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L'accord sur la gestion des hydrocarbures dans une ZIC conclu entre la RDC-Angola à  l'épreuve du droit de la mer


par Assani Ruphin
Université Officielle de Bukavu - Licence 2018
  

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A. Régime juridique et délimitation des gisements transfrontaliers

Les prospections pétrolières en cours et à venir alimentent déjà les ressentiments des pays et les tensions frontalières. La convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, consacre une notable extension de la juridiction des Etats en mer en procédant à une territorialisation des espaces « jadis teintés du sceau de l'international au travers d'un zonage juridique de la mer aboutissant ainsi à une double subdivision en espaces maritimes sous juridiction nationale (eaux intérieures, mer territoriale, zone contigüe, zone économique exclusive et plateau continental) et ceux internationalisés (haute mer et zone)82 ». Elle fixe les limites nationales des compétences à l'intérieur desquelles les Etats côtiers exercent leur souveraineté, leurs droits souverains et leurs juridictions sur les espaces et les ressources maritimes. Mais, « lorsque l'on tente d'établir une relation juridique entre la ressource marquée par sa mobilité et la frontière qui, elle, se caractérise par sa stabilité, des difficultés d'ordre juridique surviennent dans la mesure où il est reconnu que les ressources sont là où elles sont, et la frontière est là où elle est83 ». Ainsi, à l'unité physique de la mer s'oppose une diversité de régimes juridiques qui complique, théoriquement, le processus de délimitation maritime et la nature juridique des titres sur les ressources de la mer. « II n'est d'ailleurs pas surprenant de constater que le problème relatif à la conservation des ressources halieutiques ait connu moins de succès dans la Convention de 198284 ».

Il est fréquent qu'un gisement s'étende des deux côtés de la limite du plateau continental entre deux Etats et, l'exploitation de ce gisement étant possible de chaque côté, un problème nait immédiatement en raison du danger d'une exploitation préjudiciable ou exagérée par l'un ou l'autre des Etats intéressés. La question se pose de savoir s'il faut tracer la frontière maritime après avoir évalué les ressources ou s'il faut les évaluer avant de procéder à la délimitation maritime. Il est possible d'avancer que les paragraphes 74 (3) et 83 (3) ont répondu à cette question en faisant passer la ressource avant la frontière. Alan Willis pense que, « ce problème pose un véritable dilemme car dans le cadre des arrangements provisoires et dans un esprit de compréhension lorsque les ressources sont connues, l'accord sur la frontière maritime devient politiquement impossible85 » et l'inverse, si les Etats savent ou s'attendent de peu ou de rien du tout du potentiel minier ou d'hydrocarbures, il devient

82 G. LABRECQUE, Op. Cit., P.20.

83 Y. CISSE, Op. Cit., P. 45.

84 Id., P. 46.

85 A. WILLIS, State practice in the delimitation of maritime boundaries, La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, 1993, P. 68.

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facile de diviser la zone en dispute. Or, « pour prendre en compte les ressources comme facteur de délimitation maritime, la jurisprudence veut que ces ressources soient connues ou déterminées86 ».

On peut s'apercevoir que l'exploitation des ressources, notamment transfrontalières, peut poser quelques difficultés. En effet, « l'exploitation intensive par un seul Etat d'un stock transfrontalier se trouvant dans sa zone économique exclusive réduit inéluctablement la biomasse de ce même stock dans la zone économique de l'Etat voisin87 ». La même problématique existe quant à l'exploitation des ressources du plateau continental. La Cour, en 1969, dans l'Affaire du plateau continental de la mer du Nord, posait le principe de l'unité de gisement lorsque le champ pétrolier chevauche la ligne de délimitation du plateau continental88. Pour pallier de telles incertitudes, Alan Willis propose que « si toutefois les parties sont préoccupées par le risque de voir que toutes les ressources se retrouvent d'un seul côté de la ligne et aucune de l'autre, la meilleure solution serait une police d'assurance sous la forme d'une zone partagée de la ressource89 ». Ce qui a fait que les Etats puissent trouver une solution pragmatique permettant une exploitation rationnelle des ressources de la mer, c'est la création d'une ou des zones maritimes de développement conjoint ou zones maritimes d'intérêt commun.

B. La zone maritime de développement conjoint : une pratique des Etats 1. Notions et problèmes posés

Les problèmes de délimitation maritime sont la source d'importants conflits et d'un abondant contentieux, la zone économique exclusive et le plateau continental étant intimement liés à l'exploitation des ressources minérales, génétiques, halieutiques dont la mer abonde. La pratique des Etats a fait émerger une solution pragmatique : la zone de développement conjoint. Cette dernière se définit traditionnellement comme « un accord portant arrangement provisoire d'exploitation commune des ressources dans des zones où se chevauchent des titres juridiques, des prétentions concurrentes de souveraineté ou de juridiction90 ». Le Professeur Y. Cissé estime de son côté que la zone de développement conjoint « est une forme de coopération parmi tant d'autres et qui permet aux Etats côtiers d'exploiter la ressource en attendant qu'une solution provisoire ou définitive soit trouvée au

86 A. WILLIS, Op. Cit., P. 68.

87 Y. CISSE, Op. Cit., P. 68.

88 Affaire du plateau continental de la mer du Nord (Allemagne contre Pays-Bas), C.I.J., Recueil 1969, P. 129.

89 A. WILLIS, Op. Cit., P. 77.

90 P. M., DUPUY, Op. Cit., P. 255.

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problème de délimitation de la frontière maritime91 ». On s'aperçoit que cette définition semble, de prime abord, faire de la zone d'intérêt commun un espace maritime où les ressources à exploiter comprennent à la fois les ressources pétrolières et gazières et toutes ressources biologiques. « La gestion commune de cette zone peut se faire avec ou sans frontière maritime, selon les termes et conditions voulus par les parties concernés92 ».

Toutefois, la zone de développement conjoint en tant que sous-catégorie des frontières fonctionnelles, n'est pas une solution optimale ou permanente aux différends non résolus relatifs aux frontières maritimes. « On peut cependant avancer que la zone de développement conjoint constitue un processus qui encourage la résolution d'un différend frontalier maritime entre deux Etats qui consentent à explorer, exploiter et gérer conjointement des ressources minérales partagées qui chevauchent la ligne de division de leurs plateaux continentaux respectifs93 ».

2. Le droit conventionnel et la zone de développement conjoint

La question qui se pose ici est de savoir s'il existe des dispositions dans la Convention de 1982 qui, implicitement ou expressément, font référence à la notion de zone de développement conjoint.

a. L'obligation juridique de coopérer

L'obligation juridique de coopérer peut s'entendre de deux manières. Soit les Etats coopèrent pour trouver une méthode applicable à la délimitation de la frontière maritime, soit ils coopèrent pour exploiter ensemble les ressources communes sans envisager dans l'immédiat le tracé de la frontière. C'est dans cette seconde situation que l'alternative de la zone de développement conjoint est envisagée. En effet, les paragraphes 3 des articles 74 et 83 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer prévoient, en ce qui concerne la délimitation du plateau continental et de la zone économique exclusive, qu'« en attendant la conclusion de l'accord [...] les Etats concernés, dans un esprit de compréhension et de coopération, font tout leur possible pour conclure des arrangements provisoires de caractère pratique et pour ne pas compromettre ou entraver pendant cette période de transition la

91 M. ALEXANDER, International maritime boundaries, Vol. II, 1993, P. 60.

92 Y. CISSE, Op. Cit., P. 49.

93 P. WEIL, Op. Cit., P. 275.

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conclusion de l'accord définitif. Les arrangements provisoires sont sans préjudice de la délimitation finale94 ».

A l'examen de ces dispositions, on s'aperçoit que le concept de zone de développement conjoint n'est pas dans sa lettre un produit de la Convention de 1982, il l'est tout au moins dans son esprit, car les paragraphes 3 posent le principe de l'arrangement provisoire en attendant le règlement définitif de la délimitation. Toute la question est de savoir, qu'entend-on par « arrangement provisoire de caractère pratique » ? On peut le définir comme un « accord d'exploitation conjointe de la ressource indivise fondée sur l'idée de coopération entre les Etats impliqués. Il s'agit d'un régime transitoire qui répond ainsi à un objectif bien défini par la Convention de 1982, celui de « permettre aux Etats une exploitation optimale de leurs ressources marines pour les fins de développement socio-économique95 ». Par ailleurs, l'expression « esprit de compréhension » laisse entendre que les Etats concernés doivent savoir qu'en droit et en fait, ni l'un ni l'autre ne peut unilatéralement exploiter la zone.

b. Nature juridique et avantages de la zone de développement conjoint

Nous avons conscience des limites juridiques de l'approche de la zone de développement conjoint qui, au regard du droit international, n'est pas d'application générale. Elle relève encore d'un régime supplétif, dont l'application reste largement tributaire de la bonne foi et de la volonté politique des Etats concernés. « S'il est reconnu que c'est le juge international qui a eu à formuler le principe de l'exploitation commune des ressources du fond marin, ce dernier n'a cependant jamais eu l'occasion de l'appliquer à un cas de délimitation maritime96 ». Dans le fond, nous sommes d'avis que la Convention sur le droit de la mer en ses articles 74 §3 et 83 §3 permet de soutenir que les Etats ont une obligation juridique de conclure un accord de coopération ou d'exploitation des ressources partagées. Le professeur R. Lagoni va même plus loin en affirmant que l'approche de la zone de développement conjoint est devenue du « droit coutumier97 ».

94 CNUDM, Art., 74 et 83.

95 Y. CISSE, Op.Cit., P. 51.

96 Id., P. 69.

97 R. LAGONI, Oil and gas deposits across national frontiers, Londres, A.J.I.L., 1979, P. 218.

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CHAP. II. PERSPECTIVES CRITIQUES DE L'ACCORD DE GESTION DES HYDROCARBURES DANS UNE ZONE MARITIME D'INTERET COMMUN

Depuis les indépendances des Etats africains, sur la côte ouest africaine, les compagnies pétrolières ont favorisé l'exploitation des hydrocarbures au détriment de la question de la délimitation des frontières maritimes. Fondamentalement donc, l'opération de délimitation maritime est un acte unilatéral parce que l'Etat concerné a seul qualité pour y procéder. Mais, l'opération en elle-même peut provoquer des conséquences internationales. Notamment, elle peut aboutir à un chevauchement de titres juridiques dans un même espace. C'est le cas lorsque la définition du plateau continental doit s'étendre jusqu'aux côtes d'un autre Etat ou serait partagé avec un autre adjacent. Certaines de ses ressources naturelles, telles le pétrole peuvent dicter, en préliminaire, des négociations à dominance économique, lesquelles, du fait même de leur caractère original, imposent des établissements de coopération interétatique tel l'accord signé par l'Angola et la République Démocratique du Congo. Dans le présent chapitre, il sera question d'étudier la teneur substantielle de l'accord de Luanda de 2007 (Section I) et de confronter ce dernier aux dispositions de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Section II).

Section I. TENEUR SUBSTANTIELLE DE L'ACCORD DE LUANDA SUR LA GESTION DES HYDROCARBURES

La présente section entend d'abord étudier l'objet et la nature de l'accord sur l'exploration et la production des hydrocarbures dans une zone maritime d'intérêt commun conclu entre la RDC et l'Angola (§1), ensuite, il sied de souligner que le présent accord de gestion conjointe ne procède pas à la délimitation maritime et n'est qu'un arrangement provisoire dit d'administration conjointe, d'où la nécessité de faire état de la clause du dépôt unique (§2).

§1. DE L'OBJET ET DE LA NATURE DE L'ACCORD BILATERAL A. Objet de l'accord

Le conflit demeure, sans doute, une forme fréquente des relations internationales. « Traduction des contradictions internationales, il n'a cessé de marquer le droit international. Et, en particulier, les tentatives de ce dernier d'atteindre une coexistence pacifique entre

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Etats98 ». L'évolution relativement récente du droit international a mis en évidence les principes fondamentaux qui président aux relations amicales et la coopération entre Etats. « En effet, la nécessité de rechercher une solution aux différends par la voie diplomatique a des origines lointaines99 ». Car l'entente directe entre les parties en litige est considérée comme la façon la plus simple de régler le différend. « C'est un instrument par excellence du maintien des relations pacifiques entre Etats100 ».

« L'Angola et le Congo-Kinshasa sont historiquement et sociologiquement liés. Leur situation et leur configuration ne peuvent être que des facteurs de rapprochement, car leur contiguïté géographique les y contraint 101. De plus, l'économie, comme les autres facteurs, joue un rôle de premier plan dans les rapports entre les deux pays disposant pratiquement des mêmes ressources : bois, diamant, or, pétrole, cuivre,... Il sied également de souligner à cet effet que les deux Etats en présence appartiennent dans le golfe de guinée. « En droit de la mer, tout golfe constitue une mer semi-fermée102 ». En l'espèce, ledit golfe, au sens étroit, est encombré de nombreux Etats, du Nigeria à l'Angola. La plupart de ces Etats ont déjà procédé, soit par voie conventionnelle, soit par voie judiciaire, à leurs délimitations maritimes.

La question de délimitation maritime dans le golfe de guinée est fortement problématique étant donné le nombre important d'Etats, les inégalités de superficie entre ces Etats et surtout la configuration des côtes. Didier Ortolland parle de « délimitation délicate des côtes en raison de leur configuration » et de configuration qui « forme pratiquement un angle droit103». Ainsi, certains Etats sont désavantagés par la configuration des côtes et se retrouvent avec des espaces maritimes extrêmement réduits, c'est par exemple le cas de la RDC. La République Démocratique du Congo est géographiquement désavantagé au regard du droit de la mer, du fait « de la concavité du golfe de Guinée en général et des côtes congolaises en particulier, ce qui crée un effet d'enclavement de son territoire maritime104». De cet enclavement maritime résulte l'impossibilité pour la RDC d'avoir accès aux eaux internationales.

98N. GHOZALI, La négociation diplomatique dans la jurisprudence internationale, Bruxelles, Bruylant, 1992, P.

323.

99Q. NGUYEN, P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 4e éd., Paris, L.G.D.J., 1992, P. 764.

100N. GHOZALI, Op. Cit., P. 323.

101I. NDAYWEL E NZIEM, Histoire générale du Congo ; l'héritage ancien de la République Démocratique, Paris,

Duculot, 1998, P. 315

102S. BULA BULA, Op.Cit.

103 D. ORTOLLAND, J.P., PIRAT, Atlas géopolitique des espaces maritimes, Paris, Ed. Technip, 2008, P. 52.

104 M. KAMGA, Délimitation maritime sur la côte atlantique africaine, Bruxelles, Bruylant, 2006, P. 198.

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Ainsi, pour assurer la coprospérité économique et le bon voisinage entre la République Démocratique du Congo et la République d'Angola, « les deux gouvernements ont, en effet, considéré la volonté politique des chefs d'Etat des deux pays, ainsi que leur propre détermination à promouvoir une coopération économique fructueuse en attendant l'aboutissement des discussion sur le tracé proprement dit des frontières maritimes105 ». La résultante de cette dernière, est l'accord sur la l'exploration et la production des hydrocarbures dans une zone maritime d'intérêt commun que ces deux Etats ont identifié sur la côte atlantique.

La volonté exprimée par le gouvernement de la République Démocratique du Congo et celui de la République d'Angola est d'oeuvrer ensemble et de partager fifty-fifty les revenus générés par l'exploration pétrolière dans la zone du littoral qu'ils ont appelé « zone d'intérêt commun », ZIC en sigle. C'est l'idée qui ressort de l'article 3 de l'accord sous analyse qui prévoit que « La répartition des intérêts entre les parties dans la ZIC se présente de la manière suivante : République Démocratique du Congo : 50%, République d'Angola : 50%106 ». Cet accord de gestion conjointe ne procède pas à la délimitation maritime, encore moins du plateau continental et n'est qu'un arrangement provisoire dit d'administration conjointe. Cet accord, permet de réduire la fréquence des conflits de souveraineté, les différends territoriaux et de s'engager dans l'exploitation de la zone.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci