§2 : Un contrat internationalisé
Nous présenterons successivement la thèse de
l'internationalisation du contrat d'État (A) et les critiques faites
à la thèse de l'internationalisation du contrat d'État
(B).
145B. ARFAOUI épouse BEN MOULDI,
L'interprétation arbitrale du contrat de commerce
international, thèse précitée, p. 27.
146 Op.cit. p. 26.
147 E. GAILLARD, « la distinction des principes
généraux du droit et des usages du commerce international »,
in études offertes à Pierre Bellet, 1991, p. 203.
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A.- La thèse de l'internationalisation du
contrat d'État
L'internationalisation du contrat d'État renvoie
à la volonté de le hisser selon des modalités variables au
rang du droit international public. Ainsi, on estime que les parties à
un contrat d'État ont la possibilité de le soumettre au droit
international public soit directement, soit par l'intermédiaire des
principes généraux du droit, et plusieurs modalités
existent à cet effet. Au titre de ces modalités, il y a celle qui
consiste à assimiler le contrat d'État à un traité
international, celle qui consiste à reconnaitre la personnalité
internationale à la partie privée et celle qui consiste à
considérer le droit international comme ordre juridique de base dans
lequel le contrat d'État puise sa validité.
La première approche de l'internationalisation des
contrats d'État, considérée par certains auteurs comme
« archaïque »148, est celle qui a prôné
une assimilation de ces contrats à des traités,
c'est-à-dire à des accords parfaitement identiques à ceux
que concluent les États entre eux149. Dans cette optique, des
auteurs comme M. Bockstiegel particulièrement pensent que certains
critères peuvent faire voir dans les contrats d'État des accords
qui relèvent par nature du droit international public conventionnel. Ces
critères sont la conclusion selon la procédure et la forme des
traités par des organes étatiques habilités à cet
effet, l'engagement de l'État à ne pas prendre des mesures ayant
pour effet de modifier le droit applicable, la soumission des litiges
éventuels à un tribunal arbitral international,
l'internationalisation du contrat par une clause de référence
à un système autre que le droit interne de l'État
contractant150. Pour pallier le fait que les personnes
privées sont dépourvues de la qualité de sujet de droit
international (élément essentiel à l'effectivité de
cette théorie), ces auteurs proposent qu'on leurs attribuent « une
personnalité internationale limitée ».
À côté de cette assimilation totale du
contrat d'État à un traité, il existe d'une
manière
moins radicale un courant qui prône une assimilation
partielle consistant à rattacher les contrats d'État au droit
international public sans les assimiler pleinement à des
traités151.
148 M. AUDIT et alii, op. cit., p. 201.
149 Voir W. WENGLER, « Les accords entre Etats et
entreprises étrangères sont-ils des traités de droit
international ? », RGDIP 1972, pp. 313-345.
150 Cité par N. R. TAFOTIE YOUMSI, L'encadrement
contractuel des investissements (grands projets), mémoire de DEA,
Université Libre de Bruxelles, 2005, p. 25.
151 Voy. dans ce sens J. A. BARRERIS, « La
personnalité juridique internationale », RCADI 1983, vol.
179, p. 205. C. LEBEN, « Retour sur la notion de contrat d'Etat et sur le
droit applicable à celui-ci », in Mélanges H.
Thierry, Pedone, 1998, pp. 247-280. Du même auteur, « Quelques
réflexions théoriques à propos des contrats d'Etat »,
in Mélanges Ph. Kahn, Litec, 2000, pp. 119-175.
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Cependant pour retenir une telle analyse, il faut
établir le lien exact entre les contrats d'État et le droit
international public. Pour cela plusieurs approches ont été
proposées. Premièrement, il y a l'approche selon laquelle, le
lien unissant les accords entre États et investisseurs étrangers
a pu se traduire par l'existence d'un régime juridique au sein de ce
droit qui leur serait entièrement dédié que l'on a
appelé le « droit international des contrats »152.
Ce nouveau corps de règles serait une nouvelle branche du droit
international public, régissant les contrats d'État avec
toutefois, des règles différentes du droit des traités, et
principalement dégagées par la pratique arbitrale. La
jurisprudence arbitrale a consacré ce corpus normatif dans son principe
à travers certaines sentences telles que celle qui fut prononcée
en 1977 dans l'affaire Texaco Calasiatic153.
Deuxièmement une autre approche sous-tend que
l'internationalisation du contrat d'État se manifesterait par
l'enracinement de ce type de conventions dans le droit international public
pris en qualité d'ordre juridique de base ou
Grundlegung154. Dans ce postulat, au moins une partie des
contrats d'État serait fondamentalement assujettie au droit
international public. Un tel assujettissement permettrait aux parties
contractantes, de procéder à un libre choix du droit applicable,
qui peut être aussi bien un droit national qu'un autre système
normatif comme la lex mercatoria ou le droit international public
lui-même. Par conséquent, cette possibilité
s'apprécierait au regard dudit ordre juridique de base.
S'agissant de l'internationalisation du contrat d'État
par la reconnaissance d'une personnalité internationale à
l'entreprise étrangère, les auteurs qui la soutienne
considèrent que « si l'on reconnaît à la personne
privée la double faculté de conclure des contrats soumis au droit
international et de demander en justice la sanction de la violation desdits
contrats, cette double faculté dont les personnes privées
jouissent conduit à leur reconnaître, dans l'ordre international,
une capacité limitée. Cette reconnaissance ne pourrait certes pas
transformer la personne privée en sujet de droit à pleine
compétence, mais cette compétence serait acquise dès lors
que les parties seraient convenues de soumettre leur contrat au droit
international public »155. Ce raisonnement a
été retenu dans la sentence Texaco Calasiatic aux
152 Voy. dans ce sens P. WEIL, « Un nouveau champ
d'influence pour le droit administratif français : le droit
international des contrats », EDCE 1970, pp.13-25. J. VERHOEVEN, «
Droit international des contrats et droit des gens », RBDI
1978-79, pp. 207-230.
153 Sent. ad hoc, 19 janvier 1977, Texaco Overseas
Petroliums Company et California Asiatic Oil Company (Texaco
Calasiatic) c. Lybie, JDI 1977, p. 319-349. Voy. aussi B. STERN, Rev. arb.
1980, pp. 3-43.
154 P. WEIL, « Droit international et contrat d'Etat »,
in Mélanges Reuter, Pedone 1981, pp.549-582.
155 Cité par N. R. TAFOTIE YOUMSI, op. cit. p. 27.
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termes de laquelle il ressort que « (...)
Déclarer qu'un contrat entre un État et une personne
privée se situe dans l'ordre juridique international signifie qu'aux
fins de l'interprétation et de l'exécution du contrat, il
convient de reconnaître au cocontractant privé des
capacités internationales spécifiques. Mais, à la
différence de l'État, la personne privée n'a qu'une
capacité limitée et sa qualité de sujet de droit
international ne lui permet que de faire valoir, dans le champ du droit
international, les droits qu'elle tient du contrat
»156.
Relativement à l'intérêt qu'il y a
à internationaliser le contrat d'État, c'est-à-dire
à le placer sous l'emprise du droit international public, il faut
souligner que cela se justifie par le fait que ce système juridique
présente l'avantage de traiter ces sujets sur un même pied.
Dès lors, le rattachement du contrat d'État à cet ordre
juridique, entrainerait un renoncement par l'État à ses
prérogatives souveraines à l'égard de son cocontractant
personne privée, traitant avec lui sur un pied d'égalité.
La thèse de l'internationalisation du contrat d'État dans toutes
ses composantes à fait l'objet de critiques acerbes.
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