c. Les conditions discriminatoires de vente
Dans l'absolu, la discrimination consiste soit à
traiter différemment deux personnes qui sont dans une situation
identique, soit à traiter identiquement deux personnes qui sont dans une
situation différente. En droit de la concurrence, les pratiques
discriminatoires, par lesquelles leur auteur soumet sans justification
objective les opérateurs économiques à des conditions
non-égalitaires, peuvent être appréhendées soit
comme pratique restrictive de concurrence, soit comme pratique
anticoncurrentielle.30
Certaines pratiques discriminatoires ont été
regardées comme caractéristiques de pratiques restrictives de
concurrence. Dans ce sens, il ressort d'une réponse ministérielle
rendue au cours de l'année 2015 que le fait, pour un vendeur, de
renoncer à réclamer le paiement de pénalités de
retard peut engager sa responsabilité civile pour pratique
discriminatoire dès lors qu'il est démontré que cette
renonciation,
29 SAUTEL (O.), Op.cit., P.261.
30. CHONE-GRIMALDI (A.-S), Op.cit., P.263.
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effectuée sans contrepartie, a entraîné un
préjudice indemnisable pour un concurrent de l'acheteur.
Il y a conditions discriminatoires de vente lorsque le
commerçant ou le producteur ne peut vendre ses produits qu'à
certaines personnes bien identifiées après l'élaboration
des certains critères.
Une pratique discriminatoire peut par ailleurs, à
suivre l'Autorité de la concurrence, être restrictive de
concurrence lorsqu'elle a pour objet ou pour effet d'évincer un
concurrent du marché, ou encore, lorsque des clients de l'entreprise en
position dominante se voient désavantagés dans la concurrence sur
leur propre marché. Si ses conséquences vont au-delà,
impactent négativement le marché, portent atteinte à la
concurrence, la pratique discriminatoire peut devenir une pratique
anticoncurrentielle.31
L'appréhension de la pratique discriminatoire comme
abus de position dominante n'est pas toujours aisée. Par ailleurs, elle
pourrait, dans une certaine mesure, être regardée comme
étant en contradiction avec la liberté contractuelle, qui
passerait alors au second plan par rapport à la protection du
marché. A suivre la jurisprudence de l'Autorité de la
concurrence, la discrimination constitutive, qui réside dans des
différences de traitement injustifiées, peut soit consister
à renforcer de manière artificielle l'entreprise qui la met en
oeuvre dans la compétition qu'elle livre sur le marché
dominé ou sur un autre marché, soit porter atteinte au jeu
concurrentiel sans que l'entreprise qui la met en oeuvre ne soit directement
partie prenante sur le marché affecté.32
Il importe, pour qu'une pratique discriminatoire soit
qualifiable d'abus de position dominante, qu'elle soit à l'origine d'un
désavantage dans la concurrence, qu'elle soit susceptible d'avoir pour
effet une distorsion de la concurrence entre l'auteur de la pratique et ses
partenaires commerciaux.
L'appréhension de la discrimination comme
caractéristique d'un abus de position dominante s'est montrée
à l'origine de difficultés s'agissant de la pratique, qui
concerne principalement le secteur du numérique, dite de
l'auto-préférence. S'agissant de cette dernière pratique,
il ressort d'un arrêt rendu par le Tribunal de l'Union européenne
le 10 novembre 2021 que sont interdites les pratiques ayant pour base une
discrimination interne opérée entre le propre service de
comparaison de produits de l'entreprise mise en cause et les services de
comparaison de produits concurrents, par le biais d'un effet de levier à
partir d'un marché dominé, caractérisé par de
fortes barrières à l'entrée, à savoir le
marché des services de recherche générale.33
31 CHAGNY (M.), Op.cit., P. 27.
32 CJUE 19 avr. 2018, aff. n° C-525/16 ; RTD eur. 2018, p.
812, obs. L. Idot.
33 (Trib. UE, 10 nov. 2021, aff. T.-612/17).
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