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L'action dans l'intérêt collectif de la profession.


par Slim Affes
Paris Nanterre - UFR Droit Social - Master 2 droit social et relations professionnelles 2020
  

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Paragraphe 2 : L'avantage concurrentiel de l'action de groupe

Malgré ses multiples « imperfections »425, l'action de groupe n'est pas dénudée d'intérêt. L'action relève d'abord de l'avenir des avocats travaillistes pro-salariés qui veulent gagner des procès intéressants contre des entreprises aux pratiques discriminatoires contestables. Ensuite, l'action est plus intéressante pour les services juridiques d'entreprises qui veulent en perdre le moins possible dans des litiges mettant en causes un système défaillant de ressources humaines nuisible à leurs images. L'action de groupe tire de plus en plus profit de l'engouement des syndicats pour celle-ci. Ces derniers cherchent en effet à exploiter son mécanisme à fin d'étendre, faute de mieux, leur pouvoir d'agir en défense des intérêts collectifs. « L'objectif était aussi de faire progresser le dispositif légal, considéré comme inabouti »426.

L'élan est initié pour autant par un « gouvernement un peu hésitant »427. Le rapport commandé par le gouvernement à Laurence Pécaut-Rivolier 428 a proposé d'instituer « une nouvelle jonction » entre les actions individuelles et les actions collectives. Une nouvelle articulation entre l'individuel et le collectif. « Le droit trace une frontière étanche entre les actions exercées dans un intérêt personnel et les actions collectives. Alors que les premières permettent d'octroyer au profit des victimes les effets attendus des règles antidiscriminatoires, les secondes ne permettent de réparer que les préjudices propres au syndicat et non celui subi par les victimes ».429 C'est un changement de paradigme.

L'action de groupe a donc été perçue comme le moyen d'agir contre ces discriminations collectives que les actions individuelles ne permettent pas justement d'y faire face efficacement. « En faveur d'une extension de cette nouvelle procédure au monde de travail, on remarquera que l'une des idées fondatrices de ce nouveau mécanisme réside dans la volonté de simplifier les démarches judiciaires des victimes, d'en faciliter l'accès au juge et consécutivement de permettre l'effectivité de

425 Myriam El Yacoubi, Semaine sociale Lamy, n°1771,29 mai 2017, La première action de groupe est lancée p.2.

426 Majorie Champeaux, semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril 2018 p.2.

427 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9, 2016, Varia n°3.

428 Semaine sociale Lamy n°1611, p.5.

429 Frederic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9, 2016, Varia n°26.

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l'application des règles de droit détournées lorsqu'un seul et même acte est à l'origine de dommages sériels ».430

Cette action, est en train de contrebalancer aujourd'hui le poids classique de l'action dans l'intérêt collectif sur différents aspects.

Ambitieuse, elle « promet de dépasser les insuffisances de l'action en substitution et de l'action collective ».431 Et pourquoi pas « contribuer à lever les freins de l'action contentieuse ».

L'avantage en matière de droits « subjectifs » : La réduction récente du champ de l'action dans l'intérêt collectif, notamment lorsqu'on la confronte avec les droits individuels des salariés,432 est liée à la consécration progressive de l'action de groupe des syndicats. La raison, est que, justement, cette action de groupe ambitionne de donner aux syndicats en compensation, la possibilité d'agir individuellement pour le compte d'un groupe de salarié. Cette hypothèse est confirmée par un arrêt publié par la cour de cassation du 14 décembre 2016433 qui a limité la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif aux contentieux objectif de déclaration d'irrégularité des pratiques patronales.

L'action dans l'intérêt collectif est désormais irrecevable s'agissant des demandes ne tenant pas aux seuls constats d'irrégularité des pratiques patronales.

C'est le cas par exemple des demandes de régularisation financières résultantes de la déclaration d'illicéité. Ces demandes de régularisations étaient pour autant recevables.434 Le revirement jurisprudentiel est justifié donc par la prise en charge de l'action de groupe du contentieux « subjectif » subséquent à la déclaration d'irrégularité.

Avantage en matière de la bonne administration de la justice : Dans une affaire du 10 février 2016435 qui illustre bien la nuance entre action de groupe et action dans l'intérêt collectif, la cour de cassation a affirmé que l'action en requalification de Contrat à durée déterminée en Contrat à durée indéterminée appartenait au salarié.

Cependant, techniquement, les syndicats n'ont pas demandé la requalification du CDD du salarié en CDI. Ce n'étaient pas leurs demandes parce qu'ils avaient très bien assimilé qu'ils ne pouvaient pas demander à la place d'un salarié un droit contractuel qui est la transformation de son contrat. Ce qu'ils demandaient en revanche c'était l'injonction (d'ordonner) à l'employeur de procéder à la (requalification) transformation du CDD en CDI. Ce n'était pas la même chose. Ça voulait dire que

430 Béatrice lapérou-sheneider, « De la nature répressive de l'action de groupe et de son extension en droit du travail », Droit social n°3 Mars 2015 .p256.

431Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy, n°1741, 24 octobre 2016, « Fallait-l consacrer l'action de groupe en droit du travail ? ». p.1

432 C'est toute la jurisprudence sur le fait que les syndicats ne peuvent pas agir dans l'intérêt collectif pour demander la modification des contrats de travail des salariés pour toucher à la liberté contractuelle.

433 Soc 14 déc. 2016 n°15-20.812, préc.

434 Comme c'était le cas par exemple dans l'arrêt du 12 février 2013 n°1127.689, préc.

435 Soc 10 févr.2016, n°14-26.304, préc.

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l'employeur devait s'exécuter mais la décision de justice ne pouvait pas donner lieu à la requalification en elle-même. En d'autres termes, les syndicats demandaient d'ordonner à l'employeur de procéder à une requalification. Et si ce dernier ne s'exécutait pas, tous ce qu'il risquait, c'est de voir l'astreinte liquidée et non pas une requalification. C'était non seulement perspicace mais aussi assez logique de la part du syndicat parce que se faisant, il donnait aussi aux salariés un moyen de pression pour qu'après ils n'aient pas à introduire de multiples contentieux. Ce type d'injonction sous astreinte s'il avait été accepté il aurait permis aux salariés de ne pas aller en procès pour demander la requalification et demander le payement de l'indemnité puisque l'employeur a été condamné. La question de la bonne administration de la justice jaillie à la surface. Il y'avait dans cette action un réel intérêt procédural aussi bien pour les syndicats que pour la cour de cassation qui aurait pu admettre ça. Les salariés auraient pu gagner ainsi aussi bien le temps que l'énergie. Le refus de la cour de recevoir l'action peut être justifiée par une politique de réticence à l'égard de ce genre de demande. Ce type d'action (dite déclaratoires par ce que Le syndicat demande de déclarer qu'une pratique est illégale dans une entreprise) est aujourd'hui admis en matière de discrimination avec les actions de groupes. La déclaration de culpabilité de l'employeur dans le cadre de l'action de groupe et la définition des périmètres du groupe permettent une meilleure administration de la justice. Ce n'est pas étonnant que « La CGT ... plaide pour une passerelle entre le jugement de reconnaissance de responsabilité prononcé par le juge civil et la saisine individuelle du conseil de prud'homme ».436 L'avantage vanté en définitive étant l'agrégation du contentieux (et intérêts) dans une action de groupe déclaratoire, la cessation et la « réparation » du préjudice individuel dont l'action dans l'intérêt collectif n'a pas « réussi » à éponger.437

L'avantage en matière d'identification des salariés : Les actions dans l'intérêt collectif portent en elles le vice de l'indiscrétion. Il est presque impossible de les intenter sans révéler l'identité complète du salarié ou de risquer de l'exposer par conséquences aux éventuelles représailles de l'employeur. La doctrine voyait en ces désavantages un frein sérieux au déploiement de ces moyens de lutte sociale. L'intérêt de l'action de groupe réside donc dans le fait que les syndicats ou les associations n'auraient pas à attendre l'accord du salarié pour pouvoir amorcer une action qui porte atteinte à l'intérêt collectif. Ces salariés sont dispensés de s'identifier au stade précoce de l'introduction de l'action. Il s'agit d'un avantage considérable par rapport à l'action dans l'intérêt collectif. « L'action de groupe marque un point : elle peut être engagée sans qu'il soit nécessaire de connaitre les victimes qui pourront par la

436 Majorie Champeaux, « La première action de groupe devant le TGI de Paris », préc, p.5

437 Les actions dans l'intérêt collectif « ne peuvent pas permettre de reconnaitre directement des droits aux profits des salariés victimes sans que ceux-ci engagent à leurs tour un litige ou soient partie personnellement à l'action » : F.Guiomard et I.Meftah, Entre égalité de traitement et harcèlement, quel fondement juridique de la discrimination syndicale ? Etat des lieux et analyse du contentieux entre 2012 et 2014, Travail et emploi n°145, 2016.p76 et 77.

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suite se prévaloir du jugement constatant la discrimination collective »438. Le mécanisme de l'action de groupe permet ainsi aux salariés d'opter pour être dans le groupe (système d'opt-in) et d'être indemnisés en conséquence. Cette « adhésion (du salarié) au groupe vaut mandat tacite »439 au syndicat. Les actions de groupes permettent donc de combiner les faveurs accordées aux actions collectives avec celles accordés aux actions individuelles compte tenu des mesures décidées par le magistrat.

L'avantage financier et probatoire : D'abord, dans l'action de groupe « Tous les recours sont regroupés dans une seule procédure ... Cette procédure allégée niveau formalités permet de mutualiser les couts, ce qui incite les requérants de se joindre, même pour un faible préjudice, sans crainte de perte financière au final ».440

Ensuite, la preuve d'une discrimination est bien souvent difficile à rapporter surtout pour un salarié qui n'a pas toujours accès aux documents de l'entreprise. La chambre sociale et criminelle est assez exigeante441, en temps normal, à propos de l'accès des salariés aux documents appartenant à l'entreprise442 ; C'est pourquoi, en matière de discrimination, un régime de preuve « aménagée » voir partagée avait été mis en place. Le salarié va apporter en effet devant le juge des éléments de nature à laisser penser que l'employeur a commis une discrimination, et il reviendra à l'employeur de prouver qu'il n'a pas commis de discrimination. Et donc, l'intérêt de l'action de groupe c'est de permettre justement au groupe de salariés d'entrer en possession d'un plus grand nombre de moyen de preuve. Le syndicat représentatif ou les associations agréées titulaires de cette action, pourront accéder à un certain nombre de documents et d'informations qui concernent l'entreprise par le biais des institutions représentatives du personnel. Ils peuvent également avoir recours à une expertise. L'avantage de l'action de groupe réside alors dans une sorte de « mutualisation » des efforts probatoires afin de rendre l'action plus efficace. C'est un autre point de plus pour l'action de groupe. L'exemple typique c'est le fait que « La CGT s'est appuyée sur la fameuse méthode Clerc443 qui a fait ses preuves devant les

438 Odile Levannier-Gouel, préc, p 2.

439 Action de groupe : ce qui est déjà possible aujourd'hui, Service juridique CFDT, publié le 12.06.2013.

440 Action de groupe : ce qui est déjà possible aujourd'hui, Service juridique CFDT, publié le 12/06/2013.

441 Il faut que le salarié ait eu connaissance de ces documents à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Et, il faut aussi que ces documents soient indispensables à l'exercice des droits de la défense.

Or il peut être difficile pour un salarié qui tente d'appréhender de tels documents d'évaluer, sur le moment, à quel point telle ou telle pièces seraient utiles dans le cadre de sa procédure. Si le salarié ne respecte pas ces conditions, il risque d'être condamné pour vol.

442 Cass. Soc. 2 déc. 1998 n°96-44.258.

443 « Panel » ou « preuve statique », La méthode est basée sur des panels de comparaison constitués de salariés entrés dans l'entreprise en situation comparable. Ces panels sont construits à partir d'un triptyque : analyse des faits, modélisation et comparaison : F.Guiomard et I.Meftah, préc.p.77.

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tribunaux ».444 En effet, le syndicat, qui a les moyens financiers, juridiques et humains de rassembler ces preuves, va les collecter en faveur du groupe de salariés victimes pour les présenter plus tard dans le cadre de l'action de groupe.

Les salariés ont d'ailleurs la possibilité de tirer parti des preuves ainsi récoltées et les utiliser ensuite au profit de l'action individuelle qu'ils introduiront en parallèle. Une fois la discrimination reconnue au niveau du groupe, il sera plus facile d'aller individuellement devant le juge. Il apparaîtra alors évident au juge que le salarié a subi une discrimination individuelle. Le salarié n'aura simplement qu'à présenter le dossier des preuves préalablement constitué lors de l'action de groupe pour être indemnisé, puisqu'une discrimination aura déjà été reconnue. Ce qui pourrait être intéressant aussi c'est que cela pourrait entraîner des actions individuelles successives. C'est-à-dire que tous les salariés de l'action de groupe pourront individuellement, aller en justice pour se faire reconnaitre la discrimination et donc se faire réparer, ce qui pourrait, au final et à long terme couter plus cher à l'employeur. En définitive, cette action « présente de nombreux avantages pour les victimes, psychologique, financiers, médiatique et judiciaire ». 445 « Les syndicats fournissent ici un appui à la fois matériel et symbolique, qui facilite l'accès à la justice pour les salariés ».446

L'avantage en matière de cessation de l'illicite : L'action de groupe a quand même un avantage concurrentiel par rapport à l'action dans l'intérêt collectif notamment en matière de cessation du manquement. Les demandes faites par la défense pour obtenir des mesures collectives très pratiques en matière de défense de l'intérêt collectif sont révolutionnaires. « Pour la première fois (dans l'affaire Safran précitée), le juge va pouvoir examiner les causes de discriminations et, surtout, contraindre l'employeur à modifier ses pratiques managériales si la discrimination collective est reconnue ».447 Ce genre de demandes, auraient échoué s'il était présenté dans le cadre de l'action dans l'intérêt collectif. En témoigne l'arrêt du 10 février 2016 précité. « A ce stade, un outil peut s'avérer utile : l'astreinte avec liquidation au profit du trésor public, et non au profit du syndicat demandeur. Une nuance qui pourrait favoriser des astreintes élevées de la part du juge ».448 Rappelons au passage qu'en droit de la procédure, l'injonction (généralement sous astreinte) donne la possibilité au requérant de demander en cas de son inobservation à ce que l'astreinte soit liquidée par le juge. Le juge judiciaire a un pouvoir d'appréciation sur sa liquidation et sur son montant quand bien même, c'est lui qu'il l'a fixé

444 Majorie Champeaux, préc. p.1

445 L-G. Tin, M. T. Allal et S. Lemaire, note de synthèse préc.

446 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9, 2016, Varia n°20.

447 Majorie Champeaux, « La première action de groupe devant le TGI de Paris » semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril 2018.p3

448 Myriam El Yacoubi, Semaine sociale Lamy, n°1771,29 mai 2017, La première action de groupe est lancée p 2.

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préalablement. L'examen de certaines actions de groupe pendantes permet de déceler une manière intéressante de rédiger les demandes. Par exemple « Les demandes formulées par la CGT sont ainsi regroupées en quatre catégories »449 ; D'abord, une injonction générale à l'entreprise d'éponger et de remédier au mieux à toute discrimination. Ensuite, des injonctions plus précises d'élaborer des processus adaptés afin de stopper les manquements.

Le cas échéant, une demande d'élaboration par l'entreprise d'un indicateur partagé.

Enfin une demande pour contraindre l'entreprise à prendre des mesures préventives et pratiques. « Pour permettre la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le manquement, le juge peut désigner un tiers choisi parmi tous professionnel justifiant d'une compétence dans le domaine considéré ».450

Ces demandes concrètes imaginées par la défense pour faire cesser la situation illicite donne à l'action de groupe un réel avantage concurrentiel par rapport à la classique action dans l'intérêt collectif

L'avantage médiatique : La pression médiatique est d'abord un point extrêmement important en matière judiciaires, notamment dans le cadre de l'action de groupe.

Contrairement à l'action dans l'intérêt collectif où la médiatisation du litige n'est pas très développée, l'action de groupe semble avoir la capacité de tirer avantage de cet élément inscrit déjà dans son ADN. La médiatisation de l'affaire peut être utilisée, efficacement, par les syndicats comme un instrument de pression face à l'auteur de la discrimination. Ce que l'on constate dans les actions de groupe qui ont été menées jusqu'à présent, c'est que les syndicats ont à chaque fois convoqué la presse. L'effet de surprise est déstabilisant presque à tous les coups pour un syndicat soucieux de son image. Il y'a souvent un côté infamant pour l'employeur, de se voir reconnaitre par l'opinion publique une discrimination. Le fait que cela concerne un groupe, va faire beaucoup plus de bruit qu'un cas isolé. La capacité de mobiliser l'opinion publique contre l'employeur et autour d'une question sensible, donne beaucoup de force à cette action. Du coup cela pourrait avoir plus de conséquences néfastes sur l'entreprise tel que par exemple le boycott de ses produits, l'altération de son image, d'éventuelles pertes financières en raison de la perte de clientèle. Chose que cette dernière redoute plus qu'une peine civile. Certains syndicats, notamment la CGT, ont vu en cette pression médiatique l'opportunité de faire pression sur l'employeur et de se positionner favorablement pendant les négociations. On retrouve lors de la négociation précontentieuse cette idée de « l'épée de Damoclès » qui menace l'employeur. Cette posture à la fois menaçante et intimidante permet d'égaliser les rapports de forces.

449 Majorie Champeaux, « La première action de groupe devant le TGI de Paris » semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril 2018.p4

450 Myriam El Yacoubi, Semaine sociale Lamy, n°1771,29 mai 2017, La première action de groupe est lancée p3.

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L'utilisation du verbe « égaliser » part du postulat que dans une négociation collective classique l'employeur est plus souvent en position de force. L'employeur serait ainsi, en principe, plus disposé à négocier de bonne foi, avec en principe une réelle volonté de faire cesser la discrimination et à mettre en place des mesures de prévention concrètes.

L'avantage en matière de discrimination systémique : Le droit de la non-discrimination s'est construit en France autour d'actions individuelles. Or une discrimination n'est pas seulement un fait d'individu à individu, mais peut s'inscrire aussi dans un système. Les nouvelles discriminations comme celle basées sur l'âge ou le sexe ou l'appartenance sont difficiles à débusquer même avec les notions de discriminations directes ou indirectes. Cette insaisissabilité a poussé à « réfléchir sur à une autre grille de lecture, celle des discriminations systémiques » 451. Cette notion, ignorée jusque-là en droit français a été définie par plusieurs auteurs452. Il y'a souvent en ces définition une sorte de référence à l'absence d'intentionnalité. En vérité on devrait s'interroger s'il y'a vraiment des discriminations non intentionnelles et dans ce cas, est ce qu'on peut parler de discrimination systémique. L'adjectif « Systémiques » serait en référence au « système » mais aussi et dans une certaine mesure à la systématique.

Le terme systémique devrait surtout être compris comme systématique plutôt que comme faisant référence à un système. La référence à un système renvoi pour-autant à une sorte de flou, de vague et d'absence d'intention en fait. Il y'a effectivement des discriminations qui ne sont pas formalisés comme telles et qui sont parfois pratiqués sans même qu'on s'en rende compte. En réalité on devrait tout simplement partir de l'idée qu'on peut sanctionner une discrimination sans même rechercher l'intention. Le contre-exemple est cependant révélateur, lorsqu' on s'aperçoit par exemple que toutes les femmes d'une entreprise sont moins bien payées que les hommes. Le comportement de l'employeur découlerait des stéréotypes de genre qu'il aura intégré lui-même dans sa façon de penser et d'agir. Dans cette situation, il faudrait une action permettant de prendre en compte ces femmes comme un groupe pour faire cesser la discrimination. C'est tout l'intérêt de manier cette notion. Notion qui échappe à l'action dans l'intérêt collectif et qui peut constituer un avantage concurrentiel pour l'action

451 Marie Mercat-Bruns, L'identification de la discrimination systémique, RDT novembre 2015. p. 672

452 Laurence Pécaut-Rivolier propose une définition dans son rapport sur les discriminations collectives : « la discrimination systémique est une discrimination qui relève d'un système, c'est-à-dire d'un ordre établi provenant de pratiques, volontaires ou non, neutres en apparence, mais qui donne lieu à des écarts de rémunération ou d'évolution de carrière entre une catégorie de personnes et une autre. Cette discrimination systémique conjugue quatre facteurs : les stéréotypes et préjugés sociaux ; la ségrégation professionnelle dans la répartition des emplois entre catégories ; la sous-évaluation de certains emplois ; la recherche de la rentabilité économique à court terme. La particularité de la discrimination systémique étant qu'elle n'est pas nécessairement consciente de la part de celui qui l'opère. A fortiori, elle n'est pas nécessairement décelable sans un examen approfondi des situations par catégories », Rapp. L. Pécaut-Rivolier, Lutter contre les discriminations au travail : un défi collectif, 17 déc. 2013, p. 27.

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de groupe. Cet intérêt collectif, de vouloir combattre « des combinaisons de désavantages liés à des pratiques, des institutions ou des structures sociales »453 a rendu une partie de la doctrine progressiste un peu plus nuancée aujourd'hui au sujet de l'action de groupe. Une position que je rejoins quand on examine de près certaines actions de groupe tel est le cas de l'affaire Safran en matière de discriminations syndicale. « Il est difficile, sans action de groupe, de monter l'ampleur de ces phénomènes ... Dans ce cas une action transversale ... peut révéler ces pratiques récurrentes plus subtiles ».454 Cette nouvelle action a pour intérêt donc de définir un groupe de lésés, identifiables, par le biais de critères de rattachements autres que le critère prohibé commun de discrimination.

Le temps de la négociation : La culture grandissante du règlement amiable des différends a influencé le mécanisme d'action de groupe. En effet, l'article L. 1134-9 du code du travail impose au demandeur, avant d'intenter toute action, une mise en demeure qui initie une période de six mois pendant laquelle va s'engager une période obligatoire de « discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée ». Cette période retarde le recours au contentieux. Ce passage par la case du dialogue a été critiqué. « Certains y voient un signe des temps et de la méfiance à l'égard du juge qui les caractérise ». 455 Ce basculement relève d'une volonté « d'éviter toute judiciarisation inutile ».456Cette croyance en la force de la discussion et son pouvoir de changer les choses a séduit plus qu'une confédération. La CGT457 par exemple semble, être plutôt favorable à la phase précontentieuse de l'action de groupe.

Selon les syndicalistes, elle serait un instrument qui permet de favoriser le dialogue social, avec cette idée que ce n'est pas le juge qui permet d'appliquer au mieux les garanties du droit du travail, mais ce sont les syndicats, par le rapport de force. Le juge ne serait pas vraiment utilisé ici pour sa fonction de juger mais pour la menace qu'il représente pour l'employeur, qui ne serait plus en position de refuser de négocier ou de refuser des avantages au cours de la négociation. Ce discours est justifié aussi par François Clerc, pour qui le but est finalement « de forcer au dialogue car les employeurs sont toujours dans le déni ».458 Ce qui est confirmé dans la plupart des affaires récentes.

453 A. Mc Colgan, Discrimination, Equality and the law, Hart, 2014, p 33

454 Marie Mercat-Bruns, L'identification de la discrimination systémique, RDT novembre 2015. p. 673

455 Patrice Adam, « l'action de groupe, sur l'audace d'une réforme majeure », Droit social N°7/8 - juillet -aout 2017 p 638 et s

456 L'exposé de motif de la loi de justice du XX siècle.

457 « C'est dans le cadre du dialogue social en instituant des outils de diagnostic et de prévention, des indicateurs partagés avec les représentants des salariés que l'on parviendra à terme à se prémunir contre ce genre de dérives » Propos tenus lors de la conférence de presse du 23 mai 2017 relative à l'action de groupe Safran Aircraft Engines.

458 Liaison soc. L'actualité n°17334, section Acteurs, débat, évènements, 29 mai 2017.

En fait, les employeurs ont systématiquement refusé de négocier lors de la phase de conciliation. Ce qui a valu à cette phase latente le qualificatif de « dialogue de sourds »459. Cette class action à la française permet en même temps aussi aux employeurs de négocier après la déclaration de culpabilité pour un règlement global du procès. Dès lors, il est possible de se demander quelle sera la nature de la négociation précontentieuse et de l'accord conclu avec la direction à ce moment-là ? S'agit-il d'un véritable accord collectif de travail au sens juridique du terme ou d'un simple engagement de la part de l'employeur ? La loi reste floue à ce sujet et aucune des actions engagées au titre de l'action de groupe n'a permis de répondre à cette question dans la mesure où aucune phase précontentieuse n'a abouti, Il n'a jamais eu d'accords à notre connaissance.

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459 Majorie Champeaux, semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril 2018.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle