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L'action dans l'intérêt collectif de la profession.


par Slim Affes
Paris Nanterre - UFR Droit Social - Master 2 droit social et relations professionnelles 2020
  

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Paragraphe 2 : L'exclusion de certaines infractions de droit pénal des affaires

Ce sont pour la plupart « des délits économique ou financiers commis par la société ou ses dirigeants devant les juridictions répressives ».345

La jurisprudence de la chambre criminelle a tendance à déclarer irrecevable la constitution de partie de civile du syndicat de ce type de délits de droit pénal des affaires.

A titre d'exemple, la chambre criminelle a déclaré la constitution de partie civile d'un syndicat irrecevable afin de poursuivre des délits d'« Abus de bien social, abus de confiance, escroquerie, recel, la présentation de comptes inexacts, distribution de dividendes fictifs (et) le trafic d'influence »346, les « détournements de fond et la prise illégale d'intérêt »347.

Pour la chambre criminelle, il n'y a pas de différences entre le préjudice porté « indirectement » à l'intérêt collectif de la profession et le préjudice subi par les salariés du fait de l'infraction.348 Et pourtant la distinction entre les deux catégories de préjudices est évidente.

Plusieurs critiques ; D'abord l'intérêt collectif dépasse les simples intérêts individuels de salariés additionnés. Cette nuance est pourtant admise par la cour depuis très longtemps. Ensuite, ce raisonnement comporte une perception très caractéristique du statut des travailleurs au sein de l'entreprise. Un statut marginalisé, dans une société de plus en plus conçue sur un modèle patronal qui isole le salarié et le réduit à un simple élément externe.349

341 Crim, 11 oct. 2005 n°05-82.414 Vs Crim 1er sept 2010, n°10-80.577

342 Voir nos développements infra dans la sous-section 2 de la première partie.

343 Par contre l'assassinat d'un chauffeur de taxi n'implique pas une atteinte à l'intérêt collectif de la profession Crim.29 oct.1969, Bull. crim, n°274. (39)

344 Crim, 11 oct. 2005 n°05-82.414 Vs Crim 1er sept 2010, n°10-80.577 (40)

345 Fréderic Guiomard, Droit Social, préc, p.134

346 Cyril Wolmark, préc, P.632

347 Frederic Guiomard, préc, p.134

348 Crim, 23 févr.2005, n°04-83.792, Dr, soc, 2005.588, obs.F.Duquense et Crim, 27 oct.1999, n°98-85.213, Bull. Crim, n°236, Rev.Sociétés 2000.364, Note. B.Bouloc

349 B.Hatchuel et B.Segrestin, Refonder l'entreprise, Seuil, 2012.

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Cette conception nous choque particulièrement. Elle heurte aussi le droit constitutionnel 350 en faisant barrage à la participation de tout travailleur par l'intermédiaire de ses représentants à la « gestion des entreprises » 351.

Elle opère malencontreusement une dislocation maniérée entre le travail et le capital.

Du reste, La jurisprudence de la chambre criminelle nous parait infondée parce que les termes de l'article 2132-3 C.T sont clairement indifférents à la catégorie des infractions qui porteraient atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

Le champ de recevabilité est normalement plus ouvert par rapport aux associations parce que les dispositions de l'article 2-1 et suivant du CPP enferment la constitution de ces associations de grandes causes dans une liste limitatives d'infraction recevables.

Cette logique qui exclut une catégorie spécifique de délit du champ de la recevabilité de la partie civile est susceptible de freiner aujourd'hui l'action dans l'intérêt collectif de la profession.

Du reste, le mouvement n'est pas si net qu'il n'y parait. En effet dans une affaire ou la recherche de culpabilité du dirigeant était basée sur l'infraction de prise illégale d'intérêts, l'action dans l'intérêt collectif a été jugée recevable puisqu'il était question dans l'espèce d'une atteinte au même temps aux lois morales de la profession.

La doctrine voit dans la continuité de cette orientation jurisprudentielle une potentielle « brèche »352 à la recevabilité de l'action d'intérêt collectif.

Plusieurs justifications à cette exclusion : Le professeur Cyril Wolmark estime pour sa part que les nuances de la jurisprudence pourraient provenir de la nature de l'infraction et de la victime de ces infractions.353

On pense de notre côté que « l'image de la profession » l'a emporté dans cette affaire (de prise illégale d'intérêts) sur la nature économique de cette infraction puisque sa « gravité et son inédit » étaient capables d'irradier toute la profession.

Il nous semble qu'en dépit de ce raisonnement, l'exclusion de ces délits économiques et financiers relève d'une conviction jurisprudentielle consistant à conserver le recours en justice aux seuls

350 L'alinéa 8 du préambule de la constitution de 1946

351 Cyril Wolmark, préc, p.633

352 Cyril Wolmark, préc, p.633

353 Cyril Wolmark, préc, P.632 et 633

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détenteurs du capital, « seuls » légitimes et capables d'apprécier l'atteinte à l'intérêt social (de l'entreprise).

Si on nous oppose le fait que l'intérêt de l'entreprise est différent de l'intérêt collectif, nous pourrons répliquer en disant que cette irrecevabilité est motivée peut-être par la volonté d'empêcher toute concurrence entre l'action syndicale et l'action At-singuli ou at-universi354 qu'un associé ou un dirigeant peuvent engager contre le dirigeant responsable.

En d'autres termes, il semblerait qu'on veuille bien tenir les soucis pénaux de l'entreprise (économiques et sociaux) hors de la portée des syndicats.

Cette tendance s'inscrit aussi à notre avis selon dans le cadre d'un mouvement global initié à partir des années 2008 visant à « dépénaliser le droit des affaires ».355

De la réalité du préjudice subi par les l'intérêt collectif : Dans ces affaires, il est vrai que les associés et les dirigeants sont perdants. Mais réellement, les plus grands perdants ce sont les salariés de l'entreprise. D'abord parce qu'ils ne vont pas faire de réclamation de salaire, ensuite parce que la société pourrait être liquidée et enfin parce qu'ils pourraient perdre leurs emplois. Donc il y'a milles et une raisons pour lesquelles les salariés sont directement impactés par ce type d'infractions.

Prenons le cas par exemple des abus de marché public ; les conséquences dramatiques de ces agissements sur l'entreprise ne laisseraient aucun doute. L'entreprise ne peut souvent plus candidater aux marchés publics, sa politique commerciale et ses capacités de gain seront amoindris. Son pronostic vital sera engagé et les salariés pourraient alors voir leurs emplois par conséquence menacés voir supprimés.

Cette jurisprudence est donc très rétrograde. On ne le répétera jamais assez ; la société n'est pas composée uniquement de dirigeants ou d'actionnaires. Elle est également composée de salariés qui devraient en principe participer à sa gestion. Ignorer leur intérêt collectif, serait malheureux.

Le débat de savoir qui fait partie de l'entreprise ou pas a refait surface au moment de la loi Pacte du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

354 L'action « ut universi » est l'action en responsabilité engagée par les dirigeants eux-mêmes par contre l'action « ut singuli » est dirigée par l'un des associés de la société.

355 Rapport Coulon sur la dépénalisation du droit des affaires, Groupe de travail présidé par Jean-Marie Coulon, Janvier 2008

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Un rapport ultérieur à cette loi intitulé « L'entreprise, objet d'intérêt collectif » a recommandé d'inscrire dans cette loi que « La société doit être gérée dans son intérêt propre356, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » en assurant, entre autres, « la reconnaissance des travailleurs »357. Le nouvel article 1833 du code civil (modifié par la loi PACTE) a retenu dans son deuxième alinéa que « La société est gérée dans son intérêt social ». Rapporté au contentieux de l'article 2132-3 C.T, ce bout de phrase pourrait fonder la recevabilité de la constitution de partie civile des syndicats afin d'en poursuivre les délits économiques ou financiers exclus par la cour de cassation.

Cette loi peut être « une note d'espoir ... dans le sens d'une plus grande démocratie »358 comme elle peut être une subtilité pour « redorer le blason de la grande entreprise, parce que c'est là que l'on déplore les dérives les plus médiatisées »359 du droit de travail.

Notre réalisme nous pousse à pencher pour la deuxième alternative tout en encourageant les syndicats de travailleurs à exploiter le potentiel de ce « bout » d'espoir.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote