Les travaux dans le cadre du bail à usage professionnelpar Soline KETCHEUZEU NANA Université de Dschang - Master en Droit des Affaires et de l’Entreprise 2020 |
Paragraphe 2 : Les modalités de réduction des loyersEn cas de réalisation des grosses réparations, une possibilité de réduction des loyers est accordée au preneur pendant le temps des réparations. Cette réduction est proportionnelle au temps (A) pendant lequel les travaux ont eu lieu, et à la perte d'usage de la chose louée (B). A- La réduction du loyer en fonction de la durée des travaux Avec le nouvel Acte uniforme portant sur le droit commercial général, le législateur n'a pas prévu un délai des travaux devant conditionner la réduction des loyers154(*). En droit positif camerounais, aucune législation ne déroge aux dispositions du droit uniforme qui demeure applicable sur toute l'étendue du territoire en matière de réduction des loyers. Par ailleurs, en droit comparé congolais, leCode civil ne prévoyait la possibilité de réduction des loyers que dans le cas où la durée des travaux excédait quarante (40) jours155(*). Toutefois, cette disposition devient inapplicable au bail à usage professionnel au simple motif qu'elle est contraire au droit uniforme156(*). Le législateur OHADA, face à l'impératif de protection du preneur, a estimé implicitement que du moment où les travaux ont duré même un seul jour, le loyer sera diminué en proportion de ce temps, car le preneur peut avoir enregistré un énorme gain manqué du fait de l'indisponibilité du local. Il peut arriver par exemple que pour un loyer mensuel de 50.000 FCFA dans un contrat de bail où les travaux ont duré 10 jours, le loyer soit réduit de 17 000 FCFA157(*). Toutefois, l'aspect du temps est insuffisant pour constituer la base de réduction des loyers, encore faudrait-il que la perte de l'usage de la chose soit prise en compte. B- La prise en compte de la perte de l'usage de la chose louée L'usage est le droit de se servir d'une chose selon sa destination, qui constitue l'un des attributs (usus) de la propriété et de l'usufruit ou qui est conféré au détenteur d'une chose, à titre de droit personnel et non réel en vertu de certains contrats158(*).C'est dire que dans le cadre du bail à usage professionnel, l'usage est le droit de se servir du local selon la destination convenue. Si le local est donné à des fins commerciales ou professionnelles selon les cas, la perte de son usage sera évaluée en termes de gain manqué. C'est ce qui a été retenu en droit comparé français par la Cour de cassation dans une affaire où la société Beaurivage Cagnes-sur-mer a assigné les bailleresses X et la SCI l'Ardéchoise en réparation du préjudice au titre du gain manqué dû à l'impossibilité d'exploiter le restaurant et la privation de jouissance de la salle de restaurant159(*).La cour de cassation a condamné les bailleresses à la réparation intégrale du préjudice. Donc en cas de privation de la jouissance de la chose louée, le preneur peut obtenir réduction du loyer en fonction du temps et de la perte de l'usage du local sans préjudice de réparation intégrale du préjudice. Cettedécision peut être entérinée par les juges de l'espace OHADA, et ce conformément à l'esprit et la lettre des dispositionsde l'article106 du nouvel acte uniforme.Toutefois, l'impossibilité de jouissance totale du local peut pousser le locataire à solliciter la suspension du bail. * 154Or c'était le cas avec l'article 1724 alinéa 2 du code civil français qui fixait ce délai à plus de 40 jours. * 155 V. Art. 381 du code civil congolais livre III. * 156MULAMBA (R.), « Le bail à usage professionnel : un régime juridique visant la protection du fonds de commerce et des preneurs professionnels », in Juri-afrique, publié le 03 mars 2017, disponible sur https://juriafrique.com, consulté le 14 janvier 2020. * 157C'est-à-dire que 50000 /30j égal 1666 F par jour ; 1666X 10 jours égal à 16660 FCFA, soit environ 17.000 FCFA. * 158 CORNU (G.), Vocabulaire juridique Quadrige, 12è éd, PUF, Paris, 2018, p. 1107. * 159 Cass. Civ. 3è ch. arrêt n°17-21630 du 06 septembre 2018, Aff. Sté. Beaurivage C/ madame X et SCI l'Archédoise, légifrance. |
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