Les travaux dans le cadre du bail à usage professionnelpar Soline KETCHEUZEU NANA Université de Dschang - Master en Droit des Affaires et de l’Entreprise 2020 |
Paragraphe 1 : Les hypothèses d'augmentation des loyersTel que prévu aux article 116 et 117 de l'Acte uniforme précité, il est de principe que la révision des loyers est librement fixée par les parties (A), et ce n'est qu'en cas de désaccord qu'intervient le juge pour la fixation du nouveau loyer (B). A- L'augmentation conventionnelle des loyers L'article 116 de l'acte uniforme dispose : « les parties fixent librement le montant des loyers sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires applicables ». C'est dire que les parties peuvent se référer aux dispositions nationales, mais seulement si ces dispositions sont applicables au bail commercial sans toutefois violer les dispositions de l'acte Uniforme184(*). Pour que l'augmentation soit réalisée, les parties doivent insérer une clause claire et précise d'augmentation des loyers dans leur contrat ainsi que les conditions de cette augmentation. Les parties peuvent mentionner dans leur contrat par exemple que le bailleur après avoir apporté des améliorations notables au local, peut augmenter le loyer à hauteur de tel pourcent. C'est ce qui est communément appelé en droit, la clause d'échelle mobile185(*) ou clause d'indexation qui est une clause insérée dans le contrat qui prévoit que le loyer va évoluer automatiquement à la hausse ou à la baisse en fonction de l'augmentation ou la diminution d'un indice déterminé.Généralement, s'agissant de l'augmentation des loyers, cet indice déterminé peut être les travaux d'agrément, la peinture, les travaux de rénovation aussi, etc. Il est constant que tout se passe entre les parties lorsqu'il n'y a aucune contestation. Dès lors qu'une seule partie conteste l'augmentation, la saisine du juge est nécessaire. B- L'augmentation judiciaire des loyers Aux termes de l'article 117 de l'Acte uniforme, en cas de désaccord sur le montant du nouveau loyer, la partie la plus diligente saisit la juridiction compétente186(*). Il a été jugé dans une affaire que le preneur qui, mécontent de l'augmentation faite par le bailleur, est tenu de saisir la juridiction compétente, à défaut il sera tenu à payer le taux fixé187(*).Par ailleurs, dans un arrêt rendu par la cour d'appel d'Abidjan, où le juge a rappelé qu'en cas de désaccord entre les parties sur le nouveau montant du loyer, il revient au juge de fixer le montant en tenant compte des critères énumérés à l'article 117 précité188(*). Le désaccord survient généralement à défaut d'accord écrit entre les parties sur le nouveau loyer189(*) et lorsque le bailleur procède à une augmentation unilatérale du loyer, ce qui oblige le preneur à saisir la juridiction compétente pour lui demander de fixer le loyer ou de l'autoriser à le consigner auprès d'un séquestre190(*). C'est ce qui s'est passé dans une affaire pendante devant le TPI de Cotonou191(*). Partant, il est de jurisprudence constante que le bailleur qui entend réviser le loyer à la hausse doit garantir la décence des lieux. Revenant aux critères énumérés à l'article 117 de l'Acte uniforme, cette liste n'est qu'indicative car, le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation des critères déterminants pour l'augmentation des loyers, tels que la destination des locaux, la superficie, l'état de vétusté,etc,de telle enseigne qu'il ne peut lui être reproché en principe de n'avoir pas recouru à un expert192(*).Le critère le plus déterminant pour le cas d'espèce serait l'état de vétusté des locaux. Donc le bailleur serait tenté de rénover partiellement ou totalement son local pour prétendre à une quelconque augmentation du loyer. C'est sans doute compte tenu des difficultés d'appréciation des critères légaux que la jurisprudence a été amenée à reconnaitre un pouvoir d'appréciation au juge. C'est ainsi qu'il a été jugé dans une affaire qu'il ne saurait être reproché au juge du fond en cas de désaccord entre les parties sur la fixation du loyer, de n'avoir pas tenu compte des dispositions d'un texte de droit interne contraires aux critères prévus par le législateur OHADA193(*). Une fois les conditions de l'augmentation tant conventionnelle que judiciaire réunie, l'on procède à l'augmentation proprement dite. * 184C'est ce qui a été posé dans l'arrêt n° 350 du 25 mars 2003, rendu par la CA d'Abidjan, Ohadata J-03-278. * 185C'est une clause au titre de laquelle, le loyer sera automatiquement et de plein droit révisé sur une base périodique et sur la base d'indices de référence. Lire aussi, YOMBO DIALLO (A.), « Le juge et la révision du loyer-bail à usage professionnel », publié le 22 juill. 2019, par contentieux des affaires, p. 5. * 186Cet article dispose : « « À défaut d'accord écrit entre les parties sur le montant du nouveau loyer, la juridiction compétente statuant à bref délai, est saisie par la partie la plus diligente. Pour fixer le montant du nouveau loyer, la juridiction compétente tient notamment compte des éléments suivants : la situation des locaux, leur superficie, l'état de vétusté, le prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour les locaux similaires ». * 187Cour d'appel de Niamey, Ch. Com. Spécialisée, arrêt n° 33 du 20 août 2018, Legiafrica. * 188CA d'Abidjan, arrêt n°236 du 10 février 2004, Aff. Société de coordination et d'ordonnancement (SCO Afrique de l'Ouest) C/ Caisse autonome d'amortissement (CAA), OhadataJ-04-495. * 189CA de Lomé, ch. Civ. arrêt n°106/2010 du 24 juin 2010, aff. : Société ROMEX-TOGO C/ WILSON Héritiers, OhadataJ-11-105. * 190CA Littoral, arrêt n°96/REF du 28 juin 2003, OhadataJ-06-177. * 191 TPI Cotonou, jgt. n° 018/2ème ch. Com., 10-5-2001, aff. ADJANOHOUN Odette C/ Héritiers ASSOURAMOU Mathias, OhadataJ-04-228 ; V. aussi jgt. n° 236 du 14 mai 2003, TGI d'Ouagadougou, OUEDRAGO Sibiri C/ Burkina et Shell, OhadataJ-04-243. * 192Arrêt n°56/2016 du 21 avril 2016, CCJA, 1ère ch. * 193 CCJA, arrêt n°036/2008 du 03 juillet 2008, aff.Société Burkina SHELL C/ OUEDRAOGO Sibiri, Juridata n° J036-07/2008. |
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