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Le droit congolais et le regime des poursuites d'un ancien premier ministre


par Gulain KASONGO
Université de Likasi (UNILI) - Licence en droit privé et judiciaire 2022
  

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Section 2. Mise en mouvement de l'action public contre un premier ministre en fonction

Qui doit prendre la décision pour déclencher les poursuites contre le Premier ministre susceptible de conduire à sa déchéance et comment doit-on procéder pour y arriver ?

De prime à bord, il faut souligner qu'en principe, le (Président de la République) et le Premier Ministre sont irresponsables pénalement pour des faits commis à l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions ; ils bénéficient des immunités de poursuite et privilèges de juridiction pendant tout le temps de l'exercice de leurs fonctions. Ils ne peuvent être poursuivis pour les faits pénaux qu'ils commettraient dans ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Mais il n'en demeure pas pénalement irresponsable pour autant. En effet, pendant l'exercice de leurs fonctions, les immunités dont ils bénéficient connaissent des limites légales. L'article 164 de la Constitution rend pénalement responsable le (Président de la république) et le Premier Ministre même pendant l'exercice de ses fonctions pour quatre infractions politiques énumérées ci-dessus.

En ce qui concerne la procédure des poursuites et de mise en accusation, il sied de signaler que, la difficulté d'engager une procédure en responsabilité pénale du premier ministre en fonction peut se heurter à des obstacles divers, voire choquer des habitudes ou des mentalités dans la mesure que celui-ci Premier ministre vient d'une majorité politique.

D'autres infractions de droit commun, c'est-à-dire toutes les autres, même celles de droit international, prévues dans les lois pénales et non énumérées parmi les trois premières Infractions politiques ci-dessus ou n'en constituant pas un des éléments constitutifs, commises dans ou en dehors de l'exercice de ses fonctions ne sont poursuivies qu'après la fin du mandat. Cela sous-entend que les poursuites contre le (Président de la République) et le Premier ministre sont suspendues jusqu'à l'expiration de leurs mandats. Pendant ce temps, même le délai de prescription est suspendu pour les infractions prescriptibles109(*).

§1. Procédure des poursuites et de mise en accusation d'un Premier ministre en RDC

Comme rappelé ci-dessus en ce qui concerne la procédure des poursuites et de mise en accusation, il sied de signaler que, la difficulté d'engager une procédure en responsabilité pénale du premier ministre en fonction peut se heurter à des obstacles divers, voire choquer des habitudes ou des mentalités dans la mesure que celui-ci Premier ministre vient d'une majorité politique.

Dans le système congolais, la Cour constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier ministre. C'est autant dire que les poursuites sont menées par le Parquet (Procureur) près cette Cour avant la fixation de la cause devant son juge naturel (Cour constitutionnelle).

La mise en mouvement devient donc, une action ouverte par le ministère public en vue de poursuivre une personne qui viole les dispositions du code pénal.

C'est à bon droit qu'il dit que : « La décision de poursuites ainsi que la mise en accusation du Président de la République et du Premier ministre sont votées à la majorité des deux tiers (2/3) des membres du Parlement composant le Congrès suivant la procédure prévue par le Règlement intérieur »110(*).

De cette explication, deux notions doivent attirer notre attention et ne doivent pas se confondre en une. Il y a deux étapes dans la procédure des poursuites d'un premier ministre : l'étape de la décision de poursuite et celle de mise en accusation. Elles sont toutes différentes.

La question reste de savoir, est-ce que le Parlement peut-il, une fois réuni en Congrès, soulever la question de poursuites d'un premier ministre et ordonner au Procureur de le poursuivre ? Et si oui quelles sont alors les missions principales du parlement ?

La Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 Février 2006 telle que modifiée par la loi du 20 janvier 2011 limite les missions du Parlement réuni en Congrès en ce qu'elle dispose à son article 119 ce qui suit :

Les deux chambres se réunissent en congrès pour les cas suivants111(*) :

1. La procédure de révision constitutionnelle conformément aux articles 218 à 220 de la présente constitution ;

2. L'autorisation de la proclamation de l'état d'urgence ou de l'état de siège et de la déclaration de guerre conformément aux articles 85 et 86 de la présente constitution ;

3. L'audition du discours du président de la République sur l'état de la Nation conformément à l'article 77 de la présente constitution ;

4. La désignation des trois membres de la cour constitutionnelle, conformément aux dispositions de l'article 158 de la présente constitution.

Comme on peut se rendre compte, le pouvoir de décider sur la poursuite et la mise en accusation du (Président de la République) et le Premier Ministre conféré au Congrès par l'article 166 de la Constitution n'est pas repris parmi les quatre missions prévues à l'article 119 ci-dessus.

Mais Comment le Congrès va-t-il alors exercer le pouvoir lui conféré par l'article 166 ? Peut-il, de manière automatique ou sur sa propre initiative, décider de la poursuite du Premier Ministre ?

A cet effet, Pierre Félix KANDOLO enseigne que : La Constitution de la RDC ne dit pas comment doit être saisi le Congrès en cette matière. Elle ne renvoie pas non plus à une Loi. Seulement, en son article 169, l'on peut lire que : « L'organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle sont fixés par une loi organique »112(*).

Pour répondre à cette question, il paraît nécessaire de recourir à cette Loi organique. Il s'agit de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Cette Loi a été votée par le Parlement et promulguée par le Président de la république agissant conformément à l'article 169 de la Constitution. Comme l'écrit Jean-Louis EsamboKangashe, « L'indépendance de la juridiction chargée du contrôle de constitutionnalité ne se réduit pas au seul mode de désignation de ses membres, ni à leur statut ; elle est, également, dépendante de l'organisation et du fonctionnement de la Cour113(*) ».

Et le Règlement intérieur du Congrès du 6 décembre 2019 traite, en ses articles 38 et 39, sur les modalités des décisions de poursuites ainsi que la mise en accusation du (Président de la République) ou du Premier ministre.

Ces deux articles disposent :

Article 38 : « Le Congrès, sur convocation conjointe du Président de l'Assemblée nationale et du Sénat, saisi par requête du Procureur général près la Cour constitutionnelle, autorise, par une Résolution, les poursuites judiciaires contre le (Président de la République) ou le Premier Ministre ou leur mise en accusation devant la Cour constitutionnelle pour les infractions politiques... ».

Article 39 : « Pendant le débat, en plénière ou en Commission, le (Président de la République) ou le Premier Ministre se présente en personne, avec ou sans conseil, afin de produire ses moyens de défense. Les membres de la Commission sont désignés en tenant compte de la configuration politique du Congrès et de la représentation de la femme. La présidence de cette Commission ne peut être assurée par un membre du groupe parlementaire ou groupe politique auquel appartient le (Président de la République) ou le Premier Ministre ».

La lecture de l'article 38 ci-dessus réaffirme, ni plus, ni moins, le principe de la saisine du Congrès par le Procureur général près la Cour constitutionnelle, seule autorité habilitée, qu'il s'agisse de l'autorisation de poursuite ou de celle d'accusation. En d'autres termes, l'exercice du pouvoir reconnu au Congrès par l'article 166 de la Constitution ne peut être accompli qu'en conformité de la Constitution, de la loi organique N° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle114(*) et du Règlement d'ordre intérieur du Congrès. Ainsi, entamer la procédure de poursuite du Président de la république en violation de la procédure prévue par la Loi organique sur l'organisation et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle est une violation de la Constitution, de la Loi organique précitée et même du Règlement d'ordre intérieur du Congrès.

En Droit Congolais Cette procédure consiste en ce que, le (Président de la république) et le Premier ministre ne puisse être mis en accusation que sur requête du Procureur général près la Cour constitutionnelle.

En plus, avant d'autoriser le Procureur général à engager des poursuites malgré sa requête adressée au Parlement, une Commission parlementaire devra être mise en place pour entendre le Président de la république sur les faits lui imputés dans la requête du Procureur général. C'est à l'issue de cette audition que, sur rapport de la Commission et après débat au Parlement, l'autorisation de poursuite est donnée au Procureur général près la Cour constitutionnelle115(*).

C'est dans ce sens que la Cour suprême de justice, qui faisait office de la Cour constitutionnelle, s'était prononcée dans un arrêt R. Const.061/TSR du 30 novembre 2007. En effet, saisie conformément à l'article 120 de la Constitution pour examiner la conformité à la Constitution du Règlement intérieur du Congrès lors de la première législature de 2006, la Cour a anéanti la disposition y relative du projet de Règlement lui soumis, qui voulait attribuer au Congrès le pouvoir de mettre directement en accusation le Premier ministre. La Cour a estimé que la disposition dudit projet relative à la question de poursuite et d'accusation du Président de la république violait l'article 166 de la Constitution en ce qu'elle avait tenté d'instaurer la procédure de mise en accusation qui est une procédure judiciaire, et partant du domaine de la loi116(*). Aussi, en vertu du principe de séparation des pouvoirs consacré par la Constitution, le Congrès ne peut pas s'immiscer dans les attributions juridictionnelles. Ainsi, la tentative ou la proposition qu'avait soumis le Congrès avant cet arrêt, de s'octroyer le pouvoir de mise en accusation du Président de la république au modèle américain ou français n'a pas pu être entérinée par la Cour suprême de justice parce que non conforme à la Constitution.

C'est dans cette logique que s'est inscrit le Règlement intérieur du Congrès de 2019, actuellement en vigueur.

Cette position de la Cour suprême de justice est bel et bien justifiée car le concept « accusation » utilisée par le constituant renvoie au domaine judiciaire. En effet, en droit congolais, comme dans tous les droits de la famille romano-germanique, seul le Ministère public demeure l'organe « accusateur », appelé souvent l'organe de poursuite. C'est lui seul qui est habilité à poursuivre les auteurs des faits qui troublent l'ordre public. Si cette affirmation est conforme à la Constitution et aux lois congolaises, l'on doit chercher à savoir ce que ces dernières disposent à propos des préoccupations soulevées ci-dessus117(*).

* 109Pierre Félix Kandolo, Modèle du régime des poursuites et de destitution du Président de la République pour les faits commis dans et hors l'exercice de ses fonctions : une étude comparative du droit franco-américain et congolais, P.U. LIKASI, LIKASI,2021, Pp. 17-18.

* 110 Article 166 alinéa 2., de la constitution du 18 février 2006.

* 111 Article 119 de la constitution du 18 Février 2006.

* 112Pierre Félix Kandolo, Modèle du régime des poursuites et de destitution du Président de la République pour les faits commis dans et hors l'exercice de ses fonctions : une étude comparative du droit franco-américain et congolais, P.U. LIKASI, LIKASI,2021, P.22.

* 113 Esambo Kangashe cité par Pierre Félix Kandolo, Modèle du régime des poursuites et de destitution du Président de la République pour les faits commis dans et hors l'exercice de ses fonctions : une étude comparative du droit franco-américain et congolais, P.U. LIKASI, LIKASI,2021, P.22.

* 114La loi organique N° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle.

* 115 Pierre Félix Kandolo, Modèle du régime des poursuites et de destitution du Président de la République pour les faits commis dans et hors l'exercice de ses fonctions : une étude comparative du droit franco-américain et congolais, P.U. LIKASI, LIKASI,2021, P.23.

* 116 Idem.

* 117 Ibedem, op.cit., Pp.23-24.

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