II.2. Les temps internes
Les temps internes sont les temps qui sont
insérés dans l'oeuvre elle-même. Il s'agit du temps de la
fiction, de la narration et de la lecture.
- Le temps de la lecture
C'est celui que met le lecteur à lire un récit.
Il est à la fois dépendant et indépendant. En effet, il
est proportionnel à l'épaisseur de l'ouvrage, mais peut varier
selon la vitesse de lecture de chacun (étude psychologique).
- Le temps de la fiction, de la diégèse
ou de l'histoire
On l'appelle aussi le temps raconté. Il
représente la durée du déroulement de l'action. Plusieurs
formules implicites ou explicites sont utilisées dans le texte narratif
pour indiquer la succession des événements et donner, rendre
sensible la fuite du temps: le vieillissement des personnages, la
transformation des lieux, souvent les allusions, etc. Certains récits
ont un référent avéré, ils se donnent pour
finalité de relater des événements du monde, passés
ou présents. Ce sont les récits factuels, tels que nous
les rencontrons dans les livres d'histoire ou dans la presse quotidienne. Le
journaliste, l'historien ne peuvent pas raconter n'importe quoi: leurs
récits dépendent logiquement de la réalité dont ils
rendent compte. Tout autre est le cas du romancier: sans doute celui-ci
peut-il, comme l'historien, évoquer des lieux ou des personnages
existants), mais il n'est pas soumis comme lui au critère d'exactitude.
Le récit de fiction échappe à la juridiction du
vrai et du faux et ne dépend que de l'acte narratif qui l'institue.
Indépendant à l'égard de tout devoir de
référer, le récit de fiction offre dès lors un
terrain d'expérimentation fécond pour éprouver les vertus
de la schématisation narrative en général. Pour Michel
Butor (1975 : 9), le roman n'est pas autre chose que « le laboratoire
du récit, alors que le texte véridique a toujours l'appui, la
ressource d'une évidence extérieure, le roman doit suffire
à susciter ce dont il nous entretient ». Et c'est ainsi
qu'à ses yeux « la recherche de nouvelles formes romanesques
joue [...] un triple rôle par rapport à la conscience que nous
avons du réel, de dénonciation, d'exploration et
d'adaptation. » (1975 : 10)
- Le temps narratif
On l'appelle aussi temps du récit ou temps racontant.
La durée d'une fiction (histoire) peut être d'une journée,
et celle-ci peut être racontée en 400 pages. Une tranche de vie ou
plusieurs tranches de vie (plusieurs générations) peuvent
être racontées en 100 pages. Le temps narratif est
différent du temps de la fiction. Sa détermination n'est pas
aisée car il ne faut le confondre ni avec le temps de l'écriture
ni avec celui de la lecture. Le temps narratif se mesure conventionnellement en
longueur de pages : c'est la longueur d'un texte nécessaire à la
relation d'un évènement.Comme une feuille de papier, la
temporalité narrative se présente sous deux faces
indissolublement liées. D'un côté, le temps narratif est
déterminé par la nature linéaire du signifiant
linguistique. Contrairement aux peintres, qui peuvent donner à voir les
choses et les gens d'un coup, dans la coexistence simultanée de
l'espace pictural, les romanciers sont tributaires de la nature
consécutive du langage: ainsi, c'est très progressivement que le
lecteur voit apparaître devant l'oeil de son esprit les lieux et les
personnages du roman dont il tourne les pages une à une. Telle est la
première face du temps narratif: c'est le temps du récit
(tR), déterminé par la succession des mots sur la page. Ce
temps racontant (en allemand, on parle d'Erzählzeit) se
repère par le décompte d'unités de texte: nombre de
lignes, de pages, de chapitres, etc. L'autre face de la temporalité
narrative, c'est le temps raconté (erzählte Zeit, en
allemand).
|