Deuxième partie : Une expansion
freinée
Malgré un encadrement légal accommodant et une
pratique judiciaire assez ouverte, l'action dans l'intérêt
collectif peine aujourd'hui à trouver l'espace nécessaire pour
s'étendre. Son développement est contrarié par plusieurs
facteurs. Sa limitation tient d'abord à un ensemble de contraintes
matérielles tels que la complexité d'accès aux moyens de
preuve, des frais dissuasifs de justice, un grand risque de rétorsion
ainsi qu'une lourdeur procédurale relativement handicapante.
Sans méconnaitre ces éléments, il est
important de se concentrer sur les inhibitions récentes et proprement
légales pour étayer notre propos. « La jurisprudence
récente de la cour de cassation »310, les mutations
forcées infligées au périmètre du collectif par de
nouvelles articulations, la concurrence croissante avec des acteurs qui
jusque-là n'étaient pas très actifs, la faiblesse du
rayonnement de l'action sur l'individu, l'envie politique de désamorcer
le conflit, ces éléments ont tous eu raison de l'action dans
l'intérêt collectif.
Pour synthétiser, on peut dire que l'action dans
l'intérêt collectif est freinée d'abord parce qu'on
retrouve des hypothèses récentes d'action irrecevables en
crête des actions traditionnellement recevables (Section 1).
L'action est freinée aussi parce qu'elle est mise en
interaction abrasive avec d'autres catégories d'action et d'autres
acteurs qui commencent sérieusement à la rivaliser de
manière de plus en plus efficace (section 2)
Section 1 : Les actions irrecevables
Ce qu'il faut remarquer de prime abord à propos de ces
actions irrecevables c'est que la jurisprudence en la matière n'observe
pas une ligne de conduite claire. Le mouvement qu'on va décrire n'est
pas si net qu'il n'y parait.
Nous allons aborder dans une première sous-section les
hypothèses dans lesquelles l'action, malgré un versant collectif
prononcé impactant l'intérêt de la profession, est exclue
par la jurisprudence (sous-section 1) et dans une deuxième sous-section
nous allons nous intéresser aux cas récents d'exclusions de
certaine infraction pénales (sous-section 2).
310 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif
- Développements récents. Droit social n°7/8-juillet-Aout
2017. P.631
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Sous-section 1 : L'exclusion de certaines actions à
versant collectif
Le débordement de l'intérêt collectif sur
l'ensemble des intérêts individuels pris à part, est admis
depuis la naissance de l'action dans l'intérêt collectif de la
profession en 1913. L'intérêt individuel pourrait, contenir en
substance un aspect très collectivisant.
On peut le considérer comme un «
échantillon » assez représentatif d'une situation ou d'un
ensemble plus grand d'intérêt « collectif » dans lequel
une catégorie professionnelle peut s'y identifier. Cette fonction «
distributive » qui permet de passer du singulier au pluriel en faisant au
passage bénéficier le collectif entier de la pertinence des
intérêts conquis revêt des formes multiples. Elle pourrait
provenir par exemple d'une volonté de généraliser une
question individuelle, jugée de « principe », sur l'ensemble
des salariés et ce dans un but revendicatif et collectivisant.
Elle peut provenir également de l'implication d'un
certain nombre de salariés dans une question en-laquelle se reconnait
une majeure partie du collectif et dont l'écho est assez retentissant :
Une question de portée générale.
L'action dans l'intérêt collectif, bien que
souvent amorcée par une violation d'un droit individuel, elle est
indifférente de ce dernier. Techniquement elle peut exister
indépendamment de l'action du travailleur. Il résulte de ce qui
suit que malgré la rétractation du salarié demandeur
à l'origine, l'action dans l'intérêt collectif subsiste.
Le champ de l'action dans l'intérêt collectif est
encadré par la jurisprudence.
Cet encadrement jurisprudentiel est aujourd'hui plus
serré qu'avant ; en effet, de plus en plus d'actions rattachées
certes au salarié (et qui touchent en même temps
l'intérêt collectif) sont en train d'être exclues par la
jurisprudence (paragraphe 1).
Le contentieux collectif relatif aux prérogatives des
institutions représentatives du personnel semble suivre également
la même tendance (paragraphe 2).
Ce changement subtil de paradigme a des raisons plus ou moins
claires.
Paragraphe 1 : Les actions rattachables au
salarié
Est exclus à la fois le contentieux relatif à la
sphère privée et intime du salarié (sous paragraphe 1)
ainsi que le contentieux subjectif subséquent à la
déclaration de culpabilité de l'employeur (sous paragraphe 2).
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