L'accord sur la gestion des hydrocarbures dans une ZIC conclu entre la RDC-Angola à l'épreuve du droit de la merpar Assani Ruphin Université Officielle de Bukavu - Licence 2018 |
Section I. LA DEFINITION JURIDIQUE DES ESPACES MARITIMESLa convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) organise un véritable « dégradé de compétences» de l'Etat riverain selon le type d'espace maritime considéré : eaux intérieures, mer territoriale, zone contiguë, zone économique exclusive et plateau continental. Mais « les droits de l'Etat riverain dans chacune de ces zones ne sont pas uniformes et, à mesure que l'on s'éloigne des lignes de base15 », se produit comme pour ainsi dire « une décroissance de compétences16 ». Ce qui fait que certaines zones sont sous juridiction exclusive de l'Etat côtier (§1), alors que d'autres, la compétence est finalisée ou fonctionnelle (§2). §1. LA TERRITORIALISATION DES ESPACES MARITIMES : LES ZONES SOUS JURIDICTION NATIONALE A. Les eaux intérieures : souveraineté de l'Etat riverain 1. La définition des eaux intérieures Le territoire maritime le plus naturellement assimilable au territoire terrestre, demeure celui des eaux intérieures qui baignent les côtes d'un Etat en deçà de la ligne de base de la mer territoriale17. L'Etat côtier exerce sur ces eaux intérieures toutes les compétences législatives, administratives, judiciaires et exécutives, sans égard pour un quelconque droit de passage 15 J. MORIN, F. RIGALDIES, D. TURP, Droit international public, Tome I, Montréal, Ed., Thémis, 1988, P. 273. 16Q. NGUYEN, P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international public, 3e éd., Paris, LGDJ, 1987, P. 968. 17 Art., 8 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM). [En ligne]. https://www.un.org/.../convention.../unclos f.pd... (consulté le 02 mars 2019) ; R. J., DUPUY et D. VIGNES, Traité du nouveau droit de la mer, Montréal, R.Q.D.I., P. 221. 8 inoffensif. Elles comprennent entre autres les ports, rades, havres, les échancrures des côtes très découpées et les baies historiques, ainsi que le sol et le sous-sol de ces zones et l'espace aérien surjacent18. 2. La délimitation et le statut juridique des eaux intérieures La question « des limites comme du statut des eaux intérieures ne posait guère de problèmes aux yeux des négociateurs, puisque la Convention de 1982 reprend sans changement notable les dispositions de la convention de Genève de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë19 ». La délimitation renvoie à la définition des lignes de base ou limite extérieure de la mer territoriale. « La ligne de base est la limite géographique, pour un Etat côtier, qui sépare son domaine émergé du domaine maritime20 ». « La ligne de base normale à partir de laquelle est mesurée la largeur de la mer territoriale est la laisse de basse mer le long de la côte, telle qu'elle est indiquée sur les cartes marines à grande échelle reconnues officiellement par l'Etat côtier21 ». Il sied de souligner que la délimitation des eaux intérieures se conforme à la méthode décrite à l'article 5 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui déclare que «La ligne de base normale à partir de laquelle est mesurée la largeur de la mer territoriale est la laisse de basse mer le long de la côte, telle qu'elle est indiquée sur les cartes marines à grande échelle reconnues officiellement par l'Etat côtier22 ». Les eaux intérieures sont situées en deçà de ces lignes. Toutefois, « lorsque la côte présente de trop nombreuses échancrures de délimitation, à partir de la ligne de base de la laisse de basse mer, cela peut conduire à une délimitation difficile ou inéquitable du territoire23 ». Dans pareil cas, les Etats ont alors recours à la méthode des lignes de base droites. L'article 7 de la CNUDM prévoit dans quelles circonstances et à quelles conditions un Etat peut utiliser cette méthode, « qui consiste essentiellement à tracer la ligne de partage à partir des points appropriés choisis sur la ligne de la laisse de basse mer24 ». C'est notamment si « la côte est profondément échancrée et 18 CNUDM, Art. 9. 19 F. RIGALDIES, L'entrée en vigueur de la convention de 1982 sur le droit de la mer : enfin le consensus, in « Revue juridique Thémis », Montréal, 1990, P. 10. 20www. https://fr.m.wikipedia.fr. (Consulté le 26 juin 2019). 21 CNUDM., art. 5. 22 Ibidem. 23L. GUIBAUT, Statut des espaces maritimes intéressant le Québec en droit international et en droit constitutionnel, Montréal, R.Q.D.I., 1988, P. 128. , ARBOUR, Droit international public, Genève, Ed., Yvon Blais, 1985, P. 333. 24 J. M. 9 découpée, ou s'il existe un chapelet d'îles le long de la côte, à proximité immédiate de celle-ci25 ». Le choix de l'une ou de l'autre méthode est laissé à la discrétion de l'Etat concerné, « pourvu que le tracé de ces lignes de base droites ne s'écarte sensiblement de la direction de la côte et que les étendues de mer situées en deçà soient suffisamment reliées au domaine terrestre pour être soumises au régime des eaux intérieures26 ». Cette discrétion a d'ailleurs fait dire à O. De Ferron que « l'étendue des eaux intérieures varie en fonction de cette ligne de base, qu'elle peut augmenter ou diminuer selon que l'on adopte le système de la ligne de base normale ou celui des lignes de base droites27 ». Non seulement le choix de la méthode de délimitation influence la superficie du territoire revendiqué, mais il permet également à l'Etat côtier d'établir son emprise souveraine sur des plus vastes espaces maritimes. B. La mer territoriale : souveraineté des Etats riverains et droits des Etats tiers 1. Définition de la mer territoriale
Zone hautement stratégique, « puisqu'elle se trouve à proximité des côtes, la mer territoriale était, déjà au 18e siècle, fixée à une largeur de 3 milles marins. Si cette largeur traditionnelle de 3 milles est privilégié encore dans nos jours par certains pays, c'est celle de 12 milles marins que la majorité des Etats adoptent conformément aux dispositions de la 25 CNUDM, art. 7. 26 Id., art., 17 §3, voir également l'affaire des pêcheries anglo-norvégiennes (Royaume Uni contre Norvège), CIJ, Recueil, 1951, P. 116. 27 O. DE FERRON, Droit international de la mer, Tome I, Genève, Minard, 1958, P. 33. 28 Articles 1 § 1 de la convention de Genève sur la mer territoriale et la zone contiguë et 2 § 1 de la CNUDM. 29 J. COMBACAU et S. SUR, Droit international public, 11e éd., Paris, Montchrestien, LGDJ, 2014, P. 405. 10 convention des Nations Unies sur le droit de la mer30 ». De ce fait, la largeur maximale de la mer territoriale est fixée par l'article 3 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui stipule : «Tout Etat a le droit de fixer la largeur de sa mer territoriale. Cette largeur ne dépasse pas 12 milles marins mesurés à partir de lignes de base établies conformément à la convention31 ». Aisée à mettre en oeuvre dans les côtes rectilignes, la méthode est difficile à appliquer dans les cas de côtes échancrées ou bordées d'îlots, c'est la raison pour laquelle plusieurs Etats ont préféré le système des lignes de base droite reliant les points appropriés selon les termes utilisés par la CIJ en 1951 dans l'affaire des pêcheries anglo-norvégiennes32. A cet égard, il est important de souligner que la délimitation de la mer territoriale est faite en tenant compte de deux lignes fondamentales. La première de ces lignes est connue sous le nom de ligne de base normale et est définie comme « celle qui suit la route d'une côte en question à marée basse33 ». La seconde est celle qui, à son tour, s'appelle une ligne droite. « Ce nom inclut le tracé des lignes droites reliant les points de repère spécifiques de la côte, s'il a une série d'ouvertures d'un caractère profond34 ». 2. Le régime juridique de la mer territoriale a. Principe de la souveraineté de l'État côtier Le régime juridique de la mer territoriale obéît au principe de souveraineté de l'Etat côtier 35 . Cette souveraineté s'étend également à l'espace aérien au-dessus de la mer territoriale, ainsi qu'au fond de cette mer et à son sous-sol36. Il résulte de ces dispositions que l'Etat côtier exerce des compétences exclusives tant au point de vue économique (pêche, exploitation des ressources minérales), qu'en matière de police (navigation, douane, santé publique, protection de l'environnement, sécurité en mer territoriale. Les formules employées pour la désigner ne laissent pas de doute sur son appartenance au territoire de l'Etat : outre l'adjectif qui la qualifie, elle est postulée par l'affirmation, entachée de la même impropriété que celle qui concerne l'espace aérien selon laquelle « la souveraineté de l'Etat côtier s'étend 30G. LABRECQUE, La frontière maritime du Québec dans le golfe du Saint-Laurent, in « Cahier de géographie du Québec », Montréal, 1993, P. 190. 31 CNUDM, Art. 3. 32 Affaire des pêcheries anglo-norvégiennes (Royaume Uni contre Norvège), C.I.J., Recueil 1951, P. 116. 33 L. GUIBAULT, Op.Cit., P. 149. 34 Ibid. 35 CNUDM, art., 2. 36 Id., art., 2§2. 11 au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures, à la zone en question37 ». En ce sens, « la mer territoriale s'intègre dans le territoire de l'Etat38 ». Cependant, le droit international impose à l'Etat le respect des droits reconnus aux Etats tiers, au-delà de ceux admis dans les eaux intérieures. b. Le droit de passage inoffensif en mer territoriale 1° Principe La limitation que le droit international coutumier impose à l'Etat côtier découle du droit de passage inoffensif des navires étrangers dans sa mer territoriale. Déjà codifié par le statut de Barcelone de 1921 (art. 2), ce droit est aujourd'hui réglementé par les articles 14 à 23 de la première convention de Genève et les articles 17 à 32 de la convention de Montego Bay. Ainsi donc, « les navires les Etats, côtiers ou non, jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale, aux fins de la traverser sans entrer dans les eaux intérieures ni faire escale dans une rade ou une installation portuaire située en dehors des eaux intérieures, ou se rendre dans les eaux intérieures ou les quitter, ou faire escale dans une telle rade ou installation portuaire ou la quitter39 ». Le passage doit, en principe, être « continu et rapide » mais le stoppage et le mouillage constituent des droits pour le navire de passage à condition qu'ils soient des « incidents ordinaires de navigation » ou soient justifiés par la force majeure ou une situation de détresse ou encore qu'ils aient pour but de porter secours à des personnes, des navires ou des aéronefs en danger (art.18 § 2 de la convention sur le droit de la mer). Cependant, ce droit de passage inoffensif connait toutefois des limitations. Aux termes des articles 16 § 3, de la Convention de 1958 et 25 § 3, de celle de 1982, l'État côtier peut suspendre le passage inoffensif des navires étrangers, mais cette suspension doit être temporaire et dûment publiée. Cette dernière « ne doit porter que sur des zones déterminées de sa mer territoriale, être établie sans discrimination et être indispensable pour assurer sa sécurité. La convention de Montego Bay précise : entre autres pour lui permettre de procéder à des exercices d'armes»40. 37 J. COMBACAU et S. SUR, Op. Cit., P. 405. 38 S. LESSEDJINA, Droit maritime et éléments de droit fluvial, Tome I, PUC, Kinshasa, 2003, P.44. 39F. CLARK, Différence entre passage inoffensif et passage en transit, [En ligne] sur https://medium.com (consulté le 13 mai 2019). 40CNUDM, Art. 25 §3. 12 2° Règles applicables aux différentes catégories de navires Conformément à une règle coutumière bien établie, « l'État côtier peut prendre, dans sa mer territoriale, les mesures nécessaires pour empêcher tout passage qui n'est pas inoffensif41 ». Ces mesures sont cependant différentes selon qu'il s'agit des navires marchands ou des navires d'États utilisés à des fins non commerciales. L'État côtier dispose à l'égard des premiers, des pouvoirs plus limités que dans ses eaux intérieurs, mais encore très considérables. Reprenant presque en tous points les règles prévues par la convention de Genève (art.19 à 21), la Convention de Montego Bay fait une distinction entre l'exercice des juridictions pénale et civile. « L'État côtier se trouve beaucoup plus démuni à l'égard des infractions commises par un navire d'État utilisé à des fins non commerciales42 » qui bénéficient des immunités de l'État étranger (art. 32 de la CNUDM) et qu'il ne peut ni arraisonner ni dérouter. En outre, la Convention de Montego Bay précise que : « Si un navire de guerre ne respecte pas les lois et règlements de l'État côtier relatif au passage dans la mer territoriale et passe outre à la demande qui lui est faite de s'y conformer, l'État côtier peut exiger que ce navire quitte immédiatement la mer territoriale43 ». Il découle en effet de l'analyse de cet article que la convention sous analyse dissocie les navires de guerre des autres navires d'État, peut être pour restreindre au maximum une dérogation aux pouvoirs habituels du souverain territorial justifiée surtout par le souci de prévenir un incident militaire. D'autre part, la convention précise que l'État du pavillon est responsable des dommages que ses navires de guerre peuvent causer à l'État côtier du fait de l'inobservation des lois et règlements de celui-ci ou du droit international (art. 31). Ceci n'est qu'une application des règles générales relatives à la responsabilité internationale de l'État du fait du fonctionnement de ses services publics. §2. LES ZONES MARITIMES DE COMPETENCE FINALISEE Ces espaces maritimes sont constitués par les zones comprises entre la mer territoriale d'un Etat et la haute mer. L'Etat qui revendique la compétence sur ces espaces n'y acquiert qu'une compétence fonctionnelle, attribuée par l'une ou l'autre des conventions internationales. Depuis la convention de Montego Bay, « un Etat côtier peut exercer cette 41 P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international public, Paris, L.G.D.J., 2002, P. 1163. 42 F. CLARK, Op. Cit. 43CNUDM, art., 30. 13 compétence à l'intérieur d'une étendue de 200 milles marins au-delà des lignes de base droites, étendue qui englobe les ressources minérales et biologiques dans les eaux sur jacentes44 ». L'Etat peut également exercer cette compétence sur le sol et le sous-sol du plateau continental. Ces espaces maritimes compris entre la mer territoriale et la haute mer sont : la zone contiguë, la zone économique exclusive et le plateau continental. A. La zone contiguëLe premier espace maritime soumis à la compétence fonctionnelle d'un Etat est une surface d'eau s'étendant à une distance maximale de 24 milles marins, à partir des lignes de bases45. Selon le régime juridique applicable à la zone contiguë, le pouvoir de réglementation de l'Etat côtier ne vise que la prévention légale des infractions aux lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou d'immigration sur son territoire ou dans sa mer territoriale et dans ces limites, la répression des infractions à ces mêmes lois et règlements46. Cet espace ne peut être assimilé à la mer territoriale. L'article 24 de la convention de Genève sur la mer territoriale et la zone contiguë énonce en ces termes les droits que peuvent y faire valoir les Etats riverains : sur une zone de la haute mer contiguë à sa mer territoriale, l'Etat riverain peut exercer le contrôle nécessaire en vue : ? de prévenir les contraventions à ses lois de police douanière, fiscale, sanitaire ou d'immigration sur son territoire ou dans sa mer territoriale ; ? de réprimer les contraventions à ces mêmes lois, commises sur son territoire ou dans sa mer territoriale. Il ressort de cette disposition que l'Etat ne peut rechercher, dans la zone contiguë, que les auteurs d'infractions commises dans ses eaux territoriales et que par conséquent, « il ne s'agit plus à proprement parler, dans ce cas, de compétence territoriale, mais d'un droit exceptionnel que se reconnaissent mutuellement les Etats en haute mer [...j,47 ». Certains auteurs estiment que « la zone contiguë forme une zone de transition entre le régime étatique de la mer territoriale et le régime de liberté complète de la haute mer48 ».Une disposition exceptionnelle accorde en outre à l'Etat le contrôle nécessaire en matière d'enlèvement 44 L. GUIBAUT, Op. Cit., P. 133. 45CNDUM, art. 33§2 ; ce qui revient à dire que l'Etat côtier exerce un contrôle limité sur une largeur de 12 milles marins en plus des douze premiers milles marins de mer territoriale sur lesquels il a le contrôle absolu, sauf en ce qui a trait au libre passage inoffensif. 46Id., art. 33§1a) et b) ; et convention de Genève de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë, art., 24. 47 J. Y., MORIN, Op. Cit., P. 83. 48Q. NGUYEN, P. DAILLIER et A. PELLET, Op. Cit., P. 987. 14 d'objets archéologiques et historiques découverts au fond de la mer, dans la zone contiguë, mais sans préjudice des droits de propriétaires identifiables49. |
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