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Les travaux dans le cadre du bail à usage professionnel


par Soline KETCHEUZEU NANA
Université de Dschang - Master en Droit des Affaires et de l’Entreprise  2020
  

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Paragraphe 2 : Les travaux incombant au preneur

Le législateur a mis à la charge du preneur, toutes les menues réparations liées à l'entretien du local (A). Cependant, il a également prévu la possibilité pour le preneur de se substituer au bailleur dans l'exécution des grosses réparations (B).

A- La réalisation des réparations locatives par le preneur

Aux termes de l'article 114 de l'Acte Uniforme révisé51(*) le preneur a l'obligation d'exploiter les locaux en bon père de famille, ce conformément à la destination prévue. Les réparations locatives sont celles qui n'affectent pas la structure du local52(*). Ce sont les travaux d'entretien courant qui sont consécutifs à l'usage normal des locaux. Il convient dès lors de présenter le contenu des réparations d'entretien (1), avant de s'appesantir sur la responsabilité du preneur quant aux pertes et dégradations subséquentes (2).

1- Le contenu des réparations locatives

Le locataire est tenu de l'entretien courant du logement et de ses équipements. La notion d'entretien courant consiste en droit comparé français, à réaliser l'ensemble des opérations d'entretien permettant d'éviter autant que possible une dégradation du logement suiteà l'occupation du logement par le locataire. Il s'agit notamment du changement d'ampoules, raccords de peinture, entretien des installations électriques et travaux de plomberie,etc53(*). En outre, les travaux d'entretien ont pour but de maintenir l'état approprié à l'usage pendant la durée du bail. Ils concernent donc les défauts apparus après la remise de l'objet loué54(*).

Il est de jurisprudence constante en droit OHADA que les travaux de réparation du sanitaire et de peinture ne constituent pas des grosses réparations55(*). Partant, l'obligation d'entretien du preneur est en principe une obligation qui s'exécute tout au long du bail. Donc ce n'est qu'à la fin du bail que le bailleur pourra vérifier si cette obligation a été exécutée. Toutefois, cette obligation est limitée par la force majeure et la vétusté56(*). En cas de non-respect de ses obligations par le preneur, le bailleur peut engager sa responsabilité contractuelle, le mettre en demeure ou résilier le bail. Il convient de rappeler en conséquence que le preneur répondra des pertes et dégradations dues à ce défaut d'entretien.

2- La responsabilité du preneur quant aux pertes et dégradations dues au défaut d'entretien

Le preneur doit conserver la chose en effectuant certaines réparations. Il répond en principe de la dégradation du local, laquelle s'apprécie par rapport à l'état initial. Cette responsabilité avait pour fondement l'article 1732 du code civil57(*). Plus tard, cette position a été entérinée par le législateur OHADA en son article 114 du nouvel Acte Uniforme. Il y'a destruction ou perte totale ou partielle de la chose louée chaque fois que cette dernière ne peut plus être conservée sans dépenses excessives et devient impropre à l'usage auquel elle était destinée. Si le preneur n'effectue aucune réparation, le bailleur doit se prévaloir de sa faute sans avoir à justifier d'un préjudice. Celui-ci peut également se plaindre de la perte de la chose louée, de la valeur du bien, du fait du comportement du locataire. Mais la dégradation n'engage la responsabilité du preneur que si elle provient de l'inexécution de réparations locatives58(*). C'est ainsi qu'il a été décidé dans un arrêt du 29 mai 2019, que la responsabilité contractuelle suppose l'existence d'une faute qui réside dans l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'obligation, toutes les fois que le débiteur ne justifie pas que le manquement provient d'une cause étrangère59(*).

Bien que la charge des travaux soit répartie entre les parties, le locataire peut parfois se substituer au bailleur dans l'exécution de ses obligations.

B- La réalisation exceptionnelle des grosses réparations par le preneur

Expressément prévu à l'article 107 de l'Acte Uniforme révisé60(*),le preneur peut se substituer au bailleur dans la réalisation des grosses réparationsà condition de se faire autoriser par la juridiction compétente (2),et de rapporter la preuve du refus du bailleur (1).

1- L'exigence de la preuve du refus du bailleur

Le législateur OHADAn'a pas rendu la possibilité de substitution au bailleurautomatique, même si les travaux sont urgents. Cette disposition légale est d'ordre public. Le preneur doit avoir rappelé vainement au bailleur l'exécution de son obligation. Il a été décidé dans un jugement du TPI de Yaoundé-Ekounou que dans le contrat de bail à usage professionnel, le locataire qui procède aux grosses réparations sans établir le refus du bailleur supporte les dépenses entreprises61(*).

En outre, avant de rapporter la preuve du refus du bailleur de s'exécuter, il faudrait avant tout que le preneur prouve l'existence des travaux nécessaires et urgents. C'est ce qui ressort d'un arrêt de la section du tribunal de Dabou62(*). Généralement, le bail contient une clause rappelant au locataire une obligation d'informer son bailleur des réparations qui lui incombent. Partant, le preneur peut également rapporter la preuve du refus du bailleur en produisant une lettre de mise en demeure à lui adressée à cet effet. Il convient de préciser que le preneur pourra supporter une partie des dépenses de la remise en état des locaux, s'il n'a pas pris la précaution d'alerter le bailleur en temps opportun d'une dégradation due par exemple aux infiltrations63(*).

Une fois la preuve du refus du bailleur rapportée, le preneur doit se faire autoriser par la juridiction compétente.

2- L'autorisation de la juridiction compétente statuant à bref délai

Lorsque le bailleur refuse d'assumer les grosses réparations, le preneur peut se faire autoriser par la juridiction compétente statuant à bref délai, afin de les effectuer aux dépens du bailleur. C'est dire que sans autorisation de la juridiction compétente, le preneur ne peut prétendre à aucun remboursement64(*). En outre, le locataire qui effectue des grosses réparations incombant au bailleur sans obtenir l'autorisation judiciaire ne peut se permettre de retenir les loyers échus à verser à ce dernier en guise de compensation65(*).

C'est ainsi que, dans une affaire opposant sieur A,le preneur, à dame Lla bailleresse66(*): « le tribunal a considéré que la preuve de l'existence des travaux n'a pas été rapportée par monsieur A et que même si cette preuve avait été rapportée, les travaux ne seraient opposables au bailleur puisque la procédure prévue à l'article 75 de l'Acte Uniforme sus-évoqué n'a pas été respectée »67(*).

Cependant, le problème s'est longtemps posé quant à la détermination de la juridiction compétente statuant à bref délai en droit interne des Etats-parties. En droit interne camerounais, cette juridiction a prêté à confusion avec le juge des référés qui lui aussi statue à bref délai68(*). Mais il s'est avéré que le juge des référés est juge du provisoire69(*), et il ne peut connaître d'une action en résiliation du bail que du moment où le bail comporte une clause résolutoire. Dans ce cas, il constate juste que les conditions de la résiliation sont réunies70(*). Or l'expulsion, la résiliation, la demande de paiement des loyers,etc,2sont des demandes qui touchent au fond du litige. C'est la raison pour laquelle la CCJA a reprécisé dans un arrêt que la juridiction statuant à bref délai sur ces demandes est une juridiction de fond et non son homologue des référés71(*).

Par ailleurs, la demande aux fins d'être autorisé à réaliser les travaux n'est nullement une question de fond susceptible de relever de cette juridiction de fond ou du juge des référés. Au regard de cette constance, il est évident qu'en l'espèce, la compétence revient au juge des requêtes qui rendra une ordonnance sur la base des pièces justifiant la mise en demeure du bailleur, autorisant le preneur à effectuer les grosses réparations.72(*).

Nonobstant la répartition légale, les parties peuvent décider autrement dans leur contrat de la répartition des travaux.

* 51Il dispose : « le preneur est tenu aux réparations d'entretien. Il répond des dégradations ou des pertes dues à un défaut d'entretien au cours du bail ».

* 52 MAINGUY (D.), Contrats spéciaux, 3è ed. Dalloz, 2002, p. 286.

* 53AZOULAY (F.), « Le locataire et le contenu de son obligation d'entretien et de réparation », publié le 12 mai 2016, legavox.fr.

* 54 CARON (B.), Bail et travaux de construction : aménagement, entretien, rénovation et modification des locaux, in Bohnet (édit), 17è séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel, 2012, p. 68

* 55CA Ouagadougou, arrêt n°026 du 05 mars 2010, Ch. Com., Aff. Bureau d'Investissement Populaire Lybien (BIPL) C/ BAYALA Clarisse, OhadataJ-09-384.

* 56 ISSA SAYEGH (J.), POUGOUE (P.G.) et SAWADOGO (F.M.) (coord.), Traités et Actes uniformes commentés et annotés, 4è éd. Juriscope, Jouve, 2012, p. 301.

* 57Il dispose : « Le preneur répond des dégradations ou pertes qui arrivent pendant sa jouissance à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute »

* 58 « L'obligation du locataire de procéder aux réparations locatives disparait si les réparations avaient été rendues nécessaires par la force majeure ou le vice de la chose ... » Cass. Civ.1ère, 4 novembre 1987, Gaz. Pal., 88, I, pan. 6

* 59 CA de Commerce d'Abidjan, 4è Ch., arrêt n° 177/2019 du 22 mai 2019, Sur www.legiafrica.com le 29 décembre 2019.

* 60« [Lorsque le bailleur refuse d'assumer les grosses réparations qui lui incombent, le preneur peut se faire autoriser par la juridiction compétente statuant à bref délai, à les exécuter conformément aux règles de l'art, pour le compte du bailleur...]». Ce texte adapte la règle de droit commun contenue dans l'article 1144 du code civil français selon laquelle « [Le créancier peut aussi en cas d'inexécution, être autorisé à exécuter l'obligation aux dépens du débiteur] ».

* 61 TPI de Ydé-Ekounou, jgtn° 17 du 1er mars 2012, Aff. ESSOMBA ESSOMBA Edouard C/ NNANDI OKAFOR Innocent in OhadataJ-14-41.

* 62Section du Tribunal de Dabou, jgtn°106 du 03 octobre 2006, aff. AMESSAN GNABA C/ LAGO N'DRIN YvonneinOhadataJ-09-186.Dans ce jugement, le tribunal après avoir rappelé le contenu des articles 74 et 75 de l'ancien acte Uniforme, a constaté en l'espèce que monsieur À n'a pas démontré que le local en question nécessitait de grosses réparations que le bailleur aurait refusé d'effectuer ou de payer lui-même.

* 63GATSI (J.), Pratique des baux commerciaux dans l'espace OHADA, PUL, Douala, 2006, p. 96.

* 64 TPI de Ydé-Ekounou, jgtn° 17 du 1er mars 2012, Aff. ESSOMBA ESSOMBA Edouard C/ NNANDI OKAFOR Innocent inOhadataJ-14-41.

* 65 CA de Commerce d'Abidjan, 5è Ch., arrêt n°716/2019 du 10 décembre 2019, Sur www.legiafrica.com le 1er janvier 2020.

* 66Dans cette affaire, le preneur avait saisi la section du tribunal de Dabou afin de voir dame L condamnée à lui payer la somme de 1.817.229 FCFA représentant le reste des travaux, le tribunal a observé qu'il n'a pas été saisi conformément à l'article 75 de l'ancien Acte Uniforme, c'est-à-dire dans le but de se faire autoriser à exécuter les travaux lui-même lorsque le bailleur est défaillant.

* 67V. Supra (note 60).

* 68 TPI de Ydé-Ekounou, jgtn°45/Com du 1er novembre 2012, Aff. ABESSOLO MBIDA Daniel C/ TSIMI Emmanuel, inOhadataJ-14-45.

* 69 Cependant, il est de jurisprudence constante que le juge de référés ne peut être compétent qu'au cas où les parties ont prévu une clause résolutoire de plein droit du bail. CA de commerce d'Abidjan, 1ère ch. arrêt n°232/2018 du 29 novembre 2018.

* 70 CCJA, arrêt n° 011 du 26 février 2004, aff.Aafiu OYEWEMI C/ Tony Anthony, Rec. Jurisp. CCJA n° 3, janv-juin 2004, p. 64 ; Le Juris Ohada n° 2/2004, juin-août 2004, p. 17, note Brou Kouakou M. ; Ohadata J-03-192, note, B. M. Kem Chekem, Juridis Périodique n° 121, janv-février-mars 2020, p. 49.

* 71 CCJA, 1ère Ch., arrêt n° 009/2019 du 24 janvier 2019, Aff. Société HABANA CAFE SARL C/ Société civile Immobilière de Pélican Doré.

* 72 GATSI (J.), Pratique des baux commerciaux dans l'espace OHADA, PUL, Douala, 2006, p. 97.

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