Sous paragraphe 2 : La qualité pour agir
« La possibilité d'agir pour la défense des
intérêts repose sur deux justifications en particulier : la
représentation et la qualité ».94
« Par qualité à agir, on entend le titre
juridique conférant la prérogative légale de l'action en
justice, conférant le droit de solliciter du juge l'examen de sa
prétention ».95
« En principe, la qualité, titre donnant la
prérogative de l'action en justice, découle de l'existence d'un
intérêt à agir. Mais il n'en est pas toujours ainsi ...
(parfois) la qualification à agir par la loi procède d'une
extension du droit d'agir au-delà des cas où il existe un
intérêt personnel à agir ».96
La question de la qualité à agir en défense
d'un intérêt autre qu'individuel s'est posée de
manière différente pour les Syndicats professionnel et les
associations.
La qualité d'agir d'un Syndicat professionnel :
Il résulte des dispositions de l'article 2132-3 C.T que
l'action dans l'intérêt collectif de la profession n'est
praticable que par un syndicat professionnel sans distinguer qu'il soit un
syndicat de salariés ou un syndicat d'employeur.
Il est nécessaire aussi que le groupement soit un «
syndicat professionnel » pour prétendre disposer de la
qualité requise par les principes de procédures
civiles.97
L'action en justice est ouverte également aux syndicats
dits « primaires » ou aux unions de syndicats sous réserves
des conditions statutaires définissants leurs périmètre
professionnel et territorial.
Par extension jurisprudentielle de l'habilitation
législative résultante de l'article 2132-3 C.T98,
la
92 Serge Guinchard, Droit et pratique de la
procédure civile, préc. p.14
93 Art 125, al 2 CPC
94 « Les actions en justice au-delà de
l'intérêt personnel », préc. p.27
95 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand,
Cécile Chainais et Lucie Mayer, préc, n°83 p.51
96 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand,
Cécile Chainais et Lucie Mayer, préc, n°99 p.55
97 V. Crim 14 juin 2000, n°99-86.810, Bull. crim
n°220 ; Dr. Soc 2000.1017, obs.Savatier ; D.2001 Somm. 822, obs.
Tissandier.
98 Cette habilitation limite la recevabilité de
l'action en principe aux seules infractions pénales.
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qualité d'agir est reconnue même en absence
d'infraction pénales.
Le syndicat est qualifié donc pour agir devant les
juridictions pénales, civiles, administratives, européennes et
internationales.
La qualité d'agir « discutée »
d'une association en défense de l'intérêt collectif
:99
« Très tôt, la question s'est posée
de savoir si l'association pouvait agir en justice afin de défendre
l'intérêt collectif qu'elle s'était donné mission
pour protéger ».100
Au début du dixième siècle, la
jurisprudence s'est montrée réticente à leur
égard.
Elle a jugé en effet qu'ils n'avaient la
possibilité d'agir qu'en étant munies d'une habilitation
législatives expresses. 101
La cours de cassation avait admis l'action en défense
de l'intérêt collectif de la profession seulement aux syndicats
parce qu'à l'époque on observait une unité du monde
syndical. Dès lors qu'il y'avait une unité du monde syndical, il
était beaucoup plus facile pour la cour de cassation de
considérer que les syndicats étaient les représentants
naturels et unique de la profession. Ce qui n'était pas le cas dans le
monde associatif non syndical et précisément les associations non
syndicales.
Action dans l'intérêt collectif et
absence de condition de représentativité : L'article
2132-3 C.T, n'exige pas que le Syndicat soit représentatif pour lui
reconnaitre le pouvoir d'ester en justice. Aucune condition relative à
la majorité n'est exigée non plus. Les Syndicats non
représentatifs au sens de la loi de 20 août 2008 ont donc aussi le
droit d'agir pour contester toute atteinte portée à
l'intérêt collectif de « la profession » qu'ils «
représentent ».102 Ainsi comme l'a indiqué J.-M.
VERDIER, « la qualité du syndicat pour agir est fondée sur
sa fonction représentative de la profession ».103
Si à l'époque on n'a pas réservé
cette action qu'aux seuls syndicats représentatifs c'est tout simplement
parce que la notion de représentativité n'existait pas en 1913.
La notion de représentativité n'a été posée
qu'ultérieurement dans le traité de Versailles de 1919. En 1913,
il y'avait déjà un certain pluralisme dans le monde associatif
non syndical, chose qui n'existait pas en droit syndical. C'est ce qui explique
qu'aujourd'hui certains auteurs104 se demandent si on ne devrait pas
finalement
99 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand,
Cécile Chainais et Lucie Mayer, « Procédure Civile »,
préc, n°118. P.61
100 « Les actions en justice au-delà de
l'intérêt personnel », préc, p.171
101 Cass, ch. réun, 15 juin 1923 ; S.1924.I.49,
rapp.A.Boulloche, note E.Chavergrin ; DP 1924.I.153, conc.Mérillon, note
L.Rolland
102 Ex : Soc. 12 juill. 2006, n° 05-60.353, Bull. civ. V,
n°252 ; JCP 2006. II. 1086, note Duquesne.
103 J-M Verdier, traité de droit du travail. Préc,
n° 214 p 656.
104 Fréderic Guiomard, La mobilisation du droit dans les
luttes, Syndicats, préc, n°29 p51.
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restreindre la prérogative d'exercer l'action en
défense de l'intérêt collectif de la profession aux seuls
syndicats représentatifs ayants une certaine
légitimité.
A l'instar de la notion d'intérêt collectif, la
représentation des salariés et l'idée même de la
représentation ont été approfondis par la doctrine.
105 Le syndicat n'est pas le mandataire légal des
intérêts des personnes qu'il est censé représenter.
Il a cependant la capacité d'amplifier la parole de la profession
à travers ce qu'il estime être comme l'âme du collectif, ses
lois, ses valeurs et normes communes.
La représentativité de l'acteur syndical, pose
également la question de pluralité de l'intérêt
défendu. Si la pluralité des acteurs pouvait être admise
pour porter conjointement la voix de l'intérêt collectif, il
serait indispensable de maitriser la manière avec laquelle cet
intérêt s'exprime lorsque les salariés sont
entrainés dans des situations qui mettraient en cause leur santé,
sécurité ou conditions de travail par exemple.
L'ouverture de l'action dans l'intérêt collectif
est visible à travers la souplesse d'autres conditions d'exercice.
De l'absence de la condition d'ancienneté :
La jurisprudence postérieure à la loi du 20 août
2008, ne requière pas l'ancienneté minimale des deux ans
nécessaires pour être représentatif. Un syndicat
très jeune par exemple a donc la possibilité d'agir pour
défendre l'intérêt collectif de la profession et exercer
les diverses prérogatives syndicales. 106
Après la loi du 20 août 2008, la Cour de
cassation a précisé qu'il n'est pas exigé que le syndicat
qui agit dans l'intérêt collectif remplisse la condition
d'ancienneté des deux ans, requise pour être représentatif
et exercer certaines prérogatives.
En revanche, l'existence d'adhérents dans l'entreprise
serait une condition pour agir107. C'est effectivement une condition
retenue par la chambre sociale dans le contentieux électoral.
Le respect des valeurs républicaines :
Le syndicat doit satisfaire en outre aux conditions relatives au
respect des valeurs républicaines et d'indépendance. Il n'en
demeure pas moins que de telles conditions ne résultent pas des
textes108. Cette condition est indissociable de la conception du
105 Sur cette notion, V G.Borenfreund, la représentation
des salariés et l'idée de représentation,
Dr.soc.1991.685.
106 Cass. Soc. 10 mai 2012, n° 11-60.152, inédit.
107 PÉCAUT-RIVOLIER et STRUILLOU, Chronique des
jurisprudences sur la représentation du personnel, Sem. soc. Lamy no
1560, 12 nov. 2012, p. 6
108 Selon la position commune du 9avril 2008, ce principe
implique le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique ou
religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout
intégrisme et toute intolérance.
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syndicalisme en France. On peut s'interroger sur le sort de
l'action en justice dans l'intérêt collectif exercée par un
syndicat non indépendant ou qui ne respecte pas les valeurs
républicaines. L'appréciation de ce critère se fait selon
une jurisprudence de 2010 au regard de l'action réelle du syndicat, peu
importe à cet égard les mentions figurants dans les statuts.
109La recevabilité de l'action dans l'intérêt
collectif dépend à notre avis du contexte de son introduction.
Elle est irrecevable si elle a pour but de défendre des valeurs non
républicaines. Au contraire elle est recevable si elle a pour but de
défendre l'intérêt collectif de la profession.
Paragraphe 2 : La diversité des voies
d'action
Les voies et modalités d'exercice110 de
l'action dans l'intérêt collectif sont extrêmement
variées. D'abord, l'action est possible devant toutes les juridictions
qu'elles soient de l'ordre judiciaire (civil et pénale) ou
administratif. L'action peut être engagée contre des textes (ex :
action d'annulation de texte ou règlement, recours pour excès de
pouvoir contre des circulaires111) C'est l'exemple type de la
défense de l'intérêt collectif par la défense du
droit.
Le syndicat ou l'union de syndicats peuvent aussi agir par
voie d'action ou par voie d'intervention devant les juridictions civiles.
Enfin, l'action peut revêtir la forme d'une demande de
constitution de partie civile devant les juridictions pénales.
Le principe étant le même, les
développements qui vont suivre seront consacrés essentiellement
au régime juridique des deux principales voies d'exercice de l'action
à savoir l'action principale ou d'intervention devant les juridictions
civiles d'une part (sous paragraphe 1) et la constitution de partie civile
devant les juridictions pénales d'autre part (sous paragraphe 2).
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