Les travaux dans le cadre du bail à usage professionnelpar Soline KETCHEUZEU NANA Université de Dschang - Master en Droit des Affaires et de l’Entreprise 2020 |
Section 2 : La suspension du bail pour cause de travauxLorsque les travaux rendent le local indisponible sur une longue durée, le preneur est fondé à saisir la juridiction compétente aux fins de suspension du bail. C'est dire que le preneur ne peut de sa seule initiative décider de suspendre le bail.Dès lors que les conditions de suspension (paragraphe 1) sont réunies,celle-ci est ordonnée avec toutes les conséquences qu'elle emporte (paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les conditions de la suspension du bailPour que la suspension du bail soit effective, il faut que non seulement le local soit totalement indisponible du fait des travaux (A) et que la juridiction compétente soit saisie(B). A- L'indisponibilité totale du local pour cause de travaux L'indisponibilité du local signifie que le preneur est dans l'impossibilité de jouir de son local. Très souvent, cette indisponibilité est due aux travaux. Le bail ne peut être suspendu que si le local est totalement indisponible. D'après l'article 106 alinéa 5 du nouvel acte uniforme, « si les réparations urgentes sont de telle nature qu'elles rendent impossible la jouissance du bail, le preneur peut en demander la suspension pendant la durée des travaux... ». C'est ce qui a été retenu dans une affaire jugée par la CCJA en ces termes : « seul le preneur est fondé à demander la suspension du bail au cas où les réparations urgentes initiées par le bailleur sont de nature à rendre impossible la jouissance du local160(*) ».C'est dire que l'indisponibilité partielle du local ne peut justifier le prononcé de la suspension du bail, car le preneur exploite en partie le local. En outre, il convient de préciser que la suspensiondu bail ne peut être autorisée que par la juridiction compétente. B- L'autorisation de la suspensionpar le juge Il apparait clairement de l'Acte uniforme précité que lorsque les réparations urgentes rendent le local indisponible, le preneur peut en demander la suspension pendant la durée des travaux à la juridiction compétente statuant à bref délai 161(*). Le verbe « peut » utilisé par le législateur OHADA ne signifie pas pour autant que le preneur a le choix entre faire suspendre par la juridiction compétente ou suspendre par lui-même. Mais ce verbe signifie que le preneur peut décider soit de saisir la juridiction compétente aux fins de suspension du bail, ou de supporter les inconvénients des travaux en respectant tout de même ses obligations. S'agissant de la juridiction compétente statuant à bref délai, comme examiné plus haut, il ne s'agit nullement du juge des référés162(*), mais d'une juridiction statuant au fond statuant avec célérité163(*). Une fois la juridiction saisie, le preneur rapporte la preuve de l'indisponibilité du local par quelques moyens que ce soit et la juridiction ordonne la suspension du bail jusqu'à la fin des travaux. Toutefois, les dispositions de l'article 106 de l'Acte uniforme n'étant pas d'ordre public, rien n'empêcheaux parties de décider d'une suspension conventionnelle du bail pour cause de travaux. Qu'elle soit judiciaire ou conventionnelle, la suspension du bail produit les mêmes effets. * 160 Arrêt n°091/2016 du 19 mai 2016, Aff. Sotrad-ci C/ Pharmacie pierre et marie curie et autres. * 161 V. art. 106 alinéa 5 AUDCG. * 162 TPI Ngaoundéré,ord. n° 23/ORD du 27 juill. 2012, OhadataJ-13-24. * 163ISSA SAYEGH (J.), POUGOUE (P.G.) et SAWADOGO (F.M.) (coord.), Traités et Actes uniformes commentés et annotés, 4sè éd. Juriscope, Jouve, 2012, p. 308. |
|