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L'action dans l'intérêt collectif de la profession.


par Slim Affes
Paris Nanterre - UFR Droit Social - Master 2 droit social et relations professionnelles 2020
  

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Conclusion

En conclusion nous souhaitons synthétiser les résultats de notre recherche avant de dégager quelques pistes d'évolutions :

En premier lieu, l'essor du contentieux exercé dans l'intérêt collectif est in fine et avant tout révélateur des questionnements relatifs à la place de la justice dans les relations sociales. L'action dans l'intérêt collectif, est l'exemple parfait de l'action syndicale collective et l'archétype du droit en état de guerre mobilisé pour consolider ou conquérir de nouvelles faveurs et de nouveaux droits. L'époque n'a jamais été autant propice à l'embrigadement du droit collectif et à la recherche de la place de l'intérêt collectif. La reconnaissance ancienne de la prérogative par les chambres réunies n'a pas complétement neutralisé les débats liés et autour de la notion l'intérêt collectif. L'exercice de cette action a connu depuis son apparition et bien avant des obstacles liés essentiellement aux frontières mouvantes entre les différentes essences d'intérêts : L'intérêt de l'individuel, l'intérêt général, l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt collectif. Un intérêt collectif que je me permets de définir comme étant : « Le soucis à la fois inédit et commun dont la solution de principe est favorable en premier pour une catégorie professionnelle entière et déterminée et pas uniquement pour l'individu ou la société ». Si les questions ont porté sur la confrontation entre intérêt collectif et individuel on pense qu'aujourd'hui elles portent surtout sur une possible articulation entre les deux versants de la même quête. L'action, prérogative exclusive des Syndicats professionnels a connu à partir de sa consécration par les chambres réunies une grande prospérité. Cette expansion continue a été facilitée par des conditions d'exercices simples qui ont conduit à une recevabilité abondante devant des juridictions multiples et pour diverses demandes. Ces conditions tiennent à un paramétrage ancien et très ouvert à la fois du droit d'agir et des statuts du groupement vindicatif. Des conditions qui habilitent en définitive tout syndicat quel que

soit sa représentativité à élever une prétention devant la justice pour exprimer son point de vue sur une
question qui intéresse l'intérêt collectif de la profession dont il estime qu'il en a la garde et surtout un mot à dire sur elle. L'action à multiples fonctions, a ainsi servi en même temps à protéger la légalité professionnelle et sociale dans sa conception large et de manière plus sophistiquée à respecter la conventionalité c'est-à-dire les textes collectifs. L'extension de l'action en la matière a permis d'admettre aux syndicats non-signataires le droit d'agir en exécution de la convention collective. Une extension qui a laissé aussi l'article 2262-10 C.T (déclinaison particulière de l'article 2132-3 C.T) à la marge des textes utilisés. L'examen des affaires admises devant les différentes juridictions nous a permis de classer les domaines d'intervention de l'action en 5 thèmes principaux : En premier lieu la

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défense de la santé et de la sécurité, en second lieu la défense des conditions de travail, puis la défense des droits et des prérogatives collectives, ensuite la défense de l'intérêt général, professionnel et économique et enfin la défense des conventions collectives. Dans ces affaires jaillissent à chaque fois une question de portée générale liée à la fois aux politiques gestionnaires et organisationnelles de l'employeur et aux droits rattachés à la personne du salarié ou à l'institution élue. L'action peut alors avoir pour but de protéger « un droit ou une prérogative », à créer « La jurisprudence à suivre », ou de solutionner « La problématique primordiale du moment » ou celle « en laquelle se reconnait une catégorie professionnelle déterminée ». Le régime est facilité au point que la jurisprudence admet parfois que certaines atteintes « ouvrent nécessairement » la porte à l'examen d'une prétention. Cette fonction de veille sociale et de consolidation des acquis s'ajoute à l'efficacité attendue de l'action principale ou de l'intervention du syndicat. Les syndicats professionnels auront en effet le pouvoir à la fois de développer leurs propres arguments et de demander à la justice en plus des dommages et intérêts, que des illicéités soient déclarées ou des régularisations soient faites aux salariés. Autrement dit, des demandes incidentes dont les effets peuvent affecter la situation individuelle du salarié et dont l'effectivité, la dissuasion et la diffusion ne laissent aucun doute.

En second lieu, Cette expansion continuelle est cependant freinée. Un ralentissement considérable est ressenti depuis quelques années et qui s'est accéléré depuis peu de temps. Ce mouvement est confirmé aujourd'hui parce qu'on observe une jurisprudence de moins en moins accueillante vis à vis des prétentions syndicales intéressant l'intérêt collectif de la profession. C'est-à-dire on voit de plus en plus de décisions de fin de non-recevoir pour motif d'absence de qualité ou d'intérêt à agir qui sont prononcés par les juridictions. La logique de ces exclusions est due au fond à une reconfiguration des bornes classiques de la notion d'intérêt collectif et surtout à un re-paramétrage politico-législatif de la place du collectif dans le procès au moyen d'articulations moins équilibrée avec la liberté individuelle. Ainsi nous avions pu constater que certaines actions, certes très rattachées à l'intimité du salarié ou à son contrat de travail sont exclues du regard du juge quand bien même elles avaient un versant collectif très prononcé et que nul ne peut douter que le préjudice qu'elles invoquent porte en plus atteinte à l'intérêt collectif de la profession. La complexité du processus créateur de norme conventionnelle et l'essor vénéré de ces dernières en droit du travail ont permis d'éloigner les syndicats dans une certaine mesure de leur vocation à contester les atteintes à l'intérêt collectif. Et pourtant c'est dans l'effet ergaomnes que se trouve la substance de cet intérêt collectif. C'est l'exclusion de certaines infractions pénales du domaine de l'action dans l'intérêt collectif qui nous a le plus choqué. On a pu vu voir un écartement de certaines infractions pénales pour le simple motif que la victime de l'infraction est extérieure à la profession alors qu'en vrai il s'agissait de dysfonctionnement dans l'organisation de

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travail qui légitimerait en principe l'intervention du syndicat. Plus loin encore, l'exclusion des infractions économiques et financières aux motifs que le préjudice de ces infractions n'affecte que l'intérêt général ou l'intérêt sociétal et non pas l'intérêt des salariés.

Cette exclusion est due à notre avis à un héritage politique de dépénalisation des droits des affaires et une envie de garder les affaires de l'entreprise hors de la portée des syndicats.

Cette exclusion n'est ni claire ni assumée par la jurisprudence. Elle devrait pour-autant le devenir avec l'introduction par la Loi Pacte d'un bout de phrase qui donne aux salariés un peu plus de « pouvoir » pour décider de leurs sorts en entreprise. C'est de la mobilisation de cette disposition que naitra l'espoir d'une re-fusion entre l'économique et le social. L'action dans l'intérêt collectif régresse et freine aussi parce qu'elle se trouve contrariée et sous tension. La tension vient en premier lieu de l'entrée en jeux à la fois d'acteur concurrent qui ne l'étaient pas à juste titre avant. Elle vient aussi de l'entrée en jeux en droit de travail d'un mécanisme ambitieux qui est censé pallier les inconvénients de l'action en substitution et surtout de l'action dans l'intérêt collectif : l'action de groupe. Ce fil conducteur nous a permis de voir sous un autre angle le conflit positif entre la représentation élue et les syndicats dans l'entreprise. Cette concurrence témoigne en réalité d'un changement notionnel et essentialiste induit en effet par le basculement du centre de gravité de l'intérêt collectif du côté de l'entreprise. Ainsi le défaut de qualité a été opposé au syndicat qui contestait par exemple la qualité de l'information donnés à la représentation élue. C'est un autre signe selon nous du placement des syndicats actuellement sous la dépendance de l'institution élue. Les associations ont contribué également à leur tour dans le processus de déconstruction de l'action collective. La loi leur a en effet étendu les habilitations nécessaires afin de défendre des grandes causes très similaires au fond à l'intérêt collectif d'une part, et d'autre part elle leur a partiellement ouvert la porte pour exercer l'action de groupe.

Un contentieux altruiste mais où la liberté individuelle est encore maitresse. La question de la régression de l'action dans l'intérêt collectif ne saurait être analysée sans la prise en compte de l'introduction de l'action de groupe en droit du travail, une action conçue pour s'améliorer « à petits pas ».460 Essayer de trouver de nouveaux chemins qui concilient intérêt individuel et intérêt collectif était à la fois un besoin mais aussi un risque. Un risque à rebours de diluer l'action dans l'intérêt collectif. L'équation à plusieurs degrés a été résolue par une limitation du spectre de cette action aux seules discriminations. Le dispositif est certes complexe et limité mais il est beaucoup plus prometteur qu'il n'y parait. Porteur à la fois de craintes et d'espoir, il a réussi à séduire même les syndicats non

460 E. Claudel, Action de groupe et autres dispositions concurrence de la loi de consommation : un dispositif singulier, RTD Com. 2014.339

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réformistes. Il faut l'admettre rien n'est plus séduisant que la liberté. Le mécanisme est « commercialisé » avec l'étiquette d'une meilleure jonction entre individuel et collectif. La défense dans plusieurs affaires a su tirer profit de ce dispositif pour essayer de l'améliorer à travers des demandes « tests ». « L'intérêt (de l'action de groupe) en termes de communication n'est pas négligeable. La promotion de l'action de groupe pourrait permettre de mieux faire connaitre l'action syndicale dans toutes ses dimensions » 461 L'action est aussi un moyen qui prône une certaine déjudiciarisation du contentieux. Autrement dit, mieux vaut un « règlement amiable » qu'un « bon procès ». « Ce recours systématique aux processus négociés est le signe d'une défiance à l'égard de l'intervention des juges, ce qui parait contradictoire avec l'idée même de l'action de groupe qui suppose de donner un rôle prépondérant aux juges dans la lutte contre les discriminations »462. Outre l'intérêt non négligeable de la médiatisation, la cessation de l'illicite, cette action a le mérite quand même de réussir à toucher un fléau indétectable : la discrimination systémique. C'est un outil de plus pour atteindre des discriminations indétectables.

Enfin, on voit que cette action dans l'intérêt collectif trouve de moins en moins sa place dans notre ordre juridique. Contrainte elle est en train d'évoluer pour s'adapter au fond aux mutations actuelles du droit social. Elle cherche infatigablement à se réinventer. Des nouvelles pistes s'offrent à elle. Rien n'empêche en fait de mobiliser cette prérogative à l'internationale ou en Europe. La pratique judiciaire ouvre certaines voies procédurales nouvelles, mais leur mise en oeuvre oblige à poser la question de la compétence internationale en matière d'intérêt collectif de la profession.

461 Sophie Rozez, L'action en justice, action individuelle, action collective, le Dr. Ouvrier .Novembre 2014, n°796 p.739

462 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9, 2016, Varia n°52

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon