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La temporalité narrative dans le "crime parfait" d'Adama Amadé Siguire


par Jean Marie OUEDRAOGO
Université Pr Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou - Master 2 2022
  

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III.4Temps du récit : les récits en rupture dans Le crime parfait

Subséquemment à sa texture un peu singulière, le récit dans le romand'Adama SIGUIRÉ,Le Crime Parfait, est ficelé de telle manière qui laisse penser à la rupture. Pourquoi rupture ? La réponse en est simple : c'est une oeuvre contenant deux récits de caractères différents chacun de l'autre avec des personnages et des espaces également différents.

En premier lieu, sur le plan de péripéties, d'événements, les deux récits relatent deux histoires différentes dont la première est la conséquence de la deuxième.

- Dans le récit premier on raconte l'histoire de l'assassinat de la jeune fille qui a déclenché le courroux du monde scolaire :

« Juliette, si tu es morte, dis-le-nous. Non ! Nous sommes à deux mois du baccalauréat. Le BAC aura lieu avec toi, autrement il n'aura pas lieu. [...]Aucune autorité politique ne viendra ici. Nous allons aller les trouver dans leur sommeil et les brûler vif. »(p, 15)

C'est la gestion de la crise, suite à cet assassinat, et la recherche d'un dénouement favorable pour permettre au président dictateur de sauver son fauteuil, qui est relaté à travers ce premier récit.

- Dans le récit second, il y a une autre histoire qui se déploie. Il s'agit du tripotage constitutionnel ;

« Zami Zama se prépare pour se faire élire président de la république du Bantou pour la sixième fois. Seulement il fait face à la plusieurs obstacles ? Selon la constitution de la république du Bantou, Zami Zama doit partir. [...] Le nombre de mandat est limité. Et voilà que Zami Zama est à la fin de son mandat. Il doit quitter le pouvoir, selon la constitution qu'il a fait voter lui-même. [...] La loi portant non-limitation du nombre de mandat présidentiel est vite votée par l'assemblée nationale de la république. » (p, 83)

Etdes élections présidentielles dans la république du Bantou.

« La campagne électorale bat son plein dans la république du Bantou. Les villes sont inondées d'affiches et autres messages des candidats. » (p, 106)

En deuxième lieu, le roman présenteplusieurs espaces dissemblables dans lesquels se déroulent les scènes desdites histoires. L'auteur procède donc à des ruptures pour décrire ces espaces :

- Les espaces dans l'histoire de l'assassinat, des espaces de concertations :

« Le directeur général de l'enseignement secondaire et les trois responsables du lycée sont partis ? C'est le vaste salon de la maison du directeur général qui les accueille cette nuit. » (p, 22)

Un espace laissant voir un lieu de refuge pour les trois responsables afin de se mettre à l'abri de la vindicte scolaire.

- Des espaces de travail :

« C'est dans sa maison que se trouve son bureau et son laboratoire de recherche. Il n'y a pas de place pour s'assoir à l'université, en dehors de l'amphithéâtre surchauffé dans lequel il donne ses cours. Par contre un ministre de la république a un cabinet climatisé dans lequel il peut faire beaucoup de choses. » (p, 25)

On note également la description des espaces donnant lieu au dégout, au mépris provoquant ainsi répugnance, répulsion et écoeurement :

« Enlever son corps pour l'envoyer dans la morgue de quel hôpital ? Dites-le-nous ! Là-bas c'est la merde. C'est le désordre. C'est un bordel. C'est un dépotoir. Les corps ne sont pas gardés. On les vole même souvent. » (p, 34)

- L'espace dans l'histoire des élections présidentielles. Cet espace représenté est un espace en ébullition, animé et envahi par les partis politiques en campagne.

« Les villes du pays sont inondées d'affiches et autres messages des candidats. » (p, 106)

- L'espace de meeting du président sortant :

« C'est à la place Charles de Gaule, dans la capitale de Bantou, que Zami Zama a tenu son dernier meeting de campagne électorale. » (p, 110)

- L'espace du meeting de l'opposition :

« C'est à Dantou, dans la capitale économique de la république du Bantou, situé à plus de deux cents kilomètres de Jouvantou, la capitale, que l'opposition a tenu son dernier meeting électoral. » (p, 111)

Outre la description des espaces, la description des personnages dans le roman `' le Crime parfait'' représente, elle aussi, une autre rupture. Les deux récits dans le roman en question sont véhiculéspar plusieurs personnages que l'auteur a pris le soin de décrire. En effet,

- Le président Zami Zama,qui représente la république, joue un rôle au sein de l'univers romanesque. Ce président qui aspire s'éterniser au pouvoir, joue dans le roman, le rôle de dictateur :

« Le président Zami Zama est un homme fort. Il se reconnait ainsi. D'ailleurs, dès son arrivée au pouvoir, on l'appelait « l'homme fort de la république de Bantou.» Il est arrivé au pouvoir par le crépitement des armes. Il a pris le pouvoir dans un bain de sang. » (p, 46)

Il a dirigé le pays pendant des décennies :

« Cela fait déjà d'ailleurs trente-deux ans que le président Zami Zama est au pouvoir. » (p, 47)

- L'officier Paul Zalo, qui a la charge d'enlever le corps de Juliette joue le rôle de négociateur au regard de ses qualités professionnelles.

« L'officier Paul Zalo est un jeune Garçon très intelligent. Il a beaucoup appris. Il a lu beaucoup de livres. Il connait l'étymologie du mot police. »(p, 37)

Ce jeune officier dont l'histoire donne la charge d'affronter avec son équipe, les élèves doit tout faire pour réussir la négociation :

« Le jeune officier de police âgée à peine de vingt-cinq ans, prend le courage de risquer sa vie. Il avance vers le groupe des élèves. Il reçoit des jets de pierres et des injures. Les élèves menacent de le brûler vif. Malgré cela, l'officier de la compagnie républicaine de sécurité avance. À cinq mètres du groupe des élèves, il s'arrête : « Je suis venu pour qu'on échange. Vous savez je suis jeune comme vous. » (p, 30)

Toutes ces oppositions que le roman met en exergue montrent clairement une certaine distorsion au niveau de la structure générale de l'univers romanesque nous permettant ainsi de parler du récit en rupture.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand