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Les travaux dans le cadre du bail à usage professionnel


par Soline KETCHEUZEU NANA
Université de Dschang - Master en Droit des Affaires et de l’Entreprise  2020
  

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CHAPITRE 1 : LA NATURE DES TRAVAUX INCOMBANT À CHACUNE DES PARTIES

Souvent considérés comme un casse-tête lors de la négociation du contrat de bail, les travaux dans le cadre du bail à usage professionnel sont au coeur des doutes et des conflits sur la répartition des charges entre le bailleur et le locataire. Le Code civil répartissait déjà les travaux entre les parties en mettant les grosses réparations à la charge du bailleur et les menues réparations à la charge du locataire35(*). Cette répartition sera plus tard adoptée par le législateur OHADA dans l'Acte Uniforme portant sur le Droit Commercial Général du 17 avril 199736(*), et reconduite dans l'acte révisé le 15 décembre 201037(*). Toutefois, cette répartition n'est pas d'ordre public, tel qu'il ressort de l'AUDCG révisé, où le législateur a pris la peine d'énumérer expressément les dispositions d'ordre public en son article 13438(*). Ce qui traduit la volonté du législateur d'accorder la possibilité aux parties d'aménager leur contrat quant à la répartition des travaux (Section 2), sans toutefois mépriser le principe légal de répartition (Section 1).

Section 1 : Le principe légal de répartition de la charge des travaux

À l'examen du régime juridique du bail à usage professionnel, l'on constate aisément que le législateur OHADA a protégé l'investissement qui est une source de richesse sans toutefois ignorer le local qui est le socle. S'agissant des travaux, le législateur a imposé des obligations y relatives tant au bailleur qu'au preneur afin de restaurer un certain équilibrisme des obligations entre les parties39(*).

Ainsi, certains travaux incombent au bailleur (Paragraphe 1), tandis que d'autres sont à la charge du preneur (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les travaux incombant au bailleur

Partant de la constance selon laquelle le bail à usage professionnel peut porter sur un terrain nu ou bâti, le bailleur est en principe tenu d'édifier complètement le local sur un terrain nu par exemple (A) en plus de son obligation de réalisation des grosses réparations prévue à l'article106 du nouvel Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général (B).

A- L'édification complète du local

Clairement prévu par l'Acte Uniforme, le bail à usage professionnel peut porter sur un terrain nu40(*). Le même texte précise que les parties peuvent convenir à un arrangement selon lequel le preneur édifie complètement le local avec le consentement exprès du bailleur41(*). C'est d'ailleurs ce qui prouve que l'édification complète du local est une obligation du bailleur en principe. Ainsi, pour édifier des constructions sur un terrain nu, le preneur doit solliciter le consentement exprès du bailleur avant tout commencement, afin d'obtenir remboursement des frais engagés à la fin du bail. C'est ce qui ressort clairement d'une affaire tranchée par la Cour d'appel de Bobo Dioulasso en date du 06 mars 2006.

En l'espèce, madame G et monsieur T ont conclu une convention verbale donnant à monsieur T l'autorisation de construire sur une parcelle appartenant à dame G, un bâtiment qu'il devait affecter à l'usage d'un télécentre. Ce qui a été fait, et évalué à 233.150 FCFA. Sieur T. a saisi la juridiction compétente aux fins que lui soient remboursés ces 233.150 FCFA. La Cour a constaté que dame G avait donné son consentement et a condamné cette dernière au paiement de cette somme42(*).

C'est dire que la construction du local est une charge propre au bailleur de telle enseigne que le preneur ne peut le faire de son seul gré.

B- La réalisation des grosses réparations

Le législateur a essayé de définir cette notion en empruntant au code civil français43(*), mais cette définition exemplative s'avère parfois insuffisante et ambigüe créant de nombreux conflits entre les parties. C'est ainsi que la notion est une question de fait relevant de l'appréciation des juges de fond.L'article 106 alinéa 3 de l'AUDCG révisé précise que : « Les grosses réparations sont notamment celles des gros murs, des voûtes, des poutres, des toitures, des murs de soutènement, des murs de clôture, des fosses septiques et puisards... ». A la différence de l'article 606 du Code civil camerounais qui énumérait une liste exhaustive et non énonciative des grosses réparations44(*), le législateur OHADA s'en est inspiré pour donner une définition exemplative et à titre indicatif de la notion de grosses réparations.La définition retenue par le législateur OHADA a été appliquée dans un jugement,et le juge a insisté sur le caractère nécessaire et urgent des réparations 45(*) .

Toutefois,le problème de caractérisation des grosses réparations s'est toujours posé aux juges. Ce fut le cas dans le jugement précité. En l'espèce, le preneur avait effectué des modifications et transformations sur le local. Le problème posé au juge était de savoir si ces travaux peuvent être qualifiés de grosses réparations. Le juge après avoir décidé que la réparation est une notion juridique nettement distincte de la modification et de la transformation a retenu que ces travaux n'étaient nullement des grosses réparations.

En droit comparé français, la Cour de cassation a défini les grosses réparations comme celles « intéressant l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale »46(*). En droit OHADA, il n'existe pas de critère simple permettant de définir la notion de grosses réparations. Cependant, la doctrine dominante camerounaise constate quedeux critères paraissent être plus adaptés dont celui matériel lié à l'importance de la réparation et celui financier,lié au caractère exceptionnel de la dépense47(*). Dès lors, la réfection d'un morceau de toiture est une réparation d'entretien tandis que la réfection de toute la toiture est une grosse réparation, ce qui appelle le problème du contenu des grosses réparations.

Toutefois, les grosses réparations peuvent être de nature àconcourir au bon état du local tels que les travaux d'aménagement et d'entretien ou à affecter celui-ci dans son intégrité comme les travaux de modification et de transformation du local, de démolition et de rénovation liés à l'état de vétusté du localIl s'agit. S'agissant des travaux d'aménagement, ils ne sont définis par aucun texte. Cependant, la doctrine comparée Belge a essayé de les en définir comme des travaux permettant de délivrer le local dans un état approprié à l'usage pour lequel il était destiné48(*). C'est le cas des travaux d'installation, de suppression des défauts initiaux. Quant aux travaux d'entretien, également définis par la précédente doctrine ils permettent de maintenir la chose louée dans l'état approprié pour lequel elle a été délivrée49(*).

La doctrine ajoute que les travaux imposés par l'administration incombent au bailleur50(*). Il s'agit des travaux qui apportent une plus-value au local. Généralement ces travaux incombent au bailleur. Ce sont des travaux qui peuvent affecter non seulement le local dont jouit exclusivement

Tout comme le bailleur, le preneur a la charge de certains travaux.

* 35 Lire Art. 606, 1720 et s. du C. civ.

* 36 V. Art 74 et 82 de l'ancien AUDCG.

* 37 V. Art 106 et 114 du nouvel AUDCG.

* 38 Cet article dispose : « Sont d'ordre public les dispositions des articles 101, 102, 103, 107, 110, 111, 117, 123, 124, 125, 126, 127, 130 et 133 du présent Acte Uniforme ».

* 39MULAMBA (R.), « Le bail à usage professionnel dans l'OHADA : un régime juridique spécifique visant la protection du fonds de commerce et des preneurs professionnels », Juri-afrique, 03 mars 2017, disponible sur https://juri-afrique.com, consulté le 14 janvier 2020.

* 40V. Art. 101 al. 3 du nouvel AUDCG.

* 41Idem.

* 42 CA de Bobo Dioulasso, arrêt n° 12 du 06 mars 2006, in Ohadata J-09-399.

* 43 V. Art. 606.Cet article dispose : « Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des ouvertures entières ; Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien ». Cet article faisait une énumération exhaustive des grosses réparations.

* 44 Cour de Cassation, 3ème Chambre civile, 25 octobre 1983, 82-11261.

* 45 TGI d'Ouagadougou, jgt. n° 079/07 du 25 avril 2007, Aff. BAYALA Clarisse C/ Bureau des Investissements Populaires (BIP) inOhadataJ-09-384.

* 46 V. Cass. Civ. 3è, 13 juillet 2005, n° 04-13.764, Bull. civ. III, n° 155. C'est également une remise en état des éléments porteurs concourant à la stabilité et à la solidité de l'édifice ainsi que les éléments qui assurent le clos, le couvert et l'étanchéité. V. GUILLIEN (R.), VINCENT (J.), GUINCHARD (s.) et MONTAGNIER (G.), Lexique des termes juridiques, 22è éd., Dalloz, 2014.

* 47 GATSI (J.), Pratique des baux commerciaux, 2è éd. PUL, Douala, 2008, pp. 79-80.

* 48 CARON (B.), Bail et travaux de construction : aménagement, entretien, rénovation et modification des locaux, in Bohnet (édit), 17è séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel, 2012, p. 49.

* 49Op. cit. p. 63

* 50 GATSI (J.), Pratique des baux commerciaux dans l'espace OHADA, PUL, Douala, 2006, p. 96.

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