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Les travaux dans le cadre du bail à usage professionnel


par Soline KETCHEUZEU NANA
Université de Dschang - Master en Droit des Affaires et de l’Entreprise  2020
  

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Section 2 : La possibilité d'aménagements conventionnels du principe légal

L'absence de l'article 106 de l'Acte uniforme au rang des dispositions d'ordre public, impliqueimplicitement une marge de liberté accordée aux parties pour l'aménagement conventionnel de leur contrat (Paragraphe1), dont le contenusera parfois interprété de façon restrictive (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La liberté des parties dans la répartition des travaux

Le bailleur est très souvent tenté de faire supporter l'intégralité des grosses réparations par le preneur en insérant expressément une variété de clauses transférant la charge des grosses réparations au preneur (A), même si ce dernier conserve une marge de manoeuvre en l'absence de clauses (B).

A- La variété des clauses relatives aux travaux

Les clauses relatives aux travaux ont un contenu varié et doivent remplir certaines conditions de validité.

S'agissant du contenu, les baux à usage professionnel contiennent une variété de clauses dont la plus fréquente est celle par laquelle le preneur accepte de prendre les lieux dans l'état où ils se trouvaient sans pouvoir exiger du bailleur aucune réparation ou aucun aménagementde quelque nature que ce soit73(*).Très souvent également, est valable la clause du bail qui stipule que le locataire s'oblige à souffrir et laisser faire les réparations, améliorations, transformation, surélévations et constructions nouvelles que le bailleur jugera convenable de faire exécuter sans indemnité de diminution de loyer.

Toutefois, pour être efficaces, ces clauses doivent respecter certaines conditions. En droit comparé français, toute clause transférant les grosses réparations à la charge du preneur doit être claire et précise74(*). La jurisprudence française s'est prononcée en ce sens dans une affaire où, une société avait donné à bail à une autre, différents bâtiments à usage commercial d'hôtel, bar et restaurant. Des travaux étant apparus nécessaires sur la toiture d'un des bâtiments, le preneur a été contraint de les effectuer suite à un commandement de son bailleur. Mais il l'a ensuite assigné en remboursement de leur coût au motif que la clause précitée était imprécise et ne mettait pas à sa charge la réfection totale de la toiture75(*). De même, dans une affaire pendante devant la cour d'Appel de l'Ouest à Bafoussam, les parties avaient expressément précisé à l'article 3 de leur contrat de bail que : « Le preneur est autorisé à faire toutes transformations qu'il jugera utile sauf le changement de disposition et modifications pour lesquelles l'autorisation du bailleur est nécessaire »76(*);

Quant aux modalités d'exécution, très souvent, les parties précisent dans leur contrat que les transformations, modifications, constructions nouvelles et autres ne pourront être faites par le preneur qu'après autorisation expresse et écrite du bailleur77(*).Ce fut le cas dans une affaire tranchée par la Cour d'appel de Bobo-Dioulasso78(*). En outre, elles ajoutent que ces travaux appartiendront de plein droit au bailleur en fin de bail, sauf au preneur à remettre les lieux en l'état où ils se trouvaient au moment de l'entrée en jouissance. Dans un arrêt rendu par la Cour d'Appel de l'Ouest à Bafoussam, celle-cia constaté qu'il n'est stipulé nulle part dans le contrat de bail que le changement de disposition des locaux par des constructions nouvelles sans l'autorisation expresse et écrite du bailleur entraînerait la résiliation de plein droit de ce contrat79(*). Mais cette clause doit être exécutée de bonne foi et le bailleur doit tâcher de ne pas provoquer une gêne anormale pour le preneur.

Toutefois, en l'absence de clauses, le preneur dispose d'une petite marge de manoeuvre.

B- La marge de manoeuvre limitée du preneur en l'absence de clause

Lorsque le bail ne comporte aucune clause, le preneur peut apporter toute modification sans autorisation du bailleur aux lieux en rapport avec les besoins de son exploitation à condition qu'elle soit minime. En outre, il faudrait que cette modification ne cause aucun préjudice au bailleur et n'affecte pas les gros oeuvres ou l'architecture. La justification de cette prérogative découle du fait qu'il ne faudrait toutefois pas enfermer le preneur dans le cadre contractuel pour des modifications qui ne sont pas d'importance80(*).

En outre, lorsque le bail comporte une clause prévoyant qu'à son expiration, tous les aménagements, améliorations,etc, resteront au bailleur sans indemnité, cela laisse croire que le preneur est autorisé implicitement à effectuer certaines modifications sans l'accord exprès du bailleur, puisqu'ils lui profiteront en fin de bail81(*).

La liberté contractuelle laissée aux parties quant à la répartition des travaux ne dispense nullement le juge d'intervenir afin de rétablir l'équilibre contractuel en interprétant certaines clauses de façon restrictive82(*).

* 73 CA de l'Ouest, arrêt n°44/Civ, du 22 juin 2011, aff. Société Générale de Distribution Boissons C/ TCHOUMBA Dieudonné, inOhadataJ-12-66.

* 74 Elle doit préciser expressément la nature des travaux et les modalités d'exécution afin d'éviter un quelconque conflit ou confusion de tâches. V. Cass. Soc., 14 janv. 1955, Bull. civ. IV, n°42. MOHO FOPA (E. A.), L'ordre public en droit commercial de l'OHADA, thèse de Doctorat, Université de Dschang, 2014, p. 56

* 75Dans ce bail, une clause stipulait que « Le preneur aura la charge de l'entretien courant de l'immeuble. Par dérogation aux articles 605 et suivants du code civil, il aura également à sa charge le clos et le couvert, étant toutefois précisé que la bailleresse fournira à ses frais, les matériaux nécessaires à la réfection des toitures ». 

* 76 CA de l'Ouest, arrêt n°76/Civ du 23 mai 2007, Aff. FOKAM KAMGA Constant C/ NOUAFO née WANKO Julienne.

* 77Toutefois, il y'a consentement implicite du bailleur donné au preneur pour la réalisation des grosses réparations, dès lors que celles-ci ont été entreprises après l'obtention d'un permis de bâtir que le bailleur ne pouvait ignorer. CCJA, arrêt n°036/2013 du 02 mai 2013, aff. SIMO DE BAHAM et Mme SIMO DE BAHAM née CARON Marie C/ Société PLAZA SARL, Juridatan° J036-05/2013.

* 78CA de Bobo-Dioulasso, ch. Com.,arrêt n°08/09 du 22 avril 2009, Aff. DERA Hamadou C/ SONAR-IARD, OhadataJ-12-114.Selon l'article 4-4 de leur contrat : « le preneur ne pourra faire aucune modification, ni transformation dans l'état ou la disposition des lieux sans autorisation préalables du bailleur. Tout embellissement, aménagement ou constructions nouvelles appartiennent de plein droit au bailleur en fin de bail sans aucune indemnité »

* 79 CA, Bobo-Dioulasso, Ch. Com., ibid.La cour d'appel a relevé qu'il y'a lieu de distinguer la simple réparation du remplacement total qui incombe au bailleur lorsqu'il n'est pas expressément visé par la convention.

* 80 GATSI (J.), Pratique des baux commerciaux dans l'espace OHADA, Op. cit., p. 98.

* 81À condition qu'il s'agisse des modifications mineures, et que cela ne contredise pas une autre clause du bail exigeant par exemple l'intervention de l'architecte personnel du bailleur pour les travaux, quelle qu'en soit l'importance.

* 82Bien que l'article 106 de l'Acte uniforme ne soit d'ordre public, les clauses dérogatoires doivent être interprétées restrictivement afin d'éviter que les bailleurs n'abusent des preneurs en transférant totalement leur charge à ceux-ci.

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