B. La zone économique exclusive
1. Régime juridique de la zone économique
exclusive
« Appelée aussi zone des 200 milles dans les cas,
où la situation géographique le permet, ou encore zone de
pêche si l'Etat côtier n'entend exercer des activités que
dans ce seul domaine, la zone économique lui accorde une juridiction
exclusive, outre l'exploration et l'exploitation des ressources biologiques et
non biologiques, dans des domaines comme la recherche scientifique, production
d'énergie à partir de l'eau, etc.50 ». Issue des
concepts zone de pêche exclusive et de plateau continental, « la
zone économique exclusive constitue le deuxième espace maritime
adjacent à la mer territoriale sur lequel l'Etat peut exercer des
compétences fonctionnelles51 ».
A l'instar de la zone de pêche et du plateau
continental, « la zone économique exclusive vise à
conférer à l'Etat côtier un droit exclusif sur les
pêcheries et à assurer la protection des espaces marines de la
zone de pêche, ainsi que du sol et du sous-sol du plateau
continental52 ». L'existence d'une telle compétence
relativement à la zone de pêche exclusive est née de la
pratique des Etats, puis a été confirmée par la cour
internationale de justice dans l'affaire de la compétence en
matière des pêcheries (Royaume Uni contre. Islande)
dans les termes suivants : « L'évolution du droit s'est
poursuivie par la pratique des Etats dans la ligne des débats de la
conférence et des accords auxquels on avait presque aboutit. Deux
notions se sont cristallisées ces dernières années en
droit coutumier par l'effet de l'assentiment général apparu
à cette conférence. La première est la notion de zone de
pêche, zone à l'intérieure de laquelle un Etat peut
prétendre une compétence exclusive en matière de
pêcheries indépendamment de sa mer territoriale ; l'extension de
cette zone de pêche jusqu'à une limite de 12 milles marins
à partir des lignes de base semble désormais
généralement acceptée53 ».
49 CNUDM., art., 303.
50G. LABRECQUE, Op. Cit., P. 192.
51L. GUIBAUT, Op. Cit., P. 135.
52 D. J., HARRIS, Cases and materials on
international law, 3eéd., Londres, Sweet et Maxwell,
1983, P. 347. 53Affaire de compétence en matière de
pêcheries (République Fédérale d'Allemagne c.
Islande), C.I.J., Recueil 1974, P. 3, à la P. 23.
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Codifié par la convention de 1982, le
régime applicable à la zone économique exclusive accorde
des droits « souverains » aux Etats côtiers jusqu'à la
distance de 200 milles marins du rivage sur les eaux sur jacentes, le sol et le
sous-sol. Les dispositions de la convention de Montego Bay énoncent
entre autres que l'Etat côtier doit permettre la libre utilisation des
mers par les Etats tiers, en autorisant la navigation, le survol,
l'installation de câbles et de pipe-lines sous-marins54. De
même, les autres Etats doivent tenir dûment compte « des
droits et des obligations de l'Etat côtier et respecter les lois et
règlements adoptés par celui-ci conformément aux
dispositions de la convention et [...] aux autres règles de droit
international55 ».
Le régime juridique s'applique aujourd'hui sur les eaux
sur jacentes ainsi que sur le sol et sous-sol de la zone économique. La
création de la ZEE par la convention de Montego Bay a engendré
une rapide propagation de l'appropriation des espaces maritimes, et par la
même occasion a « entraîné une multiplication des
litiges56». En effet, l'instauration des ZEE a
été un processus particulièrement litigieux du fait de la
spécificité de certaines côtes. C'est par exemple le cas
lorsque les côtes sont adjacentes, ou se font face, la
délimitation des ZEE respectives des États étant
problématique.
2. Délimitation de la zone économique exclusive
L'article 74 de la convention des Nations unies sur le droit
de la mer dispose que : « La délimitation de la zone
économique exclusive entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou
se font face est effectuée par voie d'accord conformément au
droit international tel qu'il est visé à l'article 38 du Statut
de la Cour internationale de Justice, afin d'aboutir à une solution
équitable57 ». « La pratique des Etats en
matière de délimitation de la zone économique exclusive
fait état d'une quinzaine d'accords bilatéraux signés
à ce jour. Certains parmi ces accords disposent que la limite de la zone
économique est une ligne médiane ou d'équidistance ;
d'autres par contre font référence aux principes
équitables et un prévoit que la délimitation doit se faire
en conformité avec le droit international58 ». Il est
évident que cette pratique « n'est ni uniforme ni constante, de
sorte qu'on ne saurait en tirer des conclusions sur le plan coutumier. Il
n'existe pas non plus, en la matière, une jurisprudence
54CNUDM., art., 58 § 1.
55 Id., art., 58 § 3.
56 S. ROSIERE, Dictionnaire de l'espace politique,
Paris, éd. Armand Colin, 2008, P. 309.
57 CNUDM, art. 74.
58 H. DIPLA, Le régime juridique des
îles dans le droit international de la mer, OpenEditions,
Genève, 2018, P. 224.
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qui aurait contribué à la formation d'une
règle coutumière59 ». A l'heure actuelle, il
importe d'esquisser que la condition posée par l'art 74 de la convention
sous espèce n'a aucune portée pratique puisque, il n'existe pas
de règles du droit des gens relatives à la délimitation de
la zone économique exclusive. « L'unique condition qui doit
ainsi être observée est celle qui prescrit que le contenu de ces
accords doit être équitable.60 ».
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