La responsabilité financière des gestionnaires publics au beninpar Faustin SOGADJI Université d'Abomey-Calavi - Master 2 Droit Public Fondamental 2023 |
B. Le droit à un procès équitableLa CRIET est critiquée pour le non-respect des droits de l'homme. Dans ce sens, Social Watch, une organisation non gouvernementale (ONG) de la société civile décrie qu' «?il est louable d'avoir une institution spécifique de lutte contre la corruption et l'impunité encore faudrait -il que, dans le respect des droits humains, celle-ci rassure le citoyen et garantisse les droits essentiels de l'accusé (la présomption d'innocence, le droit à la défense, le droit à un procès équitable, la possibilité d'interjeter appel)»361(*).Au départ, la CRIET a fait couler beaucoup de salive. Plusieurs ont dénoncé la violation du principe de double degré de juridiction qui est « une composante du due process of law, du procès équitable »362(*). Consacré par l'article 14-5 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques, le double degré de juridiction permet aux justiciables de faire apprécier les faits par deux juridictions. Bien que la modification de la loi sur la CRIET ait été modifiée pour organiser le double degré de juridiction363(*),par la mise en place d'une Chambre de jugement et une Chambre d'appel,la juridiction fait objet de forte critique relative à son indépendance. On a pu entendre de sévères critiques présentant la CRIET comme une Cour d'exception créée pour régler des comptes politiques364(*).«?«Le juge que je suis n'est pas indépendant. Toutes les décisions que nous avons été amenées à prendre, l'ont été sous pression, y compris celle qui a vu le placement de madame Reckya Madougou en détention ` a déclaré au cours de sa toute première interview, Essowé Batamoussi, magistrat de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET)?»365(*). Cette déclaration vient confirmer le doute sur l'indépendance de la CRIET. Les critiques contre la CRIET ont failli conduit à l'insécurité voire la destruction de l'immeuble abritant la Cour. Le président de la CRIET Edouard Dossa écrit que «?sur le plan sécuritaire : la CRIET a déjà fait l'objet d'attaque au mois de mai 2019 où, de nuit profonde, des assaillants ont tenté de l'incendier?»366(*). Il ajoute certaines formes de contradiction qu'on peut observer sur la qualification des faits et les peines devant la CRIET et la Haute Cour de Justice. Il peut, en effet arriver que l'une d'elles, dans l'appréciation des faits, aboutisse à un non-lieu, une relaxe ou un acquittement367(*). Dans le second cas de contradiction, l'une peut être sévère dans sa condamnation alors que la seconde peut être souple devant la même procédure qui n'est différente qu'au regard des justiciables368(*). Parlant de peine, les sanctions de la CRIET sont extrêmement sévères. La CRIET n'accorde aucune situation atténuante dans la prise de ses sanctions. C'est une Cour sans pitié quelques soit la catégorie de l'infraction. Le Président de la CRIET déclare à ce propos que si face aux deux formes de délinquance à savoir la délinquance de survie et délinquance de confort, «?les juridictions traditionnelles font un traitement différentiel des condamnations en faveur de la première, à la CRIET, elles sont logées à la même enseigne, dans la rigueur qui caractérise cette Cour?»369(*). Le retrait du Bénin du protocole qui permet à un citoyen de saisir directement la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples montre une certaine forme de mauvaise foi du gouvernement à respecter les droits de l'homme au risque d'être sanctionné par la juridiction communautaire. La décision de retrait est faite suite à ce que le gouvernement béninois qualifie de «?dérapage et d'égarements?» qui éloigneraient, selon lui, la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples de ses véritables compétences et du rôle qu'elle doit jouer370(*).Au vu de tout ce qui précède, nous pouvons affirmer sans langue de bois que les critiques portées à la CRIET sur les fondements des droits de l'Homme sont fondées. Toutefois les infractions qui relèvent de la compétence de la Cour ont connu une chute dans les statistiques en si peu de temps371(*) notamment celles qui touchent notre domaine d'étude «?la responsabilité financière?» par la fonction de répression financière (ex. : détournement des deniers publics). * 361 Gabin DEDJILA, 11/02/2018, «?Bénin : Social Watch juge inopportune la création de la CRIET?», in la nouvelle tribune, https://lanouvelletribune.info/2018/11/benin-social-watch-benin-juge-inopportune-la-creation-de-la-criet/ (27/11/2022). * 362 Nicaise MEDE, « Faute de gestion et gestion de la faute en Afrique de l'Ouest francophone : comment préserver la sécurité juridique des justiciables », op. Cit, p.4. * 363 La loi n° 2020-07 modifiant et complétant la loi n° 2001-37 portant organisation judiciaire en république du bénin, telle que modifiée par la loi N.° 2018-13 du 2 juillet 2018 relative à la cour de répression des infractions économiques et du terrorisme. * 364 François AWOUDO, op. cit., p. 109. * 365 Eric TOPONA, 06/04/2021, « Bénin : la Criet est-elle vraiment indépendante ? », in WWW.DW.COM, https://www.dw.com/fr/b%C3%A9nin-la-criet-est-elle-vraiment-ind%C3%A9pendante/a-57111213, (27/11/2022). * 366 Edouard Cyriaque DOSSA, op. cit., p. 521. * 367 Ibid. * 368 Ibid. * 369 Ibid. * 370 Eric TOPONA, op.cit., (27/11/2022). * 371 Edouard Cyriaque DOSSA, op. cit., p. 520. |
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