WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les aspects contractuels des investissements internationaux à  l'aune du droit international et du droit burkinabè.


par Abdoul-Rachidi TAPSOBA
Université Aube Nouvelle - Master en droit des affaires internationales 0000
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Titre I : Le régime juridique du contrat d'investissement

Dans la science du Droit, le régime juridique désigne un « système de règles, considéré comme un tout, soit en tant qu'il regroupe l'ensemble des règles relatives à une matière, soit en raison de la finalité à laquelle sont ordonnées les règles »33. Il s'agit donc d'un corps cohérent de règles gouvernant une notion, une matière ou une institution34. Il importe cependant , de relever que les règles constituant le régime juridique doivent être appréhendées lato sensu englobant à la fois, les règles en tant que normes juridiques mais aussi en tant qu'ensemble de principes35 encadrant une notion, une matière ou une institution.

Quant au régime juridique du contrat, il comprend de façon classique les règles et principes qui encadrent sa négociation, sa formation ou conclusion et son exécution36. Le régime juridique du contrat d'investissement n'est pas étranger à cette réalité. Ainsi, traiter du régime juridique du contrat d'investissement, revient à traiter des règles et principes relatifs à sa négociation, sa conclusion et son exécution qu'ils soient communs à tout contrat ou spécifiques au contrat d'investissement.

L'analyse du régime juridique du contrat d'investissement que l'on envisage dans les lignes qui suivent, se fera d'abord à travers la recherche de la nature juridique exacte du contrat d'investissement (Chapitre 1) avant d'aborder ensuite, les questions liées à son exécution (Chapitre 2).

33 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 10e édition, 2014, p. 876.

34 Cet entendement est plus exact pour le droit privé.

35 Pour la notion de principe V. G. CORNU, op. cit. p. 804. Voir aussi F. CHEVALLIER, les principes généraux du droit des contrats, Mémoire pour le master 2 de droit privé général, Université Panthéon-Assas Paris II, 20142015, p. 3-8.

36 On peut ajouter aux éléments du régime couvrant ces trois phases de la vie du contrat, des éléments concernant une phase peu ou prou éclipsée à savoir la phase post-contractuelle.

Les aspects contractuels des investissements internationaux à l'aune du droit international et

du droit burkinabè

Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 10

Chapitre 1 : La détermination de la nature juridique du contrat d'investissement

Contrat de type particulier37 au regard des parties qui le concluent notamment, le contrat d'investissement est susceptible d'avoir une nature juridique hybride. En effet, on peut conférer à raison ou à tort au contrat d'investissement une nature administrative mais aussi une nature internationale. En d'autres termes, l'on pourrait qualifier le contrat d'investissement de contrat administratif et de contrat international, et c'est ce que nous allons nous atteler à démontrer tout au long de ce chapitre.

Ainsi, nous allons confronter au contrat d'investissement les critères du contrat administratif dégagés par la jurisprudence administrative afin de confirmer ou d'infirmer la thèse de la nature administrative du contrat d'investissement (Section 1). En analysant des éléments du contrat international, nous tenterons également d'exposer des éléments qui nous permettrons d'être situé sur la nature internationale du contrat d'investissement (Section 2).

Section 1 : La nature administrative du contrat d'investissement

À l'exception des contrats dits administratifs par détermination de la loi,38 c'est-à-dire les accords39 dont les conflits en découlant ont été confiés par la loi au juge administratif, sans détermination de leur nature ou de leur droit40, est administratif selon la jurisprudence le contrat dont l'une des parties possède au moins la qualité de personne morale de droit public (État, collectivité territoriale, établissement public etc. ). Cette personne publique doit être directement présente au contrat ou indirectement représentée. Cette représentation pouvant revêtir la forme d'un mandat ou d'une action pour le compte de la personne publique41.

37 Sur le caractère particulier du contrat d'investissement voyez supra p.5 et svts.

38 Voy. dans ce sens A. T. BA, Cours de droit administratif burkinabè , 2e année, Université Ouaga 2, 20102011, p. 103.

39 Il s'agit par exemple des contrats de travaux publics, des ventes d'immeubles de l'Etat, d'occupation du domaine public etc. (Voir en droit français la loi du 28 pluviôse an VIII et la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001. En droit burkinabè, le décret n° 2008-173 /PRES/PM /MEF du 16 avril 2008 portant réglementation générale des marchés publics et des délégations de services publics).

40 I. R. M. EL-BEHERRY, Théorie des contrats administratifs et marchés publics internationaux, thèse, Université de NICE SOPHIA-ANTIPOLIS, 2004, p. 26.

41 Situation dans laquelle on peut agir pour le compte d'une personne sans être son mandataire, ni explicitement ni implicitement. Cette action a été reconnue par le tribunal de conflit français dans l'arrêt du 8 juillet 1963, Entreprise Peyrot contre Société de l'autoroute Esterel-Cote- d'Azur relatif à des contrats conclus pour la construction d'autoroute, puis dans les arrêts suivants : C.E., Sect., 30 mai 1975, Société d'Equipement de la région montpelliéraine, T. C., 10 mai 1993, Société Wanner Isofi Isolation et Société Nersa, C.E., Sect., 18 juin 1976, Dame Culard.

Les aspects contractuels des investissements internationaux à l'aune du droit international et

du droit burkinabè

Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 11

Mais ce critère subjectif ou encore organique et considéré même comme une condition invariablement exigée du contrat administratif42, bien que nécessaire, ne suffit pas à lui seul pour conférer à un contrat le caractère administratif. Pour cela, il doit être complété (mais pas toujours car la présence de ces deux critères peut être exigée de façon cumulative ou alternative)43 par un deuxième critère alternatif, objectif ou matériel lui aussi jurisprudentiel selon lequel, le contrat doit être en relation avec l'exécution d'un service public44 et comporter une ou plusieurs clauses exorbitantes du droit commun45. La clause exorbitante46 la plus emblématique qui caractérise le contrat administratif est celle octroyant à l'administration la faculté de prononcer la résiliation unilatérale du contrat en l'absence de tout manquement du cocontractant à ses obligations contractuelles47.

Si l'on fait une transposition de ces critères au contrat d'investissement, l'on remarque clairement que celui-ci tout comme le contrat administratif est conclu entre l'État et ses démembrements et une personne privée nationale ou étrangère48 et qu'il comporte également certaines clauses exorbitantes du droit commun et d'autres clauses particulières. Il existe donc des ressemblances entre le contrat administratif et le contrat d'investissement.

Toutefois, cela ne nous autorise pas à retenir d'ores et déjà, et ce de manière hâtive une nature administrative supposée du contrat d'investissement. Au regard des critères identiques au contrat administratif et au contrat d'investissement, il n'est pas exagéré d'affirmer que le second est à l'image du premier un contrat qui crée une collaboration entre des parties indubitablement inégales49 (§ 1) et un contrat réducteur de la liberté contractuelle (§ 2).

42 Voy. dans ce sens A. T. BA, Cours de droit administratif burkinabè, op.cit. p. 104.

43 Pour le Conseil d'Etat français, la présence alternative de l'un des deux critères est satisfaisante pour la publicisation du contrat. Depuis l'arrêt Bertin, le contrat était administratif, soit par son objet, soit par ses clauses ; un seul de ces éléments suffisait pour le rendre « administratif » P. WEIL, « Le critère du contrat administratif en crise », in Mélanges offert á Marcel WALINE, p. 842, 1974.

44 C.E., Sect., 20 avril 1956, Epoux Bertin.

45 C.E., 31 juillet 1912, Société des Granits Porphyroïdes des Vosges, GAJA, n°29.

46 C'est « la clause ayant pour objet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations, étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d'être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales », C.E., Sect., 20 octobre 1950, Stein, Leb. p. 505.

47 T.C., 5 juillet 1999, UGAP.

48 C'est cette dernière hypothèse qui nous intéresse dans le cadre de cette étude. Dans cette dernière hypothèse, on parle souvent de contrat administratif international.

49 Cette inégalité doit être toutefois relativisée car il s'agit d'une inégalité de droit dans la mesure où de fait, il y a des investisseurs notamment les multinationales qui sont plus puissants sur le plan financier et technologique que de nombreux Etats surtout ceux du tiers-monde. On a pu dire concernant l'inégalité entre Etat et investisseur qu' « à une inégalité technologique voire de puissance financière entre parties et au détriment de l'Etat, correspond une inégalité dans la négociation mais surtout dans l'exécution du contrat, où les prérogatives

Les aspects contractuels des investissements internationaux à l'aune du droit international et

du droit burkinabè

Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 12

§1 : Une collaboration entre des parties inégales

Le contrat d'investissement met en présence l'État, partie directe ou représentée au

contrat en l'occurrence l'État d'accueil des investissements (A) et une ou des personnes privées étrangères, plus précisément l'investisseur étranger (B).

A.- L'État d'accueil des investissements

L'un des concepts les plus complexes et difficiles à cerner par son ambiguïté dans la science du droit, est bien celui d'État. En effet, la notion d'État peut faire l'objet de plusieurs entendements selon l'angle sous lequel l'on se place pour l'apprécier. Cette observation vaut également lorsque l'on étudie l'État en tant que partie à un contrat d'investissement, même si l'on estime que « lorsque l'État est directement représenté dans un accord, sa définition ne suscite pas de difficulté d'appréciation dans la sphère des rapports interétatiques ou inter-partes »50.

En droit constitutionnel et en droit international, l'État a été défini à partir de ses éléments constitutifs51 comme « une collectivité composée d'une population soumise à un pouvoir souverain sur un espace territorial ».52 Selon M. Kamto, cette définition de l'État est purement descriptive et permet d'identifier l'État partout où on le rencontrera certes, mais elle n'est pas opératoire pour expliquer comment l'État agit ou se manifeste, comment il peut vouloir en tant qu'être juridique53.

C'est pourquoi, prenant en compte ses aspects politico-social et juridique en mettant plus précisément en exergue sa qualité de personne morale, Kamto défini l'État en droit international comme « une personne morale, c'est-à-dire un être juridique construit, mais reposant sur des éléments physiques constitutifs, apte à être titulaire de droits et d'obligations

d'Etat peuvent jouer au détriment du cocontractant privé. », N. R. TAFOTIE YOUMSI, l'encadrement contractuel des investissements (grands projets), op. cit., p. 28.

50 I. R. M. EL-BEHERRY, Théorie des contrats administratifs et marchés publics internationaux, op.cit., p. 32.

51 Voy. dans ce sens A. HAURIOU, J. GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 7è éd., 1980, p. 97.

52 Avis de la Commission d'arbitrage pour le problème de la paix en Ex-Yougoslavie, 29 novembre 1991, R. G.D.I.P., 1992, p. 264. Cité par I. R. M. EL-BEHERRY, Théorie des contrats administratifs et marchés publics internationaux, op.cit., p.32.

53 M. KAMTO, « La volonté de l'Etat en droit international », Recueil des cours, tome 310 (2004), p. 25.

Les aspects contractuels des investissements internationaux à l'aune du droit international et

du droit burkinabè

Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 13

ou à se voir reconnaître ou attribuer des pouvoirs lui permettant de participer, en tant que sujet de droit, à la formulation et à l'application des règles de droit dans l'ordre juridique international »54.

Un autre concept important accompagnant toujours celui d'État et tout aussi ambigu est la souveraineté55. Cette dernière peut être considérée comme le caractère suprême d'une puissance (summa potestas) qui n'est soumise à aucune autre56 ou encore le caractère d'un organe qui n'est soumis au contrôle d'aucun autre et se trouve investi des compétences les plus élevées (souveraineté dans l'État)57. Juridiquement, l'État souverain désignerait donc une personne morale dotée d'une puissance qui ne le soumet à aucune autre.

Cependant, il convient de distinguer l'État souverain de l'État contractant. Parlant de l'État lorsqu'il négocie avec des étrangers ou contrôle ses émanations impliquées avec eux dans des relations économiques ou commerciales, la Charte de la Havane a utilisé l'expression « contractant du droit privé » pour désigner « l'État commerçant »58. Un intérêt indéniable réside dans la distinction entre État souverain et État contractant.

En effet, l'État apparait comme étant le contractant le plus essentiel du contrat d'investissement dans la mesure où il est à l'origine de la mise en oeuvre du régime juridique spécifique applicable au contrat. Il est pourtant reconnu que l'État n'est pas un contractant comme les autres dans le contrat d'investissement, en raison du fait effectivement qu'il peut agir en tant que souverain et/ou en tant que simple contractant, de sorte que l'on a l'impression que le contrat d'investissement est conclu par l'État contractant et influencé par l'État souverain59.

En outre, « les actes de l'État souverain et ceux de l'État contractant ne relèvent

pas forcement d'un seul système juridictionnel. La pratique est riche d'enseignements à

54 Op. cit. p. 27.

55 Sur les différentes imbrications entre les concepts d'Etat et de souveraineté du point de vue du droit constitutionnel voir Louis FAVOREU et alii, Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 15e éd., 2013, pp. 56-71.

56 Voy. dans ce sens H. M. MONEBOULOU MINKADA, « L'expression de la souveraineté des Etats membres de l'OHADA : Une solution-problème à l'intégration juridique », Revue de l'ERSUMA : Droit des affaires - Pratique Professionnelle, N° 3 - Septembre 2013, Doctrine, p. 4.

57 Ibid.

58 G. CISTAC., « Le renouvellement du rôle de l'État dans le Commerce international », D.P.C.I., 1996, p. 173.

59 C'est précisément cette influence sur le contrat que l'on tend à atténuer par certaines clauses que l'on verra plus loin.

Les aspects contractuels des investissements internationaux à l'aune du droit international et

du droit burkinabè

Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 14

propos des États qui modulent leurs qualités au gré de leurs besoins ou de ceux de leurs entités. Il est difficilement imaginable que l'État contractant ne tienne pas compte des intérêts du souverain ou que ce dernier ne vienne au secours du contractant »60.

Bien que l'intérêt de cette distinction soit évident, elle a été critiquée en ce sens qu'aussi bien l'État contractant que l'État souverain sont des composantes d'une seule et même entité qu'est l'État. Ainsi, on a pu dire qu'en se liant par des contrats ou en les résiliant, l'État exerce sa souveraineté61.

Une autre distinction opérée sur la personne de l'État contractant qu'il convient de souligner, est celle faite entre État-administration et État souverain. Cette distinction purement doctrinale a divisé les auteurs en partisans de la double personnification de l'État et en partisans de la personnalité unique de l'État.

Au rang des zélateurs de la double personnification de l'État, figure Anzilotti pour qui, « lorsque des lois nationales s'appliquent à des États étrangers (par exemple si l'État étranger acquiert des biens ou passe des contrats), le mot État désigne un sujet juridique différent de celui auquel se réfère le même mot en droit international »62. Pour cet auteur, le terme État a un double sens (d'où une double personnalité) et désigne l'État sujet d'un ordre juridique interne, différent de l'État sujet du ius gentium.

Dans le même sens P. Mayer considère que l'État-administration est le sujet de son propre ordre juridique qu'il crée alors que l'État souverain est le sujet du droit international public. Dans cette logique, lorsque l'État contracte en qualité d'État-administration, ses contrats restent soumis à son propre système juridique, incluant les règles de droit administratif dérogatoires que celui-ci prévoit. Par contre lorsque l'État conclut en tant qu'État souverain un accord avec une personne privée, on peut alors parler de contrat d'État63. D'autres auteurs ont également soutenu une telle position mettant en avant soit l'État

60 I. R. M. EL-BEHERRY, Théorie des contrats administratifs et marchés publics internationaux, op. cit., p. 33.

61 Voy. dans ce sens J-M JACQUET, « Le contrat d'Etat », éd. Juris- Classeur, Dr. Int., 1998, fasc. 565-60, p. 25, n° 121.

62 D. ANZILOTTI, Cours de Droit international, T. 1, Paris, Sirey, 1929, traduction GIDEL, reprise Université Panthéon-Assas (Paris II), Collection, Les introuvables, 1999, pp. 53-54. Cité par I. R. M. EL-BEHERRY, Théorie des contrats administratifs et marchés publics internationaux, op.cit., p. 34.

63 Voy. dans ce sens P. MAYER, « La neutralisation du pouvoir normatif de l'Etat en matière de contrat d'Etat », JDI, 1986, P.14.

Les aspects contractuels des investissements internationaux à l'aune du droit international et

du droit burkinabè

Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 15

souverain, soit l'État-administration64. La double personnalité de l'État contractant a été critiquée par des auteurs plutôt partisans de la personnalité unique de l'État.

Parmi les défenseurs de cette vision, il y a C. Leben65. Il fonde ses critiques sur les écrits de Hans Kelsen66, qui pense que « l'État n'existe pour la théorie du droit qu'en tant que sujet du droit ou en tant qu'ordre juridique , et si, dans une théorie juridique, deux sujets de droit différents sont qualifiés l'un et l'autre d'État, ce ne peut être que deux États différents »67. Poursuivant sa négation de la dualité entre État-administration et État souverain, C. Leben nous renvoi une fois de plus à cette pensée de Kelsen selon laquelle, « si nulle relation unissait le droit international au droit étatique (thèse dualiste), l'État en tant que sujet du droit international représenterait une entité totalement distincte de l'État comme substratum du droit étatique. Du point de vue juridique, il existerait alors deux États différents sous le même nom, deux France, deux États-Unis... La France du droit Étatique et la France du droit international... »68.

S'appuyant sur ce raisonnement, Leben parvient à la conclusion selon laquelle « la théorie de la double personnalité de l'Etat ne semble pas défendable. S'agissant alors de contrats, quelles sont les conséquences de ces analyses ? Il est bien clair tout d'abord qu'un contrat peut être conclu au sein de l'ordre juridique étatique total par un particulier (national ou étranger) avec l'État personnification de l'ordre juridique partiel (l'État Administration). Ce contrat, qu'on appelle administratif (et éventuellement contrat administratif international) ou non, est régi par les règles de l'État »69.

Sur cette controverse, en ce qui nous concerne, nous partageons la thèse dualiste en ce

qu'il existe bel et bien un ordre juridique étatique distinct de l'ordre juridique international. Cependant, nous réfutons la thèse de la double personnalité de l'État, qui en fait un État

64 Voy. dans ce sens M.TROPER, « Réflexions autour de la théorie kelsénienne de l'État », in « La pensée politique de Hans Kelsen », Cahiers de philosophie politique et juridique , Centre de publications de l'Université de Caen, 1990, n° 17 ; S. LEMAIRE, Les contrats des personnes publiques internes en droit international privé, thèse, Paris I, mars, 1999.

65 C. LEBEN, « Quelques réflexions théoriques à propos des contrats d'État », in « Souveraineté étatique et marchés internationaux á la fin du XXème siècle », Mélanges Philippe KAHN, LITIC-CREDIMI, Dijon, 2000, pp. 119-175.

66 H. KELSEN, « La transformation du droit international en droit interne », R.G.D.I.P., 1936, p. 22.

67 H. KELSEN, « La transformation du droit international en droit interne », Op. cit., p. 23.

68 H. KELSEN, La théorie générale du droit et de l'État, traduction B. LAROCHE et V. FAURE, L.G.D.J./Bruylant, Paris/Bruxelles, 1997, p. 422.

69 C. LEBEN, Quelques réflexions théoriques à propos des contrats d'État, op.cit., p.128.

Les aspects contractuels des investissements internationaux à l'aune du droit international et

du droit burkinabè

Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 16

souverain, sujet du droit des gens et un État-administration sujet du droit étatique. Nous pensons que le souverain et l'administration forment une seule et même entité, laquelle entité est à la fois sujet de l'ordre juridique étatique et de l'ordre juridique international.

En raison des attributs propres à l'État qui le caractérise ou de ses compétences souveraines faisant de lui un contractant hors pair, la jurisprudence70 a proposé deux solutions extrêmes pour pallier l'inégalité congénitale entre l'État et son cocontractant privé. La première solution proposée par la Cour de cassation française consiste à élever le cocontractant privé de l'État au rang de sujet du droit international.

La deuxième solution consiste à l'inverse à rabaisser l'État contractant au niveau de son contractant privé car selon la haute juridiction française « rien ne justifie qu'un commerçant soit autorisé á violer ses engagements sous prétexte qu'il a la qualité d'État ou est une de ses émanations. L'intérêt de l'État n'est pas loin de l'intérêt du créancier privé, et l'intérêt diplomatique n'est pas loin de l'intérêt financier. Il n'y a pas d'intérêt á distinguer la personnalité souveraine ou publique qui échapperait á la compétence juridictionnelle de la personnalité morale assujettie á l'immunité des États »71. Sans faire étalage des arguments qui ont été avancés à cet effet, il importe de souligner que cette égalité absolue que l'on tend à établir entre l'État contractant et ses partenaires étrangers est vivement contestée72.

Cependant, que l'on soit de ceux qui défendent la thèse de l'État contractant tout puissant usant de sa souveraineté, ou la thèse faisant de l'État un contractant égal à ses partenaires dépouillé de toute souveraineté, ces deux positions sont largement conciliables et des faits palpables le démontre si bien73. Outre les contrats conclus par l'État stricto sensu, ceux conclus par des entités publiques dont la personnalité est sur le plan du droit interne distinct de celle de l'État, peuvent être qualifiés aussi de contrat d'État en général et de contrat d'investissement en particulier. Il peut s'agir des « accords conclus par des organismes mi-publics mi- privés intervenant pour le compte de l'État bien que possédant une personnalité

70 Cour de Cassation, 1ère Ch. Civ., 21 juillet 1987, Société Benvenutti et Bonfant c./ banque Commerciale Congolaise, Rev. Crit. Dr. Int. Pri., 1988, pp. 350 et s., note REMOND-GOUILOUD Martine.

71 Cour de Cassation, 1ère Ch. Civ., 21 juillet 1987, Société Benvenutti et Bonfant c./ banque Commerciale Congolaise, Revue Critique Dr. Int. Pri., 1988, pp. 353-356.

72 Cf. I. R. M. EL-BEHERRY, Théorie des contrats administratifs et marchés publics internationaux, op. cit., pp. 44-45.

73 Op. cit., pp. 45-47.

Les aspects contractuels des investissements internationaux à l?aune du droit international et

du droit burkinabè

Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 17

juridique distincte »74. Il faut comprendre par cette formule tous les organismes publics paraétatiques ou même les entreprises publiques, c'est-à-dire des sociétés de droit privé dont l'actionnaire unique (sociétés d'État) ou majoritaire (sociétés d'économie mixte) est l'État75. Si l'État dans toutes ses facettes se présente comme une partie importante au contrat d'investissement, il a en face de lui une partie non moins importante sans laquelle on ne saurait parler de contrat d'investissement à savoir l'investisseur étranger.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo