Le droit congolais et le regime des poursuites d'un ancien premier ministrepar Gulain KASONGO Université de Likasi (UNILI) - Licence en droit privé et judiciaire 2022 |
Section 2. Position doctrinaleLa détermination de la juridiction compétente pour les anciens Premiers ministres cause un sérieux problème actuellement par le fait que la loi n'accordant pas un statut particulier aux anciens Premiers ministres pouvant permettre de déterminer leur juridiction compétente, elle a ainsi laissé un vide juridique que certains auteurs cherchent a remédier et trouver une voie de sortie, ce pour quoi dans la présente section nous exhibons certaines idées des chercheurs en droit qui ont émis leur réflexion sur cette question des poursuites d'un ancien Premier ministre. En effet, deux tendances s'observent au sein de la communauté scientifique a ce qui concerne les poursuites d'un Anciens Premier ministre, ceux qui soutiennent à ce que la Cour constitutionnelle soit cette juridiction compétente à pouvoir juger un Ancien Premier ministre et ceux qui s'insurger en faux en soutenant dès lors qu'ils cessent avec les fonctions du Premier ministre la Cour constitutionnelle ne sera plus compétente de le juger et que celui-ci soit devant un juge ordinaire. C'est le cas, de Auguste MAMPUYA dans son intervention « Le pouvoir régulateur de la Cour constitutionnelle, une théorie creuse inventée pour installer une jurisprudence contra legem » pour cet auteur, sous l'expression « régulation », la Cour constitutionnelle est un organe régulateur et non un pouvoir régulateur. Il y a à la base l'idée d'arranger, de remettre de l'ordre, de normaliser. La régulation est contenue dans la Constitution et au seul profit du Président de la République qui, sur le fondement de l'article 69, exerce des fonctions ou attributions spécifiques et non des compétences184(*). Etant, un organe régulateur et non un pouvoir régulateur. Elle participe à une mission qu'elle exerce par les attributions qu'elle a reçues de la Constitution. A travers le règlement du contentieux électoral, elle participe à la mission de régulation sans disposer d'une compétence explicite en la matière. Usant à outrance de sa liberté d'interprétation, la Cour constitutionnelle rend parfois des arrêts contraires à la loi. L'auteur reproche ce recours fréquent, par la Cour constitutionnelle, à sa jurisprudence au lieu de se référer aux autres sources du Droit auxquelles la Cour est soumise, pour lui, l'immixtion de la Cour constitutionnelle dans les questions politiques expose ses membres et mine leur indépendance. Il rappelle la nécessité d'un dialogue entre la Cour constitutionnelle et la doctrine pour un éclairage mutuel185(*). Faisant étude minutieuse de la réflexion de cet auteur, nous comprenons qu'il y a d'abord cette reconnaissance a la Cour d'interpréter la Constitution mais, constatons que la Cour use de sa liberté d'interprétation à rendre certains arrêts qui heurte même la loi. La question ayant trait à la justiciabilité d'une personne après des fonctions, mais pour les actes commis pendant l'exercice de ses fonctions se résout par l'application du principe de cristallisation, qui est celui du moment d'appréciation des privilèges de juridiction ou d'instruction qui lui fut attribués dépendamment des fonctions occupées par elle. Alors, Avocat conseil du prévenu MATATA MPONYO, dans l'affaire opposant le Ministère public contre l'ancien Premier ministre MATATA MPONYO et consorts, Raphaël Nyabirungu, explique dans intervention du 8 août 2022 que l'article 161 de la Constitution du 18 février 2006 ne reconnaît pas à la Cour de cassation le pouvoir de saisir la Cour constitutionnelle pour interpréter la loi, pour cet imminant professeur de Droit, la lecture de l'arrêt avant dire droit rendu sous RP.09/CR du 22 juillet 2022, il apparaît clairement qu'à partir de cette initiative, qui lui est propre, la Cour de cassation saisit en réalité la Cour constitutionnelle en interprétation de la constitution. Or, la constitution en son article 161, alinéa 1, a donné et verrouillé la liste des institutions et personnalités ayant qualité pour saisir la Cour constitutionnelle en interprétation de la constitution. Il s'agit : « du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l'Assemblée nationale, d'un dixième de membres de chacune de chambres parlementaires, de Gouverneurs de Provinces et des Présidents des Assemblées provinciales ». De cette disposition constitutionnelle précitée, il est évident que la Cour de cassation n'y apparaît pas et n'a donc ni qualité ni compétence de saisir la Cour constitutionnelle en interprétation de la Constitution186(*). Et de poursuivre : La Cour de cassation devra éviter de s'ériger en une juridiction de recours ou de renvoi contre les arrêts de la Cour constitutionnelle, et voudra bien se déclarer incompétente pour ces motifs. Par conséquent, nous considérons que la Cour de cassation n'est pas le juge naturel d'un Premier ministre honoraire et se déclarera incompétente vis-à-vis d'un Premier ministre honoraire. Quelle que soit la juridiction qui prétendra juger l'ancien Premier ministre Matata PonyoMapon, on doit se rendre à l'évidence qu'aucune juridiction ne peut le juger alors qu'il est sénateur en plein exercice de son mandat et dont les immunités n'ont jamais été levées. Mais alors, les anciens premier ministre devront-il rester impuni pour les actes barbares commis à l'exercice de leurs fonctions après qu'ils ayant être déchut de leur statut du Premier ministre ? Le « feuilleton Matata Ponyo » continue de défrayer la chronique, et le droit qui est dit dans le cadre de cette affaire continue d'étonner et de surprendre. Autant la décision rendue par la Cour constitutionnelle sous le RP 0001 par laquelle elle se déclarait « incompétente » à juger un ancien Premier ministre pour des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions avait surpris plus d'une personne, autant les dernières décisions rendues dans le but avoué de corriger l'arrêt RP 0001 surprennent par les positions et les interprétations des juges. En effet, après l'arrêt RP 0001 de la cour constitutionnelle, la Cour de cassation était saisie, pour juger un ancien Premier ministre. Mais, faisant face à des exceptions soulevées par la partie Matata Ponyo, la Cour de cassation avait, par un arrêt avant dire droit, saisi la Cour constitutionnelle. Mais, la saisine de la cour constitutionnelle par la Cour de cassation devrait étonner plus d'un observateur dans la mesure où elle prend cette décision en transformant une exception d'incompétence sur la personne en exception d'inconstitutionnalité. Cette transformation s'est réalisée parce que, selon la Cour de cassation, la dérogation d'incompétence soulevée par la partie Matata Ponyo était « en réalité » une exception d'inconstitutionnalité implicite. Or, de connaissances élémentaires, l'exception d'incompétence ne peut être confondue avec l'exception d'inconstitutionnalité puisque, si la première tend à dire à une instance qu'elle ne peut pas exercer sa juridiction à l'égard d'une personne ou d'une matière, la partie qui la soulève estimant alors que ce juge n'est pas compétent à son égard ou à l'égard de la matière dans laquelle elle est impliquée, l'exception d'inconstitutionnalité pour sa part veut dire que la partie qui l'oppose estime qu'une disposition que le juge applique ou s'apprête à appliquer ou est appelé à appliquer dans un litige est contraire à une disposition de la constitution et qu'elle ne peut être appliquée. Le principe constitutionnel applicable en République Démocratique du Congo est celui de l'égalité de tous devant la loi, dans le but de bannir toute inégalité sociale et toute discrimination, car celle-ci peut conduit à une insécurité juridique et judiciaire et créer ainsi une désorganisation sociale empêchant la bonne Administration de la justice, qui du reste est un frein barrant la route à l'effectivité de l'installation d'un véritable Etat de droit. Laurent ONYEMBA dans un article intitulé « La Cour constitutionnelle congolaise entre prostitution politique et l'écran de constitutionnalité : l'affaire Matata ou la fin du Mythe du juge »187(*). Il a rappelé les circonstances de l'affaire partant de l'audition de l'inculpé par le Procureur général jusqu'à la fixation de l'affaire et ce, passant par le réquisitoire d'autorisation pour la levée des immunités. A cet effet, Laurent ONYEMBO s'appesantit sur les enseignements à tirer de l'arrêt du 15 novembre 2021. Il en tire quatre. Le premier enseignement réside dans le fait que la Cour constitutionnelle n'est pas le juge naturel du Premier ministre honoraire. La Cour met en exergue le principe de la prévisibilité permettant à chacun de connaître son juge et la procédure applicable. Le deuxième enseignement est la nécessité de l'intervention législative pour déterminer le statut pénal d'un ancien Premier ministre au regard du vide juridique en la matière. Le troisième enseignement corrobore la compétence de la Cour constitutionnelle comme le juge pénal du Président de la République et du Premier ministre en fonction. Le dernier enseignement réside dans la circonscription de la notion des immunités parlementaires. C'est la fonction qui est protégée pour en assurer l'indépendance et non l'individu qui en est bénéficiaire188(*). Cependant, Jacques B. Mbokani, dans son article « La Cour constitutionnelle congolaise face au statut d'un ancien Premier ministre devenu sénateur » explique que : L'arrêt Matata et consorts n'est peut-être pas le meilleur arrêt auquel on pouvait s'attendre de la Cour constitutionnelle congolaise. On peut lui reprocher un certain nombre de manquements, notamment l'absence d'un dialogue jurisprudentiel avec l'ancienne CSJ et l'actuelle Cour de cassation189(*). Toutefois, la solution consacrée dans cet arrêt, celle de limiter le privilège de juridiction devant elle aux personnes en fonction, n'est pas nécessairement la plus mauvaise. Bien au contraire, elle se révèle être la plus proche des textes juridiques applicables et surtout la plus pragmatique au regard des difficultés qui pourraient naître du régime des poursuites d'un ancien Président ou d'un ancien PM devant cette Cour. Cette solution présente par ailleurs l'avantage de conduire la RDC vers la voie d'une réduction du nombre, encore très important en RDC, des personnes bénéficiant des privilèges de juridiction, parfois couplés d'une immunité des poursuites, sans que la nécessité de ces inégalités devant la justice pénale soit toujours clairement démontrée. Pareille réduction est en plus dans l'intérêt des accusés puisque lorsqu'ils sont justiciables devant les juridictions suprêmes comme la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation, ils sont privés de leur droit à un double degré de juridiction, droit pour tant garanti par les textes internationaux applicables en RDC. Après analyse de tous ces doctrinaires, il ressort de ce qui précède que la Cour constitutionnelle a bien dit le droit dans l'arrêt RP. 0001 du 15 novembre 2021 mais, le fait pour la Cour de revenir sur cette affaire et se prononcer compétente devient une aberration et un recul juridique en RDC. Car le fait pour elle de se prononcer, que la compétence personnelle d'une juridiction est appréciée en tenant compte de la qualité du prévenu au moment des poursuites et qu'à ce titre, Elle a posé une jurisprudence utile. * 184 Kazadi Mpiana J., « l'affaire Matata ou une tour de Babel juridique en République démocratique du Congo ». Rapport General de la conférence-débat, le Club des jeunes constitutionnalistes congolais, Lubumbashi, 2022, P.2. * 185 Idem. * 186Raphaël Nyabirungu https://actualite.cd/index.php/2022/08/08/affaire-matata-pour-raphael-nyabirungu-larticle-161-de-la-constitution-ne-reconnait-pas, consulté le 01 aout 2023. * 187 Laurent ONYEMBA, cité par : Kazadi Mpiana J., « l'affaire Matata ou une tour de Babel juridique en République démocratique du Congo ». Rapport General de la conférence-débat, le Club des jeunes constitutionnalistes congolais, Lubumbashi, 2022, P.2. * 188 Idem. * 189 Jacques B. Mbokani, La Cour constitutionnelle congolaise face au statut pénal d'un ancien Premier ministre devenu sénateur, Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, éditions DALLOZ, 2023, P. 79. |
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