III.4Temps du récit : les
récits en rupture dans Le crime parfait
Subséquemment à sa texture un peu
singulière, le récit dans le romand'Adama SIGUIRÉ,Le
Crime Parfait, est ficelé de telle manière qui laisse penser
à la rupture. Pourquoi rupture ? La réponse en est simple : c'est
une oeuvre contenant deux récits de caractères différents
chacun de l'autre avec des personnages et des espaces également
différents.
En premier lieu, sur le plan de péripéties,
d'événements, les deux récits relatent deux histoires
différentes dont la première est la conséquence de la
deuxième.
- Dans le récit premier on raconte l'histoire de
l'assassinat de la jeune fille qui a déclenché le courroux du
monde scolaire :
« Juliette, si tu es morte, dis-le-nous. Non !
Nous sommes à deux mois du baccalauréat. Le BAC aura lieu avec
toi, autrement il n'aura pas lieu. [...]Aucune autorité politique ne
viendra ici. Nous allons aller les trouver dans leur sommeil et les
brûler vif. »(p, 15)
C'est la gestion de la crise, suite à cet assassinat,
et la recherche d'un dénouement favorable pour permettre au
président dictateur de sauver son fauteuil, qui est relaté
à travers ce premier récit.
- Dans le récit second, il y a une autre histoire qui
se déploie. Il s'agit du tripotage constitutionnel ;
« Zami Zama se prépare pour se faire
élire président de la république du Bantou pour la
sixième fois. Seulement il fait face à la plusieurs
obstacles ? Selon la constitution de la république du Bantou, Zami
Zama doit partir. [...] Le nombre de mandat est limité. Et voilà
que Zami Zama est à la fin de son mandat. Il doit quitter le pouvoir,
selon la constitution qu'il a fait voter lui-même. [...] La loi portant
non-limitation du nombre de mandat présidentiel est vite votée
par l'assemblée nationale de la république. » (p,
83)
Etdes élections présidentielles dans la
république du Bantou.
« La campagne électorale bat son plein
dans la république du Bantou. Les villes sont inondées d'affiches
et autres messages des candidats. » (p, 106)
En deuxième lieu, le roman présenteplusieurs
espaces dissemblables dans lesquels se déroulent les scènes
desdites histoires. L'auteur procède donc à des ruptures pour
décrire ces espaces :
- Les espaces dans l'histoire de l'assassinat, des espaces de
concertations :
« Le directeur général de
l'enseignement secondaire et les trois responsables du lycée sont
partis ? C'est le vaste salon de la maison du directeur
général qui les accueille cette nuit. » (p, 22)
Un espace laissant voir un lieu de refuge pour les trois
responsables afin de se mettre à l'abri de la vindicte scolaire.
- Des espaces de travail :
« C'est dans sa maison que se trouve son bureau
et son laboratoire de recherche. Il n'y a pas de place pour s'assoir à
l'université, en dehors de l'amphithéâtre surchauffé
dans lequel il donne ses cours. Par contre un ministre de la république
a un cabinet climatisé dans lequel il peut faire beaucoup de
choses. » (p, 25)
On note également la description des espaces donnant
lieu au dégout, au mépris provoquant ainsi
répugnance, répulsion et écoeurement :
« Enlever son corps pour l'envoyer dans la
morgue de quel hôpital ? Dites-le-nous ! Là-bas c'est
la merde. C'est le désordre. C'est un bordel. C'est un dépotoir.
Les corps ne sont pas gardés. On les vole même
souvent. » (p, 34)
- L'espace dans l'histoire des élections
présidentielles. Cet espace représenté est un espace en
ébullition, animé et envahi par les partis politiques en
campagne.
« Les villes du pays sont inondées
d'affiches et autres messages des candidats. » (p, 106)
- L'espace de meeting du président
sortant :
« C'est à la place Charles de Gaule, dans
la capitale de Bantou, que Zami Zama a tenu son dernier meeting de campagne
électorale. » (p, 110)
- L'espace du meeting de l'opposition :
« C'est à Dantou, dans la capitale
économique de la république du Bantou, situé à plus
de deux cents kilomètres de Jouvantou, la capitale, que l'opposition a
tenu son dernier meeting électoral. » (p, 111)
Outre la description des espaces, la description des
personnages dans le roman `' le Crime parfait'' représente,
elle aussi, une autre rupture. Les deux récits dans le roman en question
sont véhiculéspar plusieurs personnages que l'auteur a pris le
soin de décrire. En effet,
- Le président Zami Zama,qui représente la
république, joue un rôle au sein de l'univers romanesque. Ce
président qui aspire s'éterniser au pouvoir, joue dans le roman,
le rôle de dictateur :
« Le président Zami Zama est un homme
fort. Il se reconnait ainsi. D'ailleurs, dès son arrivée au
pouvoir, on l'appelait « l'homme fort de la république de
Bantou.» Il est arrivé au pouvoir par le crépitement des
armes. Il a pris le pouvoir dans un bain de sang. » (p, 46)
Il a dirigé le pays pendant des
décennies :
« Cela fait déjà d'ailleurs
trente-deux ans que le président Zami Zama est au
pouvoir. » (p, 47)
- L'officier Paul Zalo, qui a la charge d'enlever le corps de
Juliette joue le rôle de négociateur au regard de ses
qualités professionnelles.
« L'officier Paul Zalo est un jeune
Garçon très intelligent. Il a beaucoup appris. Il a lu beaucoup
de livres. Il connait l'étymologie du mot police. »(p,
37)
Ce jeune officier dont l'histoire donne la charge d'affronter
avec son équipe, les élèves doit tout faire pour
réussir la négociation :
« Le jeune officier de police âgée
à peine de vingt-cinq ans, prend le courage de risquer sa vie. Il avance
vers le groupe des élèves. Il reçoit des jets de pierres
et des injures. Les élèves menacent de le brûler vif.
Malgré cela, l'officier de la compagnie républicaine de
sécurité avance. À cinq mètres du groupe des
élèves, il s'arrête : « Je suis venu pour
qu'on échange. Vous savez je suis jeune comme vous. » (p,
30)
Toutes ces oppositions que le roman met en exergue montrent
clairement une certaine distorsion au niveau de la structure
générale de l'univers romanesque nous permettant ainsi de parler
du récit en rupture.
|