Le droit congolais et le regime des poursuites d'un ancien premier ministrepar Gulain KASONGO Université de Likasi (UNILI) - Licence en droit privé et judiciaire 2022 |
B. Griefs contre l'arrêt sous R. Const. 1816L'arrêt R. Const.1816 ont le mérite de démontrer les violations flagrantes de la Constitution et le Règlement de la Cour Constitutionnelle. Pour une fois dans l'histoire de ce pays, la Cour Constitutionnelle vient d'introduire une notion dont le contenu n'est soutenu par aucune source du droit180(*). En effet, la Cour affirme ce qui suit sous R. Const. 1816 : « en l'espèce, la Cour s'est fondée de revirer sajurisprudence qui, sous le RP.0001, était de nature à provoquer des violations inacceptables des droits de la personne humaine, notamment la privation à une personne de son droit constitutionnel à être jugée par un juge compétent conformément à l'article 19 Al.1 et 2 de la constitution comme il en est du cas de Monsieur MATATA PONYO MAPON Augustin, mais aussi consolider les principes constitutionnels sur l'égalité de tous devant la loi et l'égale protection de tous par la loi. Il découle de ce qui précède qu'en dépit du fait que ces arrêts ne sont susceptibles d'aucun recours, sauf interprétation ou rectification d'erreur matérielle tel que prescrit à l'article 93 Al.4 de la loi organique, la Cour constitutionnelle peut, dans les circonstances et objectifs sus décrits, faire des revirements de ses propres décisions sans heurter ni compromettre le caractère contraignant et exécutoire de ces dernières. Il convient de relever que, dans un commentaire sur la justice constitutionnelle grecque, Antonis PANAGOPOULOS affirme que : « si la Cour constitutionnelle qui apprécie la conformité des lois et des actes réglementaires à la constitution et qui est censée protéger les droits fondamentaux de citoyens contre les abus de pouvoir ou de tiers puissants, ne joue plus son rôle de modérateur et de régulateur, alors le peuple (justiciable) peut se détourner d'elle et elle devient, dans le pire des cas, anti-démocratique »181(*). Cet arrêt182(*) a été rendu en violation de toutes les règles qui puissent exister en droit positif congolais. En effet, en l'absence des juges KALUBA et FUNGA, tous les neuf Juges qui composent cette Cour et qui ont siégé, exceptés trois d'entre eux, avaient précédemment siégé dans la cause sous RP. 0001 opposant le Ministère Public à Monsieur MATATA et consorts. La logique légale voudrait que tous les juges qui avaient opiné sur l'incompétence de la Cour Constitutionnelle à juger un ancien Premier ministre, puissent se déporter pour raison d'impartialité. Malheureusement, la haute Cour n'a pas tenu compte de cet élément. Abordant sa saisine, faisant suite à la requête de la Cour de Cassation tendant à obtenir d'elle, le sens de ce qu'elle entendait par : « Dans l'exercice de ses fonctions et à l'occasion de l'exercice de ses fonctions », la Cour Constitutionnelle, dans son arrêt sous R.Const. 1816, pour éviter de se contredire avec son arrêt sous RP. 0001, est restée constante pour déclarer cette requête irrecevable pour défaut de qualité et ceci, conformément à l'article 161 de la Constitution183(*). N'ayant pas d'autres alternatives, la Cour Constitutionnelle a évoqué pour la première fois depuis son existence, la notion de « Dialogue des juges», une notion très peu connue en droit positif congolais, mais à laquelle la Cour Constitutionnelle a recouru en vue de réinterpréterles dispositions de l'article 164 de la constitution. L'interprétation faite du revirement de jurisprudence sous R.Const 1816 vide manifestement le sens des dispositions de l'article 168 de la Constitution qui évoque le caractère irrévocable des arrêts de la Cour Constitutionnelle. Le sens donné par la Cour Constitutionnelle sous R.Const 1816 à la notion de « Revirement de jurisprudence », est tout simplement aberrant dans la mesure où le revirement de jurisprudence ne peut pas se concevoir dans un même dossier, opposant les mêmes parties. Le revirement de jurisprudence est concevable pour un cas ultérieur, un dossier similaire, mais dont le litige est similaire. Le revirement de jurisprudence est fait pour l'avenir, il ne rétroagit pas. Quelle solution apporter par la doctrine à cette question relative aux poursuites d'un ancien Premier ministre ? cette question nous renvoie à l'analyse de la seconde section relative à la position doctrinale. * 180 https://scooprdc.net/2023/05/11/justice-commentaire-sur-les-arrets-r-const-1880-1816-rp0001-rp09-rendus-par-la-cour-constitutionnelle-et-la-cour-de-cassation-dans-laffaire-bukanga-lonzo/ consulté le 31 juillet 2023. * 181 Antonis PANAGOPOULOS cité par E. BANYAKU LUAPE EPOTU, in procédure devant la cour constitutionnelle congolaise. Esquive judiciaire ou politique, Paris, éd. le harmattan 2023, p. 137,cite dans https://scooprdc.net/2023/05/11/justice-commentaire-sur-les-arrets-r-const-1880-1816-rp0001-rp09-rendus-par-la-cour-constitutionnelle-et-la-cour-de-cassation-dans-laffaire-bukanga-lonzo/ . * 182 Idem. * 183 Lire E. BANYAKU LUAPE EPOTU, in procédure devant la cour constitutionnelle congolaise. Esquive judiciaire ou politique, Paris, éd. L'harmattan 2023, p. 137. |
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