C. Le plateau continental : la consécration juridique
d'une notion géographique
Le dernier espace maritime concédé à la
souveraineté fonctionnelle de l'Etat riverain est issu de la
transposition en droit d'un concept géologique. « Le plateau
continental est un prolongement de la masse terrestre sous l'eau, formant un
socle qui précède les plaines abyssales61 ».
Cette définition a été réétudiée,
puis incorporée dans la convention sur le plateau continental de 1958.
La définition du plateau continental a été de nouveau
modifiée lors des discussions menant à la rédaction de la
convention de 1982, afin d'élargir l'étendue que peut
revendiquer une Etat. L'article 76 énonce que dorénavant : «
Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds marins et leur
sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étendue du
prolongement naturel du territoire terrestre de cet Etat jusqu'au rebord
externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200 milles marins des
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la
mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve
à une distance inférieure62 ». Les paragraphes
subséquents de l'article 76 de la convention de 1982 instaurent
d'ailleurs un nouveau mode d'évaluation de l'étendue du plateau
continental, y compris la méthode de délimitation du plateau
continental entre les Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font
face63.
1. Régime juridique du plateau continental
L'Etat côtier peut exercer des droits exclusifs aux fins
d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles qui se trouvent sur
le sol et le sous-sol du plateau, ce qui inclut « les ressources
minérales et autres ressources non biologiques [...] ainsi que les
organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires,
c'est-à-dire les organismes qui, au stade où ils peuvent
être pêchés, sont soit immobiles sur le fond ou au-dessus du
fond, soit incapables de se déplacer autrement qu'en restant constamment
en contact avec le fond ou le sous-
59 H. DIPLA, Op. Cit., P. 225.
60 Ibid.
61 J. M., ARBOUR, Op. Cit., P. 348.
62 CNUDM, art. 76.
63 Id., art., 83.
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sol64 ». Le droit d'explorer et d'exploiter
les ressources du plateau continental englobe également le droit d'y
installer des câbles et pipe-lines sous marins, des îles
artificielles, ou des plateaux de forage65. « Les Etats
côtiers conservent le droit d'exploiter le sous-sol en creusant des
galeries, quelle que soit par ailleurs la profondeur des eaux à
l'endroit considéré66 ». Un Etat côtier
disposant le plateau continental a également « le droit d'exercer
son contrôle et sa compétence sur les ressources naturelles du
plateau continental qui semble lui appartenir naturellement67
».
L'étendue du plateau continental sur laquelle un Etat
côtier peut exercer des droits exclusifs se limite aux 200 milles marins
au-delà des lignes de base droites à partir desquelles est
établie la largeur de la mer territoriale, qu'il s'agisse de
l'extrémité de la zone de pêche exclusive, de la zone
économique exclusive ou du plateau continental. Au-delà de cette
limite s'étend la haute mer où se pratique la liberté de
navigation, de survol, de pêche, de recherche scientifique et
d'installation de câbles et de pipe-lines. Seul le droit de poursuite de
navires étrangers ayant contrevenu aux lois et règlements de
l'Etat côtier subsiste en haute mer en tant que compétence
fonctionnelle des Etats côtiers68.
2. Délimitation du plateau continental
a. La délimitation en deçà de 200 milles
marins
La délimitation ne fait appel qu'au seul
critère de distance auquel se rajoute éventuellement une
problématique de délimitation avec des Etats voisins. Dans ce
cas, les Etats ne sont pas tenus de déposer un dossier auprès de
la commission des limites du plateau continental.
b. Le plateau continental étendu au-delà des 200
milles marins
« Le tracé de la limite extérieure du
plateau continental étendu a une importance singulière au sein du
nouveau droit de la mer. Il est la première procédure de
définition spatiale qui réunit, à l'international, la
participation et l'intérêt d'autant d'Etats dans un temps
64 CNUDM., art., 77.
65 Id., art., 79, 80 et 81.
66 L. GUIBAULT, Op. Cit., P. 138.
67 D. ROY, Le plateau continental juridique :
la surprenante pratique canadienne concernant l'exploitation des hydrocarbures
sur le plateau continental de la côte atlantique, in « Revue
générale de droit international», Montréal, 2009, P.
334.
68 CNUDM, art., 111.
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aussi court69 ». Ainsi, « un Etat
souhaitant revendiquer une extension de son plateau continental se doit
d'apporter la preuve à la commission des limites du plateau continental
que le prolongement de sa masse terrestre (la marge continentale) va
au-delà des 200 milles marins70 ». L'Etat côtier
propose des limites à la commission et cette dernière émet
des recommandations sur le tracé et les méthodes suivies par
l'Etat côtier. Les limites fixées par un Etat côtier sur la
base de ces recommandations sont définitives et de caractère
obligatoire71. L'objectif de la fixation des limites externes du
plateau continental consiste bien évidemment à limiter
l'extension de la juridiction des États côtiers concernés
par la présence d'un plateau continental. Ainsi, l'idée de la
création d'une commission d'analyse des données scientifiques du
plateau continental est apparue lors de la convention de Montego Bay. La
Commission des limites du plateau continental (CLPC en sigle) est un des trois
organes qui fut créé par la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer. La Commission fut créée par l'article 1 de
l'annexe II de ladite Convention. Les deux autres organes étant le
Tribunal international du droit de la mer (TIDM) et l'Organisation
internationale des fonds marins (OIFM).
Section II. REGIME JURIDIQUE RELATIF A L'EXPLOITATION
DES RESSOURCES MARITIMES ENTRE ETATS ADJACENTS
Les ressources naturelles étant une potentialité
énorme de production des richesses pour un Etat, d'autres
présentent des caractéristiques particulières du point de
vue de leur positionnement géographique qui fait que certains gisements
des ressources maritimes se trouvent à cheval entre deux ou plusieurs
Etats. Cette position géographique a d'incidence sur l'exploitation d'un
tel gisement. La présente section parlera ainsi de la frontière
maritime et les conséquences de sa non définition sur le
régime juridique des gisements pétroliers transfrontaliers
(§1) et de l'exploitation commune des ressources transfrontalières
: du régionalisme maritime à l'essor du développement
conjoint (§2).
69J. M., TASSIN, Les défis d'extension
du plateau continental : la consécration d'un nouveau rapport de l'Etat
à son territoire, Paris, Pedone, P. 384.
70F. BIZET et J. S., PONROY,
Délimitations maritimes et extension du plateau continental,
In, « Revue Xyz », n° 96, Lyon, 2003.
71CNUDM, art. 76 § 8.
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§1. LA FRONTIERE MARITIME ET LES CONSEQUENCES DE
SA NON DEFINITION SUR LE REGIME JURIDIQUE DES GISEMENTS PETROLIERS
TRANSFRONTALIERS
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