Section 3 : Mise en place des stress tests :
procédures et
démarches
Dans cette section, nous abordons les principales
étapes et démarches impliquées dans la mise en place des
stress tests au sein des institutions financières.
1. Les étapes clés de la mise en place des
stress tests Le processus des tests de résilience comprend
plusieurs étapes, telles que :
- Définition des objectifs : Les
objectifs du stress testing doivent être précisément
définis et compréhensibles pour les décideurs, allant
au-delà de simples contraintes réglementaires.
- Définition du périmètre :
Selon les objectifs, le stress test peut être appliqué
à l'ensemble de l'établissement ou à un
périmètre plus restreint. Un périmètre
réduit facilite l'exploitation des résultats mais peut limiter la
mesure des corrélations entre activités ou secteurs.
- Définition des scénarios :
Les chocs appliqués doivent être adaptés à
la nature de l'établissement et refléter son aversion au risque.
Ils peuvent être de différentes natures, tels que les tests de
robustesse des modèles ou les tests de stabilité
financière.
- Choix de la démarche : Le stress
testing peut être effectué selon deux approches : quantitative
basée sur des modèles ou qualitative avec l'expertise d'un groupe
d'experts.
- Analyse et décisions : L'analyse
des résultats mettra l'accent sur les tendances dégagées
et les niveaux atteints par rapport aux limites et à la perception des
risques par les dirigeants. Les décisions qui découlent de ces
exercices porteront sur les règles régissant l'activité,
comme les plans de contingence et les limites de risques.
2. Mise en oeuvre des stress tests de
crédit
Les stress tests de crédit suivent une procédure
en trois étapes pour évaluer l'impact d'un scénario
macroéconomique stressé sur la qualité des expositions de
crédit des banques. Tout d'abord, les valeurs prévisionnelles des
variables macroéconomiques sont déterminées pour un
scénario spécifié et une période donnée.
Ensuite, l'impact de ces variations sur les paramètres de risque de
crédit des banques, tels que la probabilité de défaut (PD)
et la perte en cas de défaut (LGD), est estimé. Enfin, les
paramètres de risque de crédit stressés sont
utilisés pour évaluer l'incidence du scénario de stress
sur la solvabilité des banques.
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En pratique, la mise en oeuvre des deux premières
étapes implique généralement deux types de
modélisation distincts. Tout d'abord, pour prédire le
comportement des variables macroéconomiques, telles que la croissance du
P11B et le taux d'intérêt à long terme, sous un
scénario de stress prédéfini et sur une période
donnée, on utilise généralement un modèle macro
économétrique. Ce modèle intègre des chocs
défavorables pour une ou plusieurs variables macroéconomiques, et
les équations du modèle déterminent comment ces variables
ainsi que d'autres se comportent en réponse à ces chocs sur
l'horizon des tests de résilience. Ensuite, une deuxième
étape de modélisation est nécessaire pour estimer l'impact
des variables macroéconomiques stressées sur les
paramètres de risque de crédit des banques à l'horizon des
tests de résilience. Ces modèles de risque de crédit
consistent principalement en une ou plusieurs équations reliant les
paramètres de risque de crédit des banques aux variables
macroéconomiques.
Les variables macroéconomiques stressées,
dérivées du modèle macro économétrique, sont
utilisées comme entrées dans l'équation du modèle
de risque de crédit pour obtenir les valeurs stressées des
paramètres de risque de crédit. Enfin, ces valeurs
stressées des paramètres de risque de crédit sont
appliquées aux pertes et aux profits des banques afin d'estimer l'impact
sur leur position de solvabilité.
3. Etudes empiriques des stress tests sur le risque de
crédit
(Zeman & Jurca, 2008), ont évalué l'impact
d'un ralentissement simulé de l'économie slovaque sur le secteur
bancaire du pays. À l'aide d'un modèle de correction d'erreurs
vectorielles, ils ont constaté que, dans l'ensemble, un ralentissement
temporaire mais significatif de la croissance du P11B ne représenterait
pas une menace substantielle pour le secteur bancaire slovaque, à
condition que la politique monétaire réponde de manière
adéquate. Cette politique monétaire aurait un effet positif en
atténuant la récession et en améliorant la qualité
du portefeuille de crédit grâce à la baisse des taux
d'intérêt, ce qui allégerait le fardeau de la dette des
emprunteurs à court terme. Cependant, ils ont souligné que
l'absence de réponse adéquate aux chocs de croissance du P11B
ainsi que les risques de taux de change et de taux d'intérêt
pourraient constituer des menaces plus significatives pour le secteur bancaire
slovaque en raison de l'ouverture de l'économie du pays.
Dans l'étude de (Ben youcef, 2018), un modèle a
été proposé pour réaliser un stress test macro du
risque de crédit sur un échantillon de dix banques commerciales
tunisiennes. L'approche
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utilisée implique d'expliquer le risque de
crédit pour chaque banque en utilisant un modèle statistique
à effets fixes. Ensuite, un stress test de résilience a
été réalisé en utilisant une simulation de Monte
Carlo pour générer des distributions de pertes de risque de
crédit pour différents scénarios, permettant ainsi de
déterminer les pertes inattendues pour chaque banque. Les
résultats de l'analyse ont révélé une relation
négative entre le risque de crédit et le taux de croissance du
PIB, ainsi que le ratio des prêts sur le total des actifs. De plus, le
ratio de rendement des actifs et la taille de la banque ont également
été identifiés comme ayant un impact négatif sur le
risque de crédit. Les résultats du test de résilience ont
montré qu'un scénario défavorable de ralentissement
économique entraîne une augmentation des pertes de crédit
les plus élevées pour toutes les banques de l'échantillon,
mais que ces pertes inattendues peuvent être couvertes par le capital
disponible des banques concernées.
Dans leur étude, (Onha, Yen, Trang, & Trung, 2018)
ont évalué la capacité des banques commerciales
vietnamiennes à faire face à une augmentation du risque de
crédit à la suite de chocs macroéconomiques. Ils ont
utilisé un modèle VAR pour estimer la relation entre les
variables macroéconomiques (PIB réel, taux de change réel,
taux d'intérêt prêteur et taux d'inflation) et ont
établi des scénarios macroéconomiques à partir de
ces estimations. Ensuite, ils ont utilisé un modèle GMM pour
estimer la relation entre le ratio de prêts non performants (risque de
crédit) et les variables macroéconomiques identifiées
précédemment. Enfin, le nouveau ratio de capital requis (CAR) a
été recalculé en tenant compte de l'augmentation du risque
de crédit et de l'augmentation des créances douteuses. Les
résultats montrent que le risque de crédit auquel les banques
commerciales sont confrontées est relativement limité tant que
leurs actifs pondérés en fonction des risques restent
inchangés. Cependant, si ces chiffres augmentent à mesure que les
banques étendent leurs prêts, le CAR de toutes les banques
diminuera considérablement, et certaines des plus grandes banques
risqueront de ne pas pouvoir répondre aux exigences de la Banque
centrale en matière de capital.
Dans son étude, (Zouali, 2015) a tenté de
développer un modèle approprié pour expliquer le risque de
défaut au sein de la banque marocaine BMCI en utilisant un modèle
VAR. Ce modèle a ensuite été utilisé pour simuler
des chocs sur l'ensemble des variables explicatives du risque de crédit
afin d'évaluer leur impact sur la solvabilité de la banque. Les
résultats du modèle indiquent que les variables PIB, inflation et
crédit immobilier sont les plus significatives. L'auteur propose que les
fonds propres de la banque BMCI absorbent ces chocs afin de
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maintenir un ratio de solvabilité supérieur
à 8%. Cependant, il souligne que la crise immobilière a un impact
plus prononcé sur les fonds propres de la banque.
Les travaux de (Andrea, Danilo, Nicola, & Tommaso, 2023)
se concentre sur l'utilisation d'un modèle VAR bayésien pour
évaluer la suffisance en capital d'une banque à travers des tests
de résistance. L'étude vise à analyser les impacts
potentiels des chocs macroéconomiques sur la capacité de la
banque à maintenir des niveaux adéquats de capitaux
réglementaires. En utilisant des techniques statistiques basées
sur la théorie VAR bayésienne, l'article explore la relation
entre les variables macroéconomiques, les indicateurs de risque et les
mesures de capital de la banque. Cela permet d'évaluer la
résilience de la banque face à différentes conditions
économiques stressantes.
(Jacobs, Ahmet, & Frank, 2015) ont contribué
à la littérature en développant une méthodologie de
test de résistance au risque de crédit basée sur la
méthode bayésienne. Leur travail propose une approche qui peut
être mise en oeuvre par des banques de petite et moyenne taille, en
intégrant formellement des scénarios exogènes et en
quantifiant l'incertitude dans les résultats du modèle
résultant des entrées du modèle stochastique. Ils ont
également comparé leur modèle bayésien à un
modèle classique, en mettant en évidence des différences
significatives en termes de mesure de l'incertitude statistique et d'erreur
cumulée. Les résultats empiriques obtenus à partir des
mises en oeuvre du CCAR viennent appuyer leur approche. Cette contribution
à la littérature renforce la compréhension des tests de
résistance et de la validation des modèles dans le contexte de la
gestion du risque de crédit.
4. Avantage de l'application de Stress Tests avec la
modélisation BSVAR
La méthode de réalisation des stress tests
à l'aide du modèle bayésien présente
également des avantages selon plusieurs auteurs :
Selon (Pflug & Pohl, 2018), l'approche bayésienne
permet de quantifier l'incertitude liée aux scénarios de stress
en utilisant des distributions de probabilité pour les variables
clés. Cela permet d'obtenir des résultats plus robustes et de
prendre en compte les différentes sources d'incertitude dans les
prévisions des pertes potentielles. Ainsi d'après (Giudici &
Spelta, 2016), l'approche bayésienne permet d'incorporer des
connaissances expertes et des informations supplémentaires dans le
processus de modélisation des scénarios de stress. Cela permet
d'améliorer la qualité des prévisions en intégrant
des informations spécifiques au contexte et en évitant les biais
liés à une modélisation purement statistique.
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Selon (Gael, et al., 2023), l'approche bayésienne
permet de gérer efficacement les données manquantes ou les
informations incomplètes dans les scénarios de stress. En
utilisant des techniques d'imputation bayésienne, il est possible
d'estimer les valeurs manquantes de manière robuste et d'éviter
les biais liés à des valeurs manquantes arbitraires. En outre
selon (Hegde, Hegde, Hegde, Marthanda, & Logu, 2023), l'approche
bayésienne permet de combiner de manière cohérente les
informations provenant de différentes sources, telles que des
données historiques, des données expertes et des données
économiques, pour construire des scénarios de stress plus
réalistes et plus précis. Cela permet d'obtenir des
résultats plus fiables et de prendre en compte une plus grande
variété de facteurs pertinents.
Enfin, selon (Gary, Dimitris, & Davide, 2019), l'approche
bayésienne permet de mettre à jour les scénarios de stress
au fur et à mesure que de nouvelles informations deviennent disponibles,
ce qui permet de suivre l'évolution de l'environnement économique
et d'ajuster les prévisions en conséquence. Cela permet d'obtenir
des résultats plus adaptés aux conditions actuelles et de prendre
des décisions plus éclairées.
En conclusion, l'utilisation de l'approche bayésienne
dans la réalisation des stress tests présente des avantages
significatifs, notamment en termes de quantification de l'incertitude,
d'intégration de connaissances expertes, de gestion des données
manquantes, de combinaison d'informations provenant de différentes
sources et de mise à jour des scénarios de stress en fonction des
nouvelles informations disponibles.
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