Les aspects contractuels des investissements internationaux à l'aune du droit international et du droit burkinabè.par Abdoul-Rachidi TAPSOBA Université Aube Nouvelle - Master en droit des affaires internationales 0000 |
B.- Un contrat réducteur de la liberté contractuelle par son caractère imposé et partiellement négociéDans la pratique du contrat d'investissement, les clauses de ce contrat ne sont pas toujours négociées entre l'État hôte des investissements et son cocontractant. En effet, l'État d'accueil des investissements impose souvent et est même parfois tenu d'imposer des conventions-types ou la référence à des clauses résultant de cahier type tel que le cahier des 127 Ibid. 128 M. K. TAÏMOUR, « La conception du contrat clé en main et son application dans le système égyptien », Rev. Jur. Poli. Ind. Coop., 42e année, 1988, pp. 386 et s. Les aspects contractuels des investissements internationaux à l?aune du droit international et du droit burkinabé Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 27 charges129. Par exemple en matière d'investissements miniers en droit burkinabè, le code minier de 2015 prescrit la signature de conventions sur la base de modèle-type entre l'État et les investisseurs miniers titulaires respectivement d'un permis d'exploitation industrielle et d'un permis d'exploitation semi-mécanisée130. Ces conventions types sont élaborées par voie réglementaire et revêtent la forme d'un décret d'application du code minier. Cette situation pose un problème en ce qui concerne la véritable nature juridique de ces conventions types car l'on est en droit de se demander si l'on est en présence d'actes administratifs unilatéraux ou s'il s'agit de conventions dignes de ce nom. En raison du fait que ces conventions sont rédigées de manière unilatérale sans prise en compte de la volonté de l'autre partie, on est tenté de dire qu'il s'agit purement et simplement d'actes unilatéraux des États s'imposant aux investisseurs étrangers sauf si l'autre partie à participé à la préparation du modèle-type. Cet état des choses fait du contrat d'investissement une sorte de contrat d'adhésion, c'est-à-dire un contrat dont les clauses sont rédigées à l'avance par une administration donnée de l'État d'accueil et auxquelles l'investisseur étranger adhère sans pouvoir les remettre en cause d'où le caractère imposé. L'imposition résulte donc de l'impossibilité pour l'investisseur étranger de discuter certains éléments du contenu du contrat. Ainsi, il n'est pas rare qu'au moment de la conclusion du contrat, l'État ou l'administration publique partie au contrat, insère dans celui-ci des clauses lui conférant le pouvoir de superviser, de diriger et de contrôler son éventuelle exécution par l'investisseur étranger sans que ce dernier ne puisse manifester sa volonté de se soustraire à un tel pouvoir . Cette attitude de l'État partie au contrat d'investissement que l'on peut qualifier d'ingérence abusive dans les travaux du cocontractant, et sans doute justifier par les intérêts publics en cause, altère fortement la liberté de l'investisseur étranger dans la négociation du contrat d'investissement. Or, la liberté contractuelle aurait voulu que toutes les clauses du contrat d'investissement soient négociées de bout en bout et de manière égale entre les parties. Il ne faut cependant pas dramatiser le sort de l'investisseur étranger car la négociation n'est pas une chose inconnue du contrat d'investissement, même s'il faut relever que son caractère partiel érode la liberté contractuelle. 129 Le cahier des charges est un document générique établi avant le contrat par l'administration contractante ou par une autre personne publique. Sa raison d'être est de déterminer à l'avance les modalités d'exécution de toute une série de contrats. (A. T. BA, Cours de droit administratif, Université Ouaga 2, 2010-2011, p. 114). 130 Article 96 du code minier burkinabè de 2015. Les aspects contractuels des investissements internationaux à l'aune du droit international et du droit burkinabè Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 28 En effet, le contrat d'investissement fait l'objet d'une négociation par l'investisseur étranger mais cette négociation est partielle dans la mesure où c'est seulement certaines clauses qui sont véritablement négociées. Il s'agit notamment des clauses financières (clauses relatives au prix) et toutes les clauses qui sont sans incidence sur le service public et qui ne remettent pas en cause l'intérêt général. On sait bien que l'objectif principal visé par les investisseurs étrangers en concluant un contrat d'investissement est la réalisation de la rentabilité maximale possible. Toutefois, les conditions peu favorables dans lesquelles les investisseurs négocient, concluent et exécutent les contrats d'investissement peuvent paralyser l'atteinte d'un tel objectif. Étant donné que toutes les parties aux contrats d'investissement sont convaincues que ces contrats sont des contrats spéciaux qui touchent des objectifs liés aux besoins économiques et sociaux d'une importance capitale131, il serait intéressant que les États d'accueil des investissements accordent un peu plus de liberté aux investisseurs étrangers dans leurs rapports contractuels en tenant compte de la finalité poursuivie par ces investisseurs car «l'importance de cette finalité doit occuper sa place naturelle. Ce n'est pas parce que les étrangers visent le commerce que leurs intérêts doivent céder devant l'utilité publique ou l'intérêt général. Il faut que la justice soit faite en sauvegardant l'équilibre et la conciliation entre les finalités initiales »132. Le contrat d'investissement doit donc être de moins en moins imposé à l'investisseur étranger par l'État d'accueil et pouvoir être de plus en plus négocié dans les moindres détails afin de garantir une certaine liberté contractuelle. Nous avons tenté dans cette section de relever des éléments du contrat administratif et des éléments du contrat d'investissement qui n'est qu'un contrat d'État ayant pour objet un investissement étranger, dans l'intention de retenir une nature administrative du contrat d'investissement. Toutefois, s'il est clair que ce sont les points communs entre le contrat administratif et le contrat d'investissement qui interpellent, au-delà de ces points communs ce sont les différences qui l'emportent entre ces deux contrats. En effet, il a été relevé que ce qui distingue ces deux types de contrats est que « le contrat administratif se caractérise par la prééminence reconnue à la partie étatique, alors que les contrats dans lesquels la 131 Voy.L. VAN DAT, « Investissements étrangers en B.O.T. », Rev. Int. Dr. Com., 1997, pp. 869 et s. 132 I. R. M. EL-BEHERRY, Théorie des contrats administratifs et marchés publics internationaux, op.cit., p.130. Les aspects contractuels des investissements internationaux à l'aune du droit international et du droit burkinabè Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 29 doctrine reconnaît des contrats d'État, sont marqués par le refus de cette prééminence ou, du moins, par son atténuation. La partie étatique ne bénéficie pas de privilèges exorbitants, au contraire, des clauses contractuelles cherchent à assurer l'égalité juridique de l'État et la personne privée afin de mettre celle-ci à l'abri des revirements de celui-là. On peut citer parmi ces clauses les clauses compromissoires qui font échapper les différends éventuels aux tribunaux de l'État »133. Ainsi, le contrat d'investissement semble être un contrat sui generis comportant aussi bien des éléments de droit interne que des éléments de droit international, ce qui vient conforter la possibilité qu'il revête une nature internationale. |
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