciaire
et de la réglementation en général, dans les pays
francophones d`Afrique, malgré les contextes et réalités
différents, l`expérience française a largement
inspiré la mise en place des autorités administratives
indépendantes.
Les autorités administratives sont d`origine
constitutionnelle ou législatives avec pour mission de réguler
certains secteurs d`activités stratégiques. Elles ont la
particularité d`être en même temps des autorités
administratives et d`être indépendantes. Cette
spécificité liée à leur nature a des incidences sur
leur domaine de compétence. Elles jouissent en réalité
d`une pluralité de compétences à la fois contentieuses
(Section 1) et non contentieuses (Section 2)
272 oir, DECOOPMAN (N.), « A propos des autorités
administratives indépendantes et de la déréglementation
», CLAM (J.), MARTIN (G.) (dir.), Les transformation de la
régulation juridique, LGDJ, « Droit et société,
Recherches et travaux », vol. 5, 1998, p.249
SECTION 1 : LA COMPETENCE CONTENTIEUSE
DES ORGANISMES DE REGULATION DU SERVICE PUBLIC DE L'ELECTRICTE
82
A l`heure de la maturation du marché
unique273, il ne fait que peu de doutes que l`attribution de
pouvoirs importants aux autorités de régulation contribue
à un accroissement de leur efficacité274. Ces pouvoirs
sont nombreux et il est possible d`en distinguer cinq sortes. Il s`agit d`un
pouvoir consultatif qui fait de l`autorité de régulation le
spécialiste, l`expert du secteur, d`un pouvoir réglementaire, qui
permet au régulateur de prescrire des règles
générales à destination des opérateurs
régulés, d`un pouvoir de décisions individuelles qui rend
possible l`attribution d`agréments, de visas et de licences afin
d`encadrer les acteurs et les produits présents sur les marchés,
d`un pouvoir de surveillance qui autorise l`autorité de
régulation à enquêter et à mener des investigations,
et d`un pouvoir contentieux275, lequel permet de contraindre un
acteur qui contrevient aux règles fixées par le régulateur
lui-même ou par la loi
A l`échelle nationale, il est désormais admis
que les autorités de régulation cumulent toutes ces attributions,
à tel point que certains auteurs s`interrogent sur l`existence du
quatrième pouvoir à côté des pouvoirs
exécutif, législatif et judiciaire. Les pouvoir exercés se
consolident un peu plus à chacune des interventions du
législateur, et même si des doutes subsistent quant à
l`exercice de certains d`entre eux, un socle commun de pouvoirs s`est
constitué. C`est le cas notamment des compétences contentieuses
des organismes de régulation. Il s`agira pour nous de statuer d`un
côté sur l`étendue de ces compétences (Paragraphe 1)
et sur l`étendue des sanctions (Paragraphe 2)
273 FRANCHINI (C.), « Les notions d`administration indirecte
et de co-administration », in AUBY (J.B.) et DUTHEIL DE LA ROCHERE (J.)
(dir.), Droit administratif européen, Bruylant, LGDJ, 2008, p. 249
274 EPRON (Q.), « Le statut des autorités de
régulation et la séparation des pouvoirs », RFDA 2011, p.
1007. 838 Pour une définition de la fonction contentieuse dans le
domaine de la régulation, voir : QUILICHINI (P.), « Réguler
n`est pas juger, Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des
autorités de régulation économique », AJDA, 2004 p.
1060
275 Pour une définition de la fonction contentieuse dans
le domaine de la régulation, voir : QUILICHINI (P.), «
Réguler n`est pas juger, Réflexions sur la nature du pouvoir de
sanction des autorités de régulation économique »,
AJDA, 2004 p. 1060 : solution juridique d`une situation contentieuse, comme
« l`activité qui consiste à dire le droit, en mettant fin
à un litige »
83
Paragraphe 1 : l'étendu de la compétence
des organismes
L`objectif premier des organismes de régulation est de
prévenir et de réprimer les pratiques qui peuvent avoir un impact
considérable sur l`économie. A cet effet, ils oeuvrent au
quotidien pour garantir le bon fonctionnement des activités et
protéger ainsi les consommateurs comme les entreprises. Dans le cadre de
l`exercice de leurs compétences en matière contentieuse, les
autorités de régulation règlent conformément au
droit en vigueur des différends juridiques qui sont soumis par les
différents acteurs. Il s`agit en réalité des
désaccords sur un point de droit ou de fait, une opposition de
thèse juridique ou d`intérêts. Cette action se fait par des
mécanismes de résolution extrajudiciaires des litiges (A), comme
la médiation, l`arbitrage et le règlement des différends.
Outre cet aspect, les autorités de régulation disposent aussi de
véritables pouvoirs de sanction qui leurs sont reconnus (B).
A- La résolution extrajudiciaire des
différends
On distingue traditionnellement trois mécanismes de
résolution des litiges à savoir le règlement des
différends (1), la médiation et l`arbitrage (2). Ils ont pour
point commun de constituer des mécanismes subsidiaires de
résolution des litiges et de s`appliquer à un même objet :
un litige né d`un désaccord de volonté entre deux sujets
de droit aux prétentions opposées. Les trois procédures
diffèrent toutefois sur plusieurs points qu`il faut préciser pour
lever toute ambigüité.
1- Le règlement des
différends
L`attribution d`un pouvoir de règlement des
différends constitue l`un des aspects les plus novateurs des
autorités de régulation au Cameroun comparativement à
l`administration classique voire aux autorités administratives
indépendantes276. Il correspond à un glissement vers
la fonction contentieuse des organes de régulation, les rapprochant de
l`office du juge, tout en conservant un impératif de rapidité
et
276 Voir, LE BIHAN-GRAF (C.) et CREUX (E.), « Le
règlement des différends, instrument moteur de la
régulation sectorielle », Energie - Environnement - Infrastructures
n° 6, Juin 2016, étude 13.
84
d`efficacité. Cela signifie qu`une telle
procédure aboutit à une décision contraignante prise par
le régulateur, et qui s`impose aux parties. Il ne s`agit donc pas d`un
règlement amiable du différend.
En principe, le régulateur est amené à
arbitrer le conflit et à faire respecter la loi à la demande de
l`une des deux parties au litige qui se sent lésée. C'est
l'esprit qui se degage dans la lecture de l'article 4 du decret n°2013/203
portant organisation et fonctionnement de l'ARSEL277. La
spécificité du règlement de différends
réside dans le champ de compétences de l`organe de
régulation qui est strictement encadré par la loi. Pour cette
raison, l`agence ne constitue jamais un « gendarme multifonctionnel
des litiges nés sur ces marchés »278, et le
juge de droit commun reste compétent pour les autres types de
litiges279. Considérée comme une procédure
originale adaptée aux particularités de la
régulation280, la procédure de règlement des
différends s`est essentiellement développée en filigrane
de l`ouverture à la concurrence des services publics en réseaux.
Tous les secteurs d`activité sont ainsi concernés
conformément aux dispositions des différents textes qui
régissent la régulation des marchés au Cameroun
précédemment cités.
Ces différents textes ont l`avantage de préciser
quelles conditions doivent être remplies pour recourir à la
procédure de règlement des différends. Le litige doit
intervenir entre le « gestionnaire » du réseau ou de
l`infrastructure et un « utilisateur » du réseau ou
de l`infrastructure. Le gestionnaire peut aussi bien être chargé
de la gestion d`un réseau de transport, de distribution, que
d`installations de stockage et d`infrastructures. Dans tous les cas, le litige
doit naitre du souhait d`un utilisateur de bénéficier de
l`accès à cette infrastructure, laquelle lui est refusée
aux conditions souhaitées. On le voit, le différend
277 Selon l'alinéa 2 de cet article l'Agence peut
être saisi comme instance d'arbitrage par tout opérateur, aux fins
de règlement des différends entre operateurs
278 GUENAIRE (M.), « L`expérience du
règlement des différends devant la Commission de
régulation de l`énergie », in FRISON-ROCHE (Anne Marie.)
(dir.), Les risques de régulation, op.cit, p. 191.
279 Voir, ROLIN (E.), « Les règlements de
différends devant l`autorité de régulation des
télécommunications », in FRISON-ROCHE (Anne Marie.) (dir.),
Les régulations économiques, légitimité et
efficacité, Droit et économie de la régulation, Vol.1,
Presses de Sciences Po et Dalloz, Coll. Thèmes et commentaires, 2004, p.
153
280 RISON-ROCHE (Anne Marie.), « Régulation et
règlement des différends : présentation du terme et
synthèse du 10e forum de la régulation », LPA, n° 212,
22 octobre 2004, p. 6.
85
a donc pour objet l`accès aux infrastructures, lequel
constitue ici le principal « critère de compétence
» 281 de l`Agence.
Dans les secteurs des services publics en réseaux, le
recours à la procédure de règlement des différends
est fortement lié à l`ouverture à la concurrence de ces
secteurs. Il est intéressant de noter que le recours à une telle
procédure a eu pour principal objectif de ne pas retarder l`ouverture
à la concurrence par la multiplication de recours devant les tribunaux
de la part des opérateurs historiques qui souhaitaient freiner
l`entrée de nouveaux opérateurs sur les marchés, lesquels
avaient besoin d`accéder aux réseaux et aux infrastructures.
L`essentiel des recours ont en effet été formés par des
opérateurs concurrents des anciens monopoles qui ne pouvaient pas
accéder aux réseaux dans de bonnes conditions844. Cette
spécificité explique pourquoi la décision de l`agence de
régulation est contraignante et qu`une telle procédure n`existe
pas à l`échelle nationale dans les secteurs financiers, puisqu`il
n`existe plus en toile de fond un objectif similaire.
2- La médiation et l'arbitrage
Les procédures de médiation et d`arbitrage sont
radicalement différentes de celle de règlement des
différends. En effet, le recours à de telles procédures
s`effectue sur le volontariat. L`autorité de régulation n`est
plus saisie par l`une des deux parties mais d`un commun accord. Par ailleurs,
le champ de compétences en la matière est différent de
celui du règlement des différends, l`agence de régulation
étant la plus souvent compétente pour traiter des litiges «
entrant dans son champ d'intervention », c'est le cas avec
l'ARSEL concernant la médiation. Cela signifie que e champ
d`intervention de l`autorité est particulièrement élargi.
Une distinction doit toutefois être opérée entre la
médiation et l`arbitrage.
En effet, dans le cadre de la médiation, il ne s`agit
pas d`une fonction contentieuse détenue par l`organe de
régulation, puisque la décision finale ne revient pas au
régulateur qui ne peut contraindre. Il s`agit donc d`un règlement
amiable des différends. La médiation suppose donc que les
pouvoirs du régulateur sont restreints. Au mieux,
281 PERROUD (T.), La fonction contentieuse des autorités
de régulation en France et au Royaume-Uni, op.cit., p.
400
86
l`autorité propose des solutions aux deux parties afin
de trouver un accord282. En revanche, dans le cadre de l`arbitrage,
les deux parties s`engagent librement à accepter le « verdict
» de l`arbitre. L`autorité de régulation conserve ici
le pouvoir de prendre la décision qui s`imposera en définitive
aux deux parties.
Ces procédures de médiation et d`arbitrage
restent essentiellement l`apanage des régulateurs du secteur financier.
En revanche, on peut regretter que toutes les agences de régulation des
secteurs des services publics ne permettent pas de recourir à des
procédures de médiation. La mise à disposition de
l`expertise juridique et économique de l`autorité permettrait
sans doute de trouver un compromis sous l`oeil attentif du régulateur et
d`éviter le recours au juge. Il est important de noter par ailleurs que
toutes ces procédures menées dans le cadre des mécanismes
de résolution des litiges doivent garantir, en application de sources
internes et externes, le respect de certains impératifs propres aux
procédures juridictionnelles, comme l`égalité des armes,
le principe du contradictoire ou l`obligation de motivation de la
décision. Ces obligations posent toutefois une difficulté en la
matière puisque le règlement des litiges est une
compétence qui doit, selon le souhait du législateur être
exercée avec célérité. Les délais
prévus sont donc courts, ce qui rend le respect de ces garanties parfois
difficile
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