I.3. Valeur du
présent
Avec ses différentes acceptions, le présent
constitue dans le Crime Parfait un carrefour, voire un rond-point en
étoile à partir duquel découlent tous les autres temps.Il
constitue donc le centre de gravité des événements, il est
le point essentiel, principal, sinon primordial autour duquel s'organise
l'ensemble de l'action. Dans sa fonction de base, le présent est le
temps de l'énonciation qui indique la coïncidence entre le
procès et le moment de l'énonciation.
« Prends tes flèches et
n'oublie pas ta hache.» (p, 13)
« Enlever le corps pour l'envoyer dans la morgue
de quel hôpital ? Dites-le-nous ! Pas dans
celle du centre hospitalier universitaire [...] » (P, 34)
Dans ces passages, l'auteur emploie le présent pour
présenter des faits qui sont valables au moment où il parle. Ces
faits se sont déroulés en effet, pendant que l'équipe de
la compagnie républicaine voulait enlever le corps de la jeune fille
assassinée pour la morgue.
Outre son rôle d'énonciation, le présent
est identifié dans le Crime Parfait sous un autre cas de figure
à savoir le présent historique ou le présent
de narration. Adama SGUIRÉ a opté pour le présent
dans la narration des évènements dans le roman. Ainsi plusieurs
cas de présent de narration ont été relevés.
« Il est vingt heures, trois coups de feu
viennent de retentir à l'entrée principale du
lycée national Jules Ferry » (incipit, p, 13) ;
« Le ministre chargé de l'administration
adresse des correspondances aux leaders des différents
partis » (p, 102)
« Il est dix-huit heures trente minutes ce jeudi
soir. Le président de la commission électorale
décide d'assumer ses responsabilités »
(p,129)
Dans ces trois passages, on peut voir nettement la
précellence du présent sur les autres temps de
référence du récit à savoir l'imparfait, le
passé simple et le passé composé. Cette technique
utilisée par SIGUIRÉ dans la construction du roman, a pour
intérêt d'abolir la distance temporelle entre le moment de la
narration et le moment de l'histoire racontée, autrement dit, le lecteur
sent qu'il n'y a pas de déphasage entre l'action et le moment de sa
narration, ce qui permet, d'ailleurs, au présent temps de discours de
devenir un temps du récit par excellence. En effet, le présent,
commutant avec le passé simple, joue dans ce cas un rôle purement
narratif, et met les faits en relief tout en les actualisant ; par
conséquent la totalité de l'instance énonciative se
déplace au moment des événements afin qu'ils appartiennent
au présent de l'interlocution et que le lecteur ait l'impression
d'assister en direct à l'histoire.
Dans leCrime Parfait,on relève plusieurs
occurrences du présent historique permettant la création d'effets
stylistiques particuliers, proches de l'hypotypose. L'hypotypose, qui peint les
choses de manière si vive qu'elle les met en quelque sorte sous les
yeux. De même, ce présent historique vise à produire une
impression d'immédiateté, en donnant à voir les
faits comme s'ils étaient contemporains de leur énonciation par
le narrateur et/ou de leur réception par le lecteur.
On relèvera également des cas de présent
qui traduisent une vérité générale.
« Malgré tout, les journalistes
sont majoritairement titulaires de
baccalauréat » (p, 66)
Ce présent, ici, a une valeur omni temporelle. On sait
que partout pour aller à l'école de journalisme et sortir
journaliste, il faut au minimum le baccalauréat.
« Le changement est la nature
de la démocratie tout comme la métamorphose est
la nature des êtres vivants. » (p, 98)
Pour dire qu'en démocratie, l'alternance est un
principe infranchissable.
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