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L'accord sur la gestion des hydrocarbures dans une ZIC conclu entre la RDC-Angola à  l'épreuve du droit de la mer


par Assani Ruphin
Université Officielle de Bukavu - Licence 2018
  

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A. Définition et régime juridique de la frontière maritime

La frontière internationale des Etats, à l'époque moderne, est généralement conçue comme « une ligne continue, fixe, séparant et délimitant deux territoires étatiques adjacents72 ». Cette conception, étroitement adaptée aux frontières terrestres des Etats, n'est pas transposable à leurs frontières maritimes. Déjà, en droit de la mer « classique », la mer territoriale, en tant qu'espace soumis à la souveraineté territoriale de l'Etat côtier, était considérée comme la « frontière maritime » de celui-ci. « Le régime frontalier s'applique, non pas simplement à l'entrée ou à la sortie de la mer territoriale, mais sur toute la zone qu'elle constitue, sous réserve du respect du droit de passage inoffensif dont bénéficie tout pavillon étranger dans les conditions requises par le droit international public73 ». Le développement de l'emprise côtière a donc provoqué un dédoublement ou un démembrement de la frontière maritime en plusieurs limites spécifiques, concrétisant l'émiettement des compétences frontalières, autrefois concentrées dans la mer territoriale et bornées par sa limite extérieure. Cette « ventilation sur un vaste espace côtier national explique l'impossibilité d'une conception linéaire de la frontière maritime de l'Etat. Mais le recours à la notion de frontière-zone correspond ici à une réalité géographique précise et à des utilisations originales du milieu marin côtier dont découlent des effets juridiques identifiables et effectifs74 ».

Cependant, « la caractéristique principale de la frontière maritime, par rapport à la frontière terrestre, demeure sa mobilité, son instabilité chronique et peut-être, irréductible sinon par résorption de tout l'espace disponible. La principale raison est, sans doute, politique : au large de sa mer territoriale l'Etat côtier ne rencontre pas d'autre souveraineté exclusive lorsque ses intérêts le portent à étendre son emprise75 ». « Mais, la certitude est venue des techniques géométriques (lignes de basses droites) ou des évaluations chiffrées (distances exprimées en milles marins). Cependant, l'emploi de telle ou telle méthode dépend du résultat que l'Etat veut obtenir : s'il est dépourvu d'un large plateau continental, il optera pour le critère de la distance. A l'inverse, s'il bénéficie d'une vaste plate-forme continentale, il refusera de renoncer au critère de l'exploitabilité ou se prononcera pour le critère géologique.

72P. REUTER, Droit international public, Paris, P.U.F., 1976, P.176.

73 G. APOLLIS, Op. Cit., P. 14.

74 Ibid.

75C. CHAUMONT, Cours général de droit international public, Paris, R.C.A.D.L., 1970, P. 422.

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S'il possède des îles, il adoptera le système des lignes de base droites. Si son littoral forme des baies, il invoquera des titres historiques, etc. D'une façon générale, tous les arguments sont avancés dans le but d'accroître l'emprise côtière76 ». On appréciera donc essentiellement le dynamisme des frontières maritimes à travers l'étude des limites externes de l'emprise côtière, que l'expansionnisme politique des Etats a porté à des distances et des profondeurs insoupçonnables au début de ce siècle.

B. Les conséquences de l'absence des frontières maritimes définies sur le régime juridique des gisements pétroliers transfrontaliers

Le pétrole se retrouve de façon générale lorsqu'il est en offshore dans les plateaux continentaux, « ceux-ci constituent d'ailleurs la zone maritime qui dispose de gisements plus dispersés en comparaison avec la répartition des gisements terrestres77 ». La Convention de Montego Bay de 1982 définit ainsi le plateau continental dans le paragraphe 1 en son article 76 : « Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet Etat jusqu'au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure78». Sur cet espace maritime, tout comme sur la zone économique exclusive, un certain nombre de droits, dits droits souverains, sont reconnus à l'Etat côtier. Il s'agit en fait d'une « compétence d'attribution, de nature fonctionnelle79 ». Puisque selon l'article 77 paragraphe 1 de la Convention, l'Etat côtier ne dispose pas d'une pleine souveraineté sur son plateau continental. Sur cet aspect, la souveraineté pleine sur le plateau continental signifierait que l'Etat « exerçât l'ensemble ou l'essentiel des compétences qu'intègre ce concept, aussi étendues que sur son territoire terrestre, ses eaux intérieures ou sa mer territoriale ». C'est dans ce sens qu'il ressort de l'article 77 paragraphe 1 de la Convention que : « L'Etat côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental aux fins de son exploration et de l'exploitation de ses ressources naturelles80 ».

Néanmoins, il arrive que les plateaux continentaux se chevauchent ou que deux Etats partagent un même plateau continental pour ainsi dire et par conséquent la même nappe de

76 G. APOLLIS, Op. Cit., P. 16.

77 J. P., BEURIER, Droits maritimes, Paris, Dalloz, 2e éd., 2010, P. 1086.

78 CNUDM, art., 76.

79 J. P., PANCRACIO, Droit de la mer, Paris, Dalloz, 2010, P. 200.

80 Id., P. 203.

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pétrolière. Il ne s'agît alors plus d'un Etat côtier, mais de deux Etats qui ont chacun des prétentions sur la manne pétrolière. Ils ne peuvent exercer les droits énoncés ci-dessus sans que l'un ou l'autre ne les conteste. C'est alors que l'on cherche à procéder à une délimitation. Mais celle-ci n'est toujours pas aisée car les Etats n'ont pas pour ambition première de répartir les ressources mais bien de maximiser le potentiel de leur économie en gérant l'entièreté des ressources disponibles.

C'est ce qui explique l'abondance de la jurisprudence en matière délimitation du plateau continental, depuis l'Affaire du plateau continental de la mer du Nord du 20 février 1969 ; car comme nous le soulignions, bien que les Etats ne le mettent que rarement en avant, il s'agît presque toujours de manière sous-jacente des ressources naturelles. Ainsi, dans le cas d'une absence de frontières maritimes clairement établies dans le Golfe de Guinée les Etats côtiers se heurtent sans cesse à cette difficulté, c'est la situation concrète du différend frontalier maritime opposant la RDC à l'Angola. Ils se retrouvent dans l'incapacité d'exploiter les ressources pétrolières transfrontalières de façon unilatérale. Ce qui les conduit généralement à opter pour une exploitation commune.

§2. EXPLOITATION COMMUNE DES RESSOURCES TRANSFRONTALIERES : DU REGIONALISME MARITIME A L'ESSOR DU DEVELOPPEMENT CONJOINT

« L'extension des limites offshore sous juridiction des Etats côtiers est un acte de souveraineté continue sur les espaces maritimes contigus aux territoires terrestres81 ». Mais cet élargissement fonctionnel des zones marines et sous-marines s'accompagne généralement par des revendications concurrentes sur les ressources et explique, dans une large mesure, les nombreux contentieux de délimitation maritime entre Etats côtiers. L'exploration et l'exploitation des gisements transfrontaliers de pétrole ou de gaz s'inscrivent dans ce cadre conflictuel. Entant que ressources partagées et nécessitant une coopération entre Etats concernés, ces gisements posent des problèmes quant à leur régime juridique et plus particulièrement leur délimitation (A). Cependant, la pratique des Etats a fait émerger une solution pragmatique : la zone de développement conjoint (B).

81 P. WEIL, Op. Cit., P. 275.

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