B.- Une conception critiquée du contrat
d'État
Des critiques qui ont été formulées
à l'endroit des conceptions doctrinales relatives à la question
de l'ordre juridique du contrat d'État, l'on constate que les plus
prolifiques concernent la conception qui prône la théorie du
contrat sans loi. Cette théorie a d'abord subi le courroux de la
jurisprudence avant d'être critiquée par la doctrine avec
véhémence. La théorie du contrat sans loi a
été écartée par la jurisprudence arbitrale à
travers la sentence Aramco de 1958, dans laquelle le tribunal arbitral
a affirmé qu' « un contrat quelconque ne peut exister in vacuo,
mais doit reposer sur un droit »143. Avant cette sentence,
la Cour de cassation française avait déjà relevé
que « tout contrat international est nécessairement
rattaché à la loi d'un État »144.
Dans cette affaire, la société française
de Messageries Maritimes avait émis un emprunt obligataire sous la
garantie de l'État français au Canada, dont le montant
était libellé en dollars canadiens et les intérêts
remboursables en dollars or. En vue d'assurer le service des
intérêts en dollars canadien (et non en dollars or comme convenu),
la société des Messageries Maritimes va se fonder sur le Gold
Clause (acte qui interdisait les clauses or pour tout contrat régi par
la loi canadienne). Saisi par les porteurs, le Tribunal de la Seine adopta la
thèse de l'incorporation et donna gain de cause à ces derniers.
Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel
de Paris mais écartée par la Cour de Cassation qui a
adopté un autre
143 Sent. Ad hoc, 23 Août 1958, Aramco c. Gouv.
de l'Arabie Saoudite, Rev. crit. DIP, 1963. 272. Spéc. p.312. Voir sur
cette affaire, H. BATTIFOL, « La sentence Aramco et le droit
international privé », Rev. crit. DIP 1964, p. 653.
144 Cass. civ., 12 juin 1950, Affaire des Messageries Maritimes,
D.1951.749, note Hamel.
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l'aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA
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raisonnement en déclarant que tout contrat
international est nécessairement rattaché à une loi
étatique145.
Ce rejet catégorique de la théorie du contrat
sans loi par la jurisprudence aussi bien étatique qu'arbitrale met en
lumière le fait qu'une volonté individuelle ne peut exister en
dehors d'une norme étatique. C'est pourquoi, un auteur a pu relever que
même si la quasi-totalité des législations internationales
reconnaissent aux parties à un contrat international la liberté
de modeler le contrat selon leur convenance, et la liberté de choisir la
loi qui va régir leur convention, une telle liberté « ne
doit pas aboutir à pouvoir créer un acte juridique dans un vide
législatif »146.
La conception d'un contrat d'État appartenant à
un ordre juridique distinct des droits nationaux et du droit international
public, appelé « droit transnational », n'est pas
également exempte de critiques car les règles et principes qui
sont supposés constitués un tel ordre juridique sont
difficilement appréhensibles, voire insaisissables. Si les règles
et principes qui composent ce fameux « droit transnational » ne sont
fournis ni par les droits nationaux, ni par le droit international public, cela
revient à dire qu'ils proviennent du néant. Or, l'on ne saurait
aucunement admettre qu'un ordre juridique puisse exister ex-nihilo.
Ainsi, ce « droit transnational » semble dénué de tout
réalisme et est en déphasage avec la notion classique de droit
transnational dans laquelle on range « toutes les règles qui ne
sont pas tirées d'un seul ordre juridique étatique mais qui sont
dégagées soit de la comparaison des droits nationaux, soit
directement de sources internationales telles que les conventions
internationales, en vigueur ou non, ou la jurisprudence des tribunaux
internationaux »147. Les difficultés
soulevées par le contrat d'État notamment en ce qui concerne son
ordre juridique, ont fait éclore une volonté d'internationaliser
ce contrat.
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