3. La neuropathie diabétique
La neuropathie diabétique est la forme de neuropathie la
plus fréquente des pays occidentaux. C'est une complication plutôt
tardive, elle touche la plupart des malades après 15 ou 20 ans de
diabète. Il existe différents facteurs de risque de la
neuropathie diabétique. Les deux principaux facteurs sont : la
durée du diabète (on estime sa prévalence à 50 %
chez les diabétiques dont la maladie évolue depuis plus de 20
ans) et le mauvais équilibre glycémique du diabète (TOTH
C. et al, 2003).
D'autres facteurs de susceptibilité individuelle
interviennent également, parmi eux : (Nejmeddine K.et al,
2020) :
· L'âge, la majorité des neuropathies
diabétiques surviennent après l'âge de 50 ans ;
· Le sexe masculin ;
· La grande taille (en raison de la longueur des fibres
nerveuses) ;
· Un tabagisme ou un alcoolisme associé ;
· Des facteurs nutritionnels (carences vitaminiques,
dénutrition) ;
· L'hérédité peut augmenter le risque
de survenue des neuropathies.
Le diagnostic de la neuropathie diabétique repose sur
l'examen clinique, en particulier l'interrogatoire qui se base sur le
questionnaire DN4. C'est un outil simple dont le but est de rechercher la
présence de douleurs neuropathies chez le patient. D'autres
critères moins spécifiques comme les plaintes fonctionnelles dues
aux troubles du transit ou la dysfonction érectile sont à prendre
en considération.
L'examen des pieds à l'aide d'un test au mono filament est
systématique. Il s'agit d'un fil de nylon rigide que l'on applique en
appuyant doucement jusqu'à ce qu'il se plie, sur la face plantaire des
pieds. On évalue ensuite le résultat en fonction du nombre
d'applications détectées par le patient. De plus, un ECG est
réalisé annuellement au minimum chez tout diabétique. (GIN
H., 2002) Le respect strict de l'équilibre glycémique du
diabète reste à l'heure actuelle le seul traitement
préventif spécifique de la neuropathie réellement efficace
car l'hyperglycémie abaisse le seuil de la perception douloureuse.
L'arrêt de la consommation éventuelle de tabac et d'alcool ainsi
que la supplémentation en vitamine B permet de réduire les
risques d'apparition ou d'aggravation des complications neuropathiques. Le
traitement symptomatique des douleurs neuropathiques passe par l'utilisation
d'antalgiques classiques mais aussi de certains antiépileptiques
(gabapentine, prégabaline) et de certains antidépresseurs
(fluoxétine, paroxétine) (JEANNE S.et al, 2012).
b.Macro angiopathies
Les macros angiopathies regroupent les atteintes vasculaires des
artères musculaires de moyen et gros calibre (> 200 microns). Elles
sont dues à la sclérose des vaisseaux
(athérosclérose) secondaires à un dépôt
à l'intérieur des vaisseaux, appelé plaque
d'athérome. Ce dépôt entraîne un
rétrécissement des artères qui va être à
l'origine de nombreux signes cliniques. Les macros angiopathies se distinguent
dans le diabète par leur précocité
(athérosclérose accélérée), leur plus grande
fréquence et leur sévérité (par exemple, les
infarctus du myocarde sont plus souvent mortels). Parallèlement aux
progrès des traitements hypoglycémiants et anti-infectieux,
l'athérosclérose est devenue la principale cause de
décès des diabétiques, bien avant les comas
métaboliques et les complications infectieuses (BERTIN E., 2000).
Les artères qui vont être les plus touchées
se situent : (BERTIN E., 2000)
§ Au niveau du coeur, ce sont les artères coronaires
qui se bouchent (coronaropathie), entraînant l'angor ou angine de
poitrine avec un risque d'infarctus du myocarde multiplié par 3 chez les
patients diabétiques. Différents examens vont permettre de
détecter ces complications coronaires, parmi lesquels un ECG de repos,
une épreuve d'effort tous les 3 ans ou encore une coronarographie (avec
injection de produits de contrastes iodés) ;
§ Au niveau des artères des jambes, le risque de
développer une artérite oblitérante des membres
inférieurs (AOMI) avec ses complications de gangrène pouvant
aboutir à l'amputation est multiplié par 10 chez le
diabétique. Ces artérites apparaissent en général
vers l'âge de 35 ans, leur apparition étant favorisée par
le tabac et un régime riche en lipides et en glucides. Le
dépistage se fait à l'aide d'une échographie de Doppler
des artères des membres inférieurs ou d'une
artériographie.
§ Au niveau des artères du cou, le risque majeur est
la survenue d'un accident vasculaire cérébral (AVC), avec toutes
les séquelles que cela implique comme l'hémiplégie par
exemple. Le diabète de type 2 est un facteur prédictif majeur
d'AVC dont le risque est multiplié par 3. Ce risque relatif est encore
plus important chez la femme ou le sujet jeune.
L'étape du dépistage des macros angiopathies
consiste à identifier les facteurs de risque cardiovasculaire (VALESIN
et COSSON E., 2014) :
ü L'âge (> 50 ans chez l'homme et > 60 ans chez
la femme) ;
ü La durée du diabète : au-delà de 10
ans, le risque s'accroît et ce de façon très marquée
si le diabète a été mal contrôlé ;
ü Les antécédents familiaux d'accident
cardiovasculaire précoce : infarctus du myocarde, AVC ou mort subite
avant 55 ans chez le père ou chez un parent du 1er
degré de sexe masculin ; infarctus du myocarde, AVC ou mort subite avant
65 ans chez la mère ou chez un parent du 1er degré de
sexe féminin ;
ü Le tabagisme (tabagisme actuel ou arrêté
depuis moins de 3 ans) ;
ü L'obésité (IMC > 30 kg/m2) ;
ü La sédentarité (manque d'activité
physique régulière) ;
ü La consommation excessive d'alcool (plus de 3 verres de
vin par jour chez l'homme, et 2 verres par jour chez la femme) ;
ü L'hypertension artérielle, traitée ou non,
favorise l'artérite, l'infarctus du myocarde et l'accident vasculaire
cérébral LDLc< 1,9 g/L est réservé aux patients
sans aucun facteur de risque additionnel, dépourvus de micro
angiopathies et dont le diabète évolue depuis moins de 5 ans.
ü LDLc< 1,6 g/L chez les patients présentant 1
seul facteur de risque additionnel.
ü LDLc< 1,3 g/L chez les patients présentant au
moins deux facteurs de risque additionnels à un diabète
évoluant depuis moins de 10 ans ;
ü LDLc< 1 g/L chez les patients ayant une atteinte
rénale ou un diabète évoluant depuis plus de 10 ans et au
moins deux facteurs de risque cardiovasculaire. Ces patients ont un risque
supérieur à 20 % de faire un événement coronarien
dans les 10 prochaines années ;
ü L'association entre risque vasculaire et augmentation
même modérée de la glycémie est
démontrée. Cependant, même un contrôle correct de la
glycémie et de la tension ne permet pas à lui seul de
prévenir ce risque. L'application de règles
hygiéno-diététiques comprenant la lutte contre la
sédentarité et le surpoids, la pratique d'activité
physique régulière.
c.Le pied diabétique
La survenue d'une plaie du pied est une complication
redoutée par les patients diabétiques. Le pied diabétique
a la particularité d'être une association entre les micro
angiopathies et les macro angiopathies. Trois mécanismes sont
impliqués : la neuropathie avec perte de la sensibilité, les
blessures passant alors inaperçues, l'artériopathie, qui expose
à une ischémie des plaies retardant la cicatrisation et
l'infection, favorisée par le déséquilibre
glycémique. Au cours de sa vie, un diabétique sur dix subira au
moins une amputation d'orteil. Au moins la moitié pourrait être
évitée : la prévention est primordiale pour éviter
la survenue de plaie du pied (RICHARD J., 2009).
Les manifestations du pied diabétique sont
différentes et varient en fonction de la personne et de la
gravité du diabète. Parmi les symptômes les plus courants
de cette complication, on retrouve (Ha VAN G.et al, 2011) :
§ Picotements ou sensations de petites décharges
électriques au niveau des pieds (particulièrement la
nuit) ;
§ Sensibilité douloureuse et thermique réduite
au niveau des pieds (neuropathie sensorielle) ;
§ Hyperkératose, cors, durillons et ampoules
fréquentes entraînent un risque de fragilisation osseuse.
· Coupures et blessures cutanées résultant
d'un dysfonctionnement du système cardiovasculaire. Elles
entraînent un risque accru d'infections et d'ulcères
hémorragiques, qui peuvent, s'ils ne sont pas pris en charge
correctement, évoluer en gangrène en très peu de
temps ;
· Cicatrisations difficiles causées par une maladie
artérielle périphérique ;
· Déformations des pieds causées par une
diminution de la capacité musculaire. Cela peut entraîner un
changement de posture qui entraine une répartition du poids sur
différents points du pied ;
· Altérations de la couleur des pieds dues à
des problèmes circulatoires au niveau des membres
inférieurs ;
· Pieds constamment froids ;
· Infections bactériennes et fongiques du pied, plus
fréquentes en raison de l'excès de glucose dans le sang qui
affecte le système immunitaire.
Tout patient diabétique doit avoir chaque année un
test au mono filament. Si le patient ne ressent pas à 2 reprises la
pression du mono filament, il est à risque de plaie (MARTINI J.,
2008).
En plus du contrôle régulier de la glycémie
une hygiène soignée du pied est toujours indispensable pour
prévenir et prendre en charge les symptômes du pied
diabétique. Le pronostic des pieds diabétiques est globalement
mauvais, les plaies récidivent souvent. Les mesures préventives
concernent les patients à risque de pied diabétique, autrement
dit ceux souffrant d'une obstruction des artères de la jambe et du pied
(artérite des membres inférieurs) et ceux souffrant de
neuropathie car celle-ci altère les sensations de douleur et modifie la
sensibilité (MARTINI J., 2008).
Tout patient diabétique à risque podologique doit
bénéficier d'un programme d'éducation thérapeutique
pour recevoir une éducation spécifique pour la prévention
des plaies du pied (BOUILLET B., 2020) :
v Ne pas marcher pieds nus ;
v Ne pas couper les ongles mais plutôt les limer ;
v Ne pas enlever les cors ou les callosités avec des
instruments tranchants mais les poncer ;
v Ne pas utiliser de substances corrosives telles que des
coricides ;
v Ne pas utiliser de bouillotte ou de coussin électrique
pour se réchauffer les pieds ;
v Inspecter les pieds chaque jour, avec l'aide d'un miroir si
nécessaire ;
v Vérifier l'absence de corps étranger dans les
chaussures avant de les enfiler ;
v Laver les pieds chaque jour à l'eau tiède et les
sécher soigneusement, surtout entre les orteils ;
v Hydrater les pieds quotidiennement en cas de sécheresse
de la peau (crème hydratante) ;
v Recourir régulièrement à des soins de
pédicurie auprès d'un podologue ;
v Porter des chaussures adaptées en cuir, larges, avec des
semelles souples, sans brides ou lanières, sans coutures
intérieures, et fermées ;
v Porter des chaussettes de coton, de laine, ou de soie ;
v Eviter les élastiques qui sert le mollet ;
La mise en décharge des plaies du pied diabétique
jusqu'à guérison totale est une composante fondamentale de toutes
les recommandations de prise en charge en association aux soins locaux.
L'antibiothérapie n'est pas systématique, mais
réservée aux plaies infectées cliniquement (LEPEUT M,
2016).
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