Le droit congolais et le regime des poursuites d'un ancien premier ministrepar Gulain KASONGO Université de Likasi (UNILI) - Licence en droit privé et judiciaire 2022 |
b. la justice constitutionnelle au BéninLa Cour constitutionnelle du Bénin est la plus haute juridiction du pays en matière de constitutionnalité. En effet, c'est l'organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics. La Cour est ainsi composée de sept membres dont quatre sont nommés par le bureau de l'Assemblée nationale et trois par le président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. La Cour constitutionnelle comprend ainsi : trois magistrats ayant une expérience de quinze années au moins dont deux sont nommés par le bureau de l'Assemblée nationale et un par le président de la République ; deux juristes de haut niveau, professeurs ou praticiens du droit, ayant une expérience de quinze années au moins dont un est nommé par le bureau de l'Assemblée nationale et un par le président de la République ; deux personnalités de grande réputation professionnelle nommées l'une par le bureau de l'Assemblée nationale et l'autre par le président de la République. Comme dans tout système politique respectueux des formes, les fonctions de membres de la Cour constitutionnelle sont incompatibles avec la qualité de ministre de la République, l'exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, et de toute autre activité professionnelle. Depuis l'installation de cette Cour et les nominations qui suivirent en 1998, Madame Conceptia Liliane Denis Ouinsou, juriste et agrégée de droit privé a battu le record de longévité tant comme membre que comme chef de cette haute juridiction60(*). c. La justice constitutionnelle en RDCL'idée de justice constitutionnelle est intimement liée au développement du constitutionalisme, entendu comme un mouvement tendant à soumettre le fonctionnement des pouvoirs publics a un ensemble de règles établies une fois pour toute, dont le respect s'impose à tous, qui ont une force juridique supérieure à toutes les autres règles et qui sont réunies normalement dans un texte unique appelé précisément constitution61(*). En effet, dès lors que la force obligatoire de la constitution est admise, il est naturel de confier aux juges constitutionnels la mission de faire respecter ce texte, considéré comme loi fondamentale. Bref, làoù il y a une règle de droit, il doit y avoir un juge qui puisse sanctionner toute violation de celle-ci62(*). Cependant, l'idée s'impose avec la force de l'évidence, néanmoins, elle a paru longtemps utopique, tant il était difficile de soumettre les titulaires de fonctions suprêmes a l'obligation de respecter le droit, soit parce qu'ils disposaient eux-mêmes du monopole de la contrainte( titulaire du pouvoir exécutif), soit parce qu'ils avaient eux-mêmes pour fonction de dire le droit( titulaire du pouvoir judiciaire), soit ce qui est extrême, parce que leurs fonctions consistaient précisément à créer le droit( titulaire du pouvoir législatif) et que la possibilité d'établir une hiérarchie des normes n'est apparue que très progressivement63(*). Cette utopie est finalement parvenue à devenir réalité dans une grande partie du monde, y compris dans notre pays la République Démocratique du Congo, pour une raison très simple, le constitutionnalisme tire sa raison d'être et sa légitimité d'une volonté de modérer l'exercice du pouvoir de l'état au moment même où celle-ci tend à devenir omnipotente. Dans le souci de modérer ce pouvoir chaque jour plus menaçant de l'Etat, les constitutions du monde y compris celle de la R.D.C, définissent avec de plus en plus de précision les règles de fonctionnement des pouvoirs publics et définissent également, de façon de plus en plus complète, les règles de fond qui régissent les relations entre ceux-ci et les citoyens64(*). Pour que cette modération du pouvoir de l'Etat soit effectivement réalisée, les organes qui sont spécifiquement chargés de faire respecter le droit à savoir : les Cours et Tribunaux, ont progressivement obtenu le pouvoir de faire respecter ces règles constitutionnelles, l'on voit s'annoncer quelques traits de la finalité même de la justice constitutionnelle. Cependant, l'histoire constitutionnelle de la RDC relève que l'expression la plus utile remonte à une époque récente, car avant cela, elle a été prévue plusieurs fois, mais n'a jamais fonctionné comme une juridiction autonome65(*). Après une longue période d'hésitation marquée par l'absence d'une volonté politique clairement affichée et le refus d'assurer l'effectivité du contrôle juridictionnel des actes des gouvernants, la naissance d'une cour constitutionnelle en RDC n'a été réalisée qu'avec et à la suite de la constitution du 18 Février 200666(*). De ces considérations découle même l'essens de la justice constitutionnelle, qui se veut essentiellement matérielle, en ce qu'elle ne peut que designer une activité ou, si l'on veut, une fonction exercée en la forme juridictionnelle par un organe indépendant ayant le caractère d'une juridiction et parallèlement le juge constitutionnel ne peut que designer un juge exerçant la justice constitutionnelle, qu'il soit ou non spécialisé dans cette tâche67(*). La justice constitutionnelle qui est devenue l'un des soubassements d'un Etat de droit, ne date pas d'aujourd'hui. Il faut remonter dans le temps pour retrouver ses origines. S'il est vrai que la plupart des auteurs s'accordent pour reconnaitre la paternité de la justice constitutionnelle68(*), telle que conçue actuellement vient des Etats-Unis69(*), il faut néanmoins souligner que l'idée même que le juge puisse refuser l'application d'une loi pour contradiction avec une règle supérieure est anglaise70(*). La justice constitutionnelle que nous venons de décrire ne peut s'exercer que dans le cadre d'un Etat. Or, déjà dans sa conception d'Etat-gendarme, celui-ci accomplissait les tâches de justice, de diplomatie et de défense de même que l'activité de police pour assurer le bon ordre. Dans sa conception d'Etat-providence, il faut reconnaître que ces tâches se sont accrues de sorte qu'une nécessité logique et pratique de partager les différentes tâches entre plusieurs organes s'est imposée. Du point de vue du droit constitutionnel, les fonctions de l'Etat s'entendent des manifestations de la souveraineté de l'Etat. L'idée finaliste est écartée car elle ne trace ni devoirs ni droits en ce qui est de simples objectifs que peuvent recouvrer les tâches à accomplir.71(*) Il est entendu que le terme Etat dans l'expression « fonctions de l'Etat » infère aux gouvernants qui sont à la fois organes de l'Etat et représentants du souverain. D'une part, en tant qu'organes de l'Etat, c'est l'Etat lui-même qui agit par leur entremise, et d'autre part, en tant que représentants du souverain, ils sont chargés d'exécuter la volonté de celui qui a le dernier mot c'est-à-dire le souverain. Le professeur Marcel Antoine Lihau enseigné déjà que « les gouvernants constituent les intermédiaires indispensables entre l'Etat et le souverain, car c'est grâce à eux que la volonté du souverain est attribuée à l'Etat ; c'est grâce au Parlement, au Président de la République, aux cours et tribunaux, par exemple, que la volonté du groupe qui détient dans l'Etat la plus grande force politique parvient à se concrétiser et à être rattachée à l'Etat ».72(*) Mais en réalité, l'on peut observer qu'il y a d'un côté ceux qui détiennent la décision politique et de l'autre, ceux qui obéissent. Ceux-ci peuvent être de simples citoyens dont les droits fondamentaux doivent être garantis ou des partis politiques exprimant une vision majoritaire ou minoritaire dans la Nation. Aujourd'hui donc, la séparation des pouvoirs ne concerne plus seulement le partage des fonctions entre les différents organes de l'Etat mais aussi et surtout le partage de deux blocs politiques antagonistes : la majorité et l'opposition73(*). Il est théoriquement vrai de dire que le système juridictionnel congolais est le plus facile à caractériser tant ses manifestations et sa production sont visibles à l'oeil de tout chercheur averti. C'est ainsi que le dysfonctionnement de la justice est déjà le révélateur explicite d'un autre dysfonctionnement plus grand qui est celui de la société politique globale. En effet, la justice entendue comme une manifestation du pouvoir est toujours une des fonctions de celui-ci, de la sorte que son dysfonctionnement déteint inévitablement sur la totalité du pouvoir. Ainsi donc, avoir un juge constitutionnel efficace est une nécessité non seulement pour parachever l'édifice constitutionnel et assurer sa solidité mais aussi et surtout une exigence d'efficacité du pouvoir dans l'État. Voyons dès lors comment cette justice de qualité pourrait s'implanter sur le sol congolais au regard des vues de droit comparé exposées plus loin, en commençant par la composition du siège de cette justice. La constitution du 18 février 2006 en son article 158 dispose que « la Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le président de la République dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature. Les deux tiers des membres de la Cour constitutionnelle doivent être des juristes provenant de la magistrature, du barreau ou de l'enseignement universitaire »74(*). Cette disposition constitutionnelle est la base de la problématique même de la composition de cette haute juridiction. Il importe de souligner que si d'emblée le nombre de neuf membres, au-delà de son symbolisme, ne pose pas problème particulier, il y a néanmoins lieu de faire remarquer qu'au regard de la configuration politique des provinces et du nombre des matières attribuées à cette haute juridiction ce chiffre pourrait être dépassé. Mais les évolutions futures tirées de l'expérience de la Cour suprême de justice siégeant en matière électorale semblent se diriger vers l'accroissement du volume du travail pour neuf juges. En RDC cette juridiction est chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi. Les lois organiques, avant leur promulgation, et les Règlements intérieurs des Chambres parlementaires et du Congrès, de la Commission électorale nationale indépendante ainsi que du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication, avant leur mise en application, doivent être soumis à la Cour constitutionnelle qui se prononce sur leur conformité à la Constitution75(*). Aux mêmes fins d'examen de la constitutionnalité, les lois peuvent être déférées à la Cour constitutionnelle, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou le dixième des députés ou des sénateurs. Contrairement au Sénégal et au bénin la Cour constitutionnelle congolaise statue dans le délai de trente jours. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours. Cette thématique nous l'aborderons dans le chapitre trois de notre présent travail qui nous permettra d'élucidée largement, la cour constitutionnelle de son organisation, de son fonctionnement et de sa compétence. * 60 Dieudonné KALUBA D., Op.cit., P.286. * 61 Michel FROMONT, cité par Jean Pierre MAVUNGU, La justice constitutionnelle en RDC, Aperçu sur la compétence de la cour constitutionnelle et la procédure devant cette Haute juridiction, Editions universitaires Africaines, 2017, P.2. * 62 Idem. * 63 Ibidem. * 64 Idem/. * 65 Michel FROMONT, La justice constitutionnelle dans le monde, Dalloz, Paris,1996, P1. * 66 Article 157 de la constitution du 18 Février 2006. * 67 Michel FROMONT, cité par Jean Pierre MAVUNGU, La justice constitutionnelle en RDC, Aperçu sur la compétence de la cour constitutionnelle et la procédure devant cette Haute juridiction, Editions universitaires Africaines, 2017 P.2. * 68 Idem, P.3. * 69 https://cours-de-droit.net/histoire-de-la-justice-constitutionnelle-dans-le-monde-a128211628/ consulté le 08 Mai 2023. * 70 Idem. * 71 LARCIER (F.), Droit constitutionnel, tome II, Le système constitutionnel, 2. Les fonctions, Bruxelles, Larcier, 1988, pp.206-207. * 72 LIHAU EBUA LIBANA la MOLENGO, Droit constitutionnel et institutions politiques, Notes de cours, UNAZA, Campus de Kinshasa, 1974, p.122, n°218. * 73 Idem. * 74 Article 158 de la constitution du 18 Février 2006. * 75 Idem, Article 160 alinéa 2. |
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