SOMMAIRE
Introduction générale 1
Titre I : Le régime juridique du contrat
d'investissement 9
Chapitre 1 : La détermination de la nature
juridique du contrat
d'investissement 10
Section 1 : La nature administrative du contrat d'investissement
10
Section 2 : La nature internationale du contrat d'investissement
29
Chapitre 2 : L'exécution du contrat
d'investissement 40
Section 1 : Le contenu des droits et obligations du contrat
d'investissement 40
Section 2 : L'inexécution des obligations du contrat
d'investissement 51
Titre II : Les formules contractuelles de mise en oeuvre
des
investissements 65
Chapitre 1 : Les formules contractuelles de nature
privée 66
Section 1 : Le contrat de joint-venture 66
Section 2 : Le contrat de transfert de technologie 73
Chapitre 2 : Les formules contractuelles de nature mixte
82
Section 1 : Le contrat de concession classique 82
Section 2 : Les contrats de partenariat public-privé 87
Conclusion générale 97
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l?aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi
TAPSOBA 1
Introduction générale
La mondialisation et la libéralisation croissantes des
échanges ont facilité les nombreuses relations économiques
qui se nouent très souvent à travers des contrats multiples et
multiformes, faisant ainsi du contrat, l'instrument juridique par excellence
des transactions économiques. Investissements et croissance
économique sont étroitement liés, si bien que le nombre
d'investissements faits dans un pays donné est devenu un
véritable moyen d'appréciation du niveau de croissance
économique.
Cela explique le fait qu'aucun pays pauvre ne peut
prétendre à un quelconque développement sans les
investissements, surtout dans un contexte de libéralisation des
échanges. Pays en voie de développement, le Burkina Faso
recherche des investisseurs à même d'investir dans des domaines
d'activités considérés comme porteurs et permettant ainsi
de contribuer à son essor économique. Toutefois, lorsque les
investissements impliquent une exploitation des ressources naturelles de
l'État, surtout par les investisseurs étrangers, l'État
veille à ce que cette exploitation ne se fasse pas de manière
abusive dans la mesure où il en est le garant au nom et pour le compte
du peuple considéré comme étant le véritable
propriétaire des ressources naturelles1.
De leur côté, les investisseurs en apportant les
fonds dans les projets, espèrent légitimement un retour sur
investissement à la hauteur du montant de leurs apports. C'est pourquoi,
ils préfèreront investir dans des pays présentant un
environnement social, politique, économique et juridique
sécurisé, stable et fiscalement attrayant. Ainsi, la
sécurité juridique et judiciaire apparait indispensable pour
attirer les investissements2.
Pour bien ménager les intérêts du pays
hôte des investissements et ceux des investisseurs qui semblent a
priori contradictoires, il est judicieux que les parties en
présence s'accordent sur les tenants et aboutissants des
opérations à travers un acte qui va matérialiser leur
volonté, d'où la naissance du contrat d'investissement. Dans
cette dynamique, le contrat se veut donc être le « support juridique
des investissements ». En effet, les investissements font l'objet d'un
encadrement juridique par chaque système de droit. Par
conséquent, les contrats d'investissement, bien qu'ayant certains points
en commun dans la plupart des
1 Au Burkina Faso, ce principe est consacré
par l'article 14 de la Constitution du 2 juin 1991 et l'article 6 du code
minier de 2015.
2 Voy. Dans ce sens R. MASSAMBA, « L'OHADA et
le climat de l'investissement en Afrique », p. 40, cité par. S.
MENETREY, « la place de l'investissement dans le droit OHADA. Point de vue
européen », in Questions de droit économique : Les
défis des Etats africains, E. BALATE, S. MENETREY (sous la
direction de), INEADEC, Actes des colloques de Bruxelles et Yaoundé, p.
376, 2011.
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l'aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA
2
systèmes de droit, présentent des
particularités d'un système juridique à un autre et
diffèrent bien évidemment en fonction de la nature du projet
d'investissement.
C'est un tel contexte qui nous amène à
étudier les aspects contractuels des investissements internationaux
à l'aune du droit international des investissements et du droit
burkinabè. Si le concept d'investissement mérite d'être
défini, une bonne compréhension de notre sujet commande
également de clarifier les notions de contrat et tout logiquement de
contrat d'investissement.
Le droit international des investissements ne donne pas une
définition précise et universellement admise de
l'investissement3. Des instruments internationaux comme la
Convention de Washington du 18 mars 1965 instituant le Centre International de
Règlement des Différends relatifs aux Investissements (Convention
CIRDI) ont préféré ne pas définir l'investissement,
pour laisser la liberté aux parties et aux rédacteurs des
Traités Bilatéraux de promotion et de protection des
Investissements (TBI) se référant au CIRDI, de définir
elles-mêmes ce qu'elles entendent par investissement4.
Compte tenu la difficulté de la jurisprudence ainsi que
des textes internationaux y relatifs à dégager une
définition précise et universelle de la notion d'investissement,
certains auteurs ont proposé des définitions qu'il convient de
relever. Parmi ces auteurs, il y a M. Laviec5 qui fait une
synthèse de la notion, au regard d'une majorité de traités
bilatéraux d'investissements en la délimitant de la
manière suivante. Selon lui, d'abord au sens large, les investissements
couvriraient l'ensemble des droits patrimoniaux tels que les biens, droits et
intérêts. Ensuite, il utilise un critère d'ordre subjectif
selon lequel un investissement est l'ensemble des biens et des droits que la
loi d'un État d'accueil qualifie comme tels, et qui sont admis sur son
territoire à ce titre. Enfin, il propose de circonscrire, sous la forme
d'une liste, quels sont les avoirs économiques qui seront
considérés comme des investissements aux termes d'une convention.
Cette approche peut être considérée comme étant une
conception
3 Voy. Dans ce sens S. H. NIKIEMA, « Les
clauses de rendez-vous sur l'investissement dans les APE intérimaires :
opportunité ou menace pour un régime juridique uniformisé
de traitement des investissements étrangers en Afrique de l'ouest ?
», in Le partenariat Europe-Afrique et les intégrations
régionales, L. M. IBRIGA (sous la direction de), coll. Rencontres
européennes, Bruylant, Bruxelles, 2012, p. 229.
4 Cf. Affaire Biwater c/ Tanzanie du 24
juillet 2008, La jurisprudence du CIRDI, vol II, p. 501. Position
réaffirmée dans la décision du Comité ad hoc
intervenue le 16 avril 2009 dans l'affaire MHS c/Malaisie citées par E.
GAILLARD dans la chronique des sentences arbitrales du CIRDI publié dans
le Journal du Droit International, Clunet, n° 2/2010 de avril-mai-juin
2010.
5 A. J-P. LAVIEC, Protection et promotion des
investissements, Paris, PUF, 1985, pp. 31-32. Cité par N. R.
TAFOTIE YOUMSI, L'encadrement contractuel des investissements (grands
projets), mémoire de DEA, Université Libre de Bruxelles,
2005, p. 5.
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l'aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA
3
large de la notion d'investissement6.
Pour Patrick Juillard, « La notion d'investissement
est, en effet, une notion dynamique, en ce sens qu'elle ne peut se concevoir
que dans la durée et dans le mouvement »7. Ainsi,
pour cet auteur, l'investissement se caractérise par son dynamisme, sa
durabilité et sa mobilité. Cette flexibilité de la notion
d'investissement est certainement due au fait qu'elle est une notion à
la fois juridique et économique.
D'un point de vue économique, «
l'investissement est l'acte qui vise à obtenir l'accroissement et le
renouvellement du capital »8. La définition
économique de l'investissement repose sur trois éléments
que sont l'apport, la durée, et le contrôle9. Sans
faire étalage des controverses doctrinales et
jurisprudentielles10 sur la notion d'investissement, l'on peut
retenir que juridiquement « un investissement se caractérise
par un apport en numéraire ou en nature, dans une opération
économique, sur une durée significative, et prévoyant une
participation aux risques de l'exploitation »11.
À ces critères d'apport substantiel, de
durée et de risque, il est parfois ajouté le critère de la
contribution au développement de l'État d'accueil, qui selon
certains auteurs, est difficile à évaluer12. Outre le
caractère volatile ou polysémique de la notion d'investissement
relevé ci-dessus, il s'impose de noter que les investissements sont
également multiformes. L'on distingue ainsi principalement, les
investissements directs et les investissements indirects. Ces deux types
d'investissements peuvent se traduire à leur tour en des investissements
industriels et commerciaux, financiers et techniques, économiques et
sociaux.
6 Ibid.
7 P. JUILLARD, « L'évolution des
sources du droit des investissements », RCADI, 1994, T.VI,
vol.250, p.24. Cité par N. R. TAFOTIE YOUMSI, L'encadrement
contractuel des investissements (grands projets), mémoire de DEA,
Université Libre de Bruxelles, 2005, p. 17.
8 S. MENETREY, « la place de l'investissement
dans le droit OHADA. Point de vue européen », in Questions de
droit économique : Les défis des États africains,
BALATE E., MENETREY S. (sous la direction de), INEADEC, Actes des colloques de
Bruxelles et Yaoundé, p. 374.
9 Voy. dans ce sens D. CARREAU et P. JUILLARD,
Droit international économique, Paris, Dalloz, 5e
édition, 2O13, p. 467.
10 Concernant la jurisprudence arbitrale relative
à la définition de l'investissement, l'on distingue
principalement d'une part les sentences « classiques » telles que
Salini Costruttori SpA c/Maroc,ARB/00/4 , sentence sur la
compétence du 23 juillet 2001, JDI, 2002, pp. 196 et s. (construction
d'un tronçon d'autoroute) ; Klöckner c/Cameroun
(construction et exploitation d'une usine d'engrais) ; Wena Hotels
Limited c/République Arabe d'Egypte ARB/98/4, sentence du 8
décembre 2008, ILM, vol. 41, p. 896 et s. (Contrat de
développement et de gestion de deux hôtels) ; et d'autre part les
sentences plus « libérales » comme Fedax NV c/ Venezuela,
ARB/96/3, sentence du 9 mars 1998, ILM, vol. 37, pp. 1378 et s. (effets de
commerce transmis par voie d'endossement à une société
privée). Sentences disponible sur http :italaw.com.
11S. H. NIKIEMA, « Les clauses de rendez-vous
sur l'investissement dans les APE intérimaires : opportunité ou
menace pour un régime juridique uniformisé de traitement des
investissements étrangers en Afrique de l'ouest ? » Op. cit., p.
230.
12 Ibid.
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l'aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA
4
Il importe de relever que les investissements directs
s'opposent aux investissements indirects en ce sens que les premiers sont une
forme d'investissement qui ne se limite pas à un placement financier,
mais qui entraîne aussi le contrôle par l'investisseur des
activités d'une entreprise, ou un pouvoir de décision dans les
organes d'une société13. Cette particularité
des investissements directs justifie notre choix de les retenir dans le cadre
de notre étude par rapport aux investissements indirects. Par ailleurs,
les investissements peuvent être nationaux ou internationaux
(étrangers). Dans ce dernier cas on parle d'Investissements
Étrangers Directs (IED) ou d'Investissements Directs Étrangers
(IDE)14.
Les investissements nationaux, eux s'entendent de tous les
investissements faits par des personnes physiques ou morales, ressortissants
d'un pays donné dans ledit pays. Quant à l'investissement direct
étranger, il est selon l'Organisation de Coopération et de
Développement Économique (OCDE), « une activité
par laquelle un investisseur résidant dans un pays obtient un
intérêt durable et une influence significative dans la gestion
d'une entité résidant dans un autre pays
»15.
Quelle que soit la forme de l'investissement, il peut faire
l'objet d'un contrat appelé contrat d'investissement. Mais qu'est-ce-qu'
un contrat d'une manière générale ? Et que peut-on
qualifier de contrat d'investissement ? Avant de donner les différentes
définitions possibles du contrat, il importe de relever que la
définition donnée au contrat peut varier d'un système
juridique à un autre. Mais d'une manière générale,
l'on peut retenir que « le contrat est essentiellement un accord en
droit définissant les droits et obligations respectifs des parties
»16. Il est également un accord de volontés
en vue de produire des effets de droit. Le contrat peut être interne ou
international.
Le contrat international peut être défini selon
un critère économique et juridique, tous
deux dégagés par la jurisprudence et
affinés par la doctrine. Ainsi, selon le critère
économique17 qui prône une approche extensive du
contrat international, est international, le
13 N. R. TAFOTIE YOUMSI, l'encadrement
contractuel des investissements (grands projets), mémoire de DEA,
Université Libre de Bruxelles, 2005, p. 2.
14 C'est cette dernière expression que nous
emploierons dans le cadre de notre mémoire.
15 S. MENETREY, « la place de
l'investissement dans le droit OHADA. Point de vue européen »,
op. cit., p. 376.
16 J. VERHOEVEN, « Contrats entre
États et ressortissants d'autres États », in
Le contrat économique international. Stabilité et
évolution. Travaux des VIIe Journées d'études Jean Dabin
organisées à Louvain-la-Neuve les 22 et 23 Novembre 1973,
publiés sous les auspices du Centre Charles de Vischer pour le Droit
international, Paris, Pedone, 1975, p. 122.
17 Ce critère a été
dégagé par la Cour de cassation française dans les
arrêts Mardelé et Dambicourt (Cass. Civ. 19 février 1930 et
27 janvier 1931, S. 1933. I. 41, note NIBOYET). Dans ces deux affaires, il
s'agissait d'un contrat conclu en France, entre deux français, et ayant
pour objet la vente et le transport de marchandises d'Amérique en
France. La Cour a retenu le caractère international du contrat au motif
qu'il mettait en jeu des intérêts du
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l'aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA
5
contrat qui met en jeu les intérêts du commerce
international c'est-à-dire toute transaction commerciale impliquant
« un mouvement de biens, de services ou un paiement par-dessus les
frontières ou intéressant l'économie (ou la monnaie) de
deux pays au moins »18. Selon le critère juridique
plus restreint et qui repose sur l'existence d'un élément
d'extranéité, est international le contrat « se
rattachant à des normes juridiques émanant de plusieurs
États »19.
Le contrat d'investissement présente aussi presque les
mêmes caractéristiques que le contrat interne ou international
selon les cas. Toutefois, il s'en distingue par d'autres
caractéristiques qui lui sont propres. Le contrat d'investissement est
principalement un contrat de nature hybride et complexe20, dont le
contenu est influencé par le droit du développement21,
c'est un contrat exécutoire à long terme et foncièrement
aléatoire22.
Les contrats d'investissement encore appelés accords de
développement économique23 sont
considérés lato sensu comme des contrats d'État
ou State contracts c'est-à-dire des contrats conclus entre
États et personnes privées étrangères. Plus
précisément, le contrat d'État peut être
défini comme « une convention conclue entre un État ou
l'une de ses émanations avec une personne privée
étrangère qui, à la faveur du recours à l'arbitrage
international prévu en cas de litige, échappe à la
compétence juridictionnelle des organes de l'État contractant, et
même à leur compétence législative
»24. Stricto sensu, le contrat d'investissement
peut être défini comme « un accord en vertu duquel l'une
des parties
commerce international, et elle a admis l'application de la
loi anglaise en l'espèce. Le même critère économique
a été retenu dans d'autres affaires ultérieures : Cass.
Civ., 18 mai 1972, Clunet 1972. 62, Obs. OPPETIT.
18 N. NAJJAR, L'arbitrage dans les pays arabes
face aux exigences du commerce international, LGDJ, 2004, p. 3.
Cité par Mme B. ARFAOUI épouse BEN MOULDI,
L'interprétation arbitrale du contrat de commerce
international, Thèse, Université de LIMOGES, 2008, p. 5
19 Voy. dans ce sens l'arrêt de la Cour
d'appel de Lyon du 19 avril 1977, Rev. crit. dr. priv. 1977. 788, note B.
ANCEL. Cité par Mme B. ARFAOUI épouse BEN MOULDI, Thèse,
Université de LIMOGES, 2008, p. 5.
20 Tout d'abord, c'est un contrat hybride et
complexe, en ce sens qu'une opération d'investissement regroupe toujours
une hétérogénéité de contractants
(étatiques, parastataux, privés, d'économie mixte
nationaux, internationaux), d'institutions et d'instruments juridiques
applicables. Ce qui crée un ensemble contractuel soumis aussi bien au
droit (privé et public) interne qu'au droit international.
21 Ensuite, le droit du développement
influence considérablement le contenu du contrat d'investissement en
raison de la place de plus en plus importante qu'occupe le contrat dans
l'action pour le développement, de sorte que la politique de
développement des pays émergents n'est plus fondée sur les
seuls accords interétatiques mais également sur des contrats,
traduisant ainsi le regain d'intérêt de ces pays pour ces
derniers. Cette influence se justifie aussi par la finalité
économique de l'opération d'investissement.
22Enfin, le contrat d'investissement est un contrat
qui s'exécute sur le long terme et un contrat aléatoire,
respectivement à cause de l'étendue des travaux auxquels il donne
lieu et des nombreux risques que supporte l'investisseur, surtout en cas de
contrat conclut avec les pays en voie de développement.
Dans ce sens, voy. aussi N. R. TAFOTIE YOUMSI,
L'encadrement contractuel des investissements (grands projets),
mémoire de DEA, Université Libre de Bruxelles, 2005, p. 6.
23 Nous utiliserons l'expression contrat
d'investissement dans le cadre de notre mémoire.
24 M. AUDIT et alii, Droit du commerce
international et des investissements étrangers, Paris, LGDJ, 2014,
p. 197.
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l'aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA
6
(l'investisseur) s'engage à apporter à
l'autre (le bénéficiaire), pendant une certaine durée et
selon des modalités définies contractuellement, un certain
capital ou certains actifs, en vue de la réalisation d'un projet
déterminé »25. On peut ajouter à
cette définition que « les contrats d'investissement tendent
parfois aussi à la réalisation ou la satisfaction d'une
activité ou mission de service public [qui elle-même consiste en]
la satisfaction d'un besoin d'intérêt général
»26.
Il importe de préciser que les contrats
d'investissement se distinguent de certains contrats commerciaux notamment les
contrats de vente de biens d'équipement27. Notre étude
se limitera aux investissements faits par des personnes physiques ou morales
étrangères sur le territoire burkinabè à
l'exclusion des investissements nationaux qui sont rares. Les contrats que nous
retiendrons seront donc ceux qui présentent un caractère
international. Cela dans le but de donner une orientation internationale
à notre sujet, toute chose qui devrait nous permettre de recourir
à des systèmes de droit autres que le système
burkinabè à titre de droit comparé. Aussi, au regard de la
nature des parties aux contrats d'investissement (États et
particuliers), notre étude se veut transversale à plusieurs
matières du droit et se permettra de transcender le traditionnel clivage
entre droit public et droit privé.
L'on ne saurait étudier les contrats d'investissement
sans faire cas des textes qui encadrent la matière des investissements
au Burkina Faso. La matière des investissements et tout ce qui s'y
rapporte a été régie par la loi n°62-95/ADP du 14
décembre 1995 puis révisée en 2010 à travers la loi
n°007-2010/AN du 29 avril 2010 portant code des investissements au Burkina
Faso actuellement en vigueur qu'on peut considérer comme le
régime général des investissements, la loi
n°023-2013/AN du 30 mai 2013 portant loi d'orientation de l'investissement
au Burkina Faso, la loi n°025-2012/AN du 4 juin 2012 portant institution
d'un régime fiscal et douanier spécial applicable aux conventions
d'investissement signées avec l'État dans le cadre de la mise en
oeuvre de la Stratégie de Croissance Accélérée et
de Développement Durable (SCADD), la loi n°020-2013/AN du 23 mai
2013 portant régime juridique du partenariat public-privé au
Burkina Faso et par d'autres textes spécifiques selon le type
d'investissement (cas du code minier par exemple) au plan interne.
25 G. ZEHEN, « Les immunités des
Etats dans les contrats d'investissement : du nouveau avec l'arrêt
Creigthon ? », RDAI/IBLJ, n° 3, 2006, pp. 333 et s.
26 Ibid.
27 Voy. dans ce sens D. CARREAU et
P. JUILLARD, droit international économique, Paris, Dalloz,
3e édition, 2007, p. 412.
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l?aune du droit international et
du droit burkinabé
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7
Au plan international la matière est régie par
les traités de promotion et de protection des investissements aussi bien
bilatéraux que multilatéraux auxquels le Burkina Faso est partie
ainsi, que toutes les autres conventions internationales relatives aux
investissements signées et ratifiées par le Burkina
Faso28.
Il est de plus en plus fréquent que dans ses rapports
économiques avec les particuliers, l'État cesse d'utiliser les
contrats administratifs « classiques », pour recourir à des
contrats plus « sophistiqués » pour la réalisation de
certains grands travaux. Ce constat nous a conduits à nous
intéresser à l'étude des aspects contractuels des
investissements internationaux qui offre des perspectives juridiques et
pratiques intéressantes. Ainsi, une bonne connaissance des contrats
d'investissement et une maitrise de leur régime juridique permettra sans
doute de renforcer la sécurité juridique et judiciaire tant
recherchée par les investisseurs étrangers tout en
préservant l'intérêt du pays hôte.
D'une manière générale, les
investissements sont ces dernières décennies permanemment au
coeur des politiques de développement aussi bien des États que
des institutions comme la Banque Mondiale29, la Commission des
Nations Unies pour le Droit du Commerce International (CNUDCI)30 et
la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le
Développement (CNUCED)31, qui adoptent une série de
mesures pour un suivi et une plus grande mobilité des investissements
à travers le monde.
De plus, la question des investissements est
d'actualité plus spécifiquement au Burkina Faso, avec la
récente adoption du nouveau référentiel qu'est le Plan
National de Développement Économique et Social (PNDES) par les
nouvelles autorités, pour le financement duquel le concours des
investisseurs est vivement sollicité32.
Ainsi donc, les contrats d'investissement sont des contrats de
type particulier qui suscitent un certain nombre de questionnements chez le
juriste. Connaissant la complexité du contrat d'investissement, il se
pose à lui la question de savoir quelle est la véritable nature
juridique de ce dernier selon le droit burkinabè ? Est-ce un contrat
négocié de bout en bout, un
28 Le Burkina Faso a signé près d'une
dizaine de ces traités et quelques-uns sont entrés en vigueur. Le
dernier traité en date a été signé avec le Canada
en 2015 et est entrée récemment en vigueur en 2017.
29 Rapports annuels souvent consacrés à
la promotion des investissements.
30 Pour le compte de la CNUDCI, on peut citer des
instruments comme les dispositions législatives types sur les projets
d'infrastructures à financement privé et le Guide
législatif de la CNUDCI sur les projets d'infrastructures à
financement privé.
31 La CNUCED aide des pays qui le désirent
à rédiger des documents appelés guide de l'investissement
qui sont des documents qui mettent en relief les atouts des pays afin de leur
permettre d'attirer des investissements.
32 En témoigne l'organisation de la table
ronde des bailleurs de fonds tenue à Paris les 7 et 8 décembre
2016 pour le financement du PNDES et qui a permis de recueillir des promesses
de financement s'élevant à dix-huit mille milliards de FCFA.
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l?aune du droit international et
du droit burkinabé
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8
contrat d'adhésion, ou s'agit-il purement et simplement
d'un acte unilatéral ? Quel est le régime juridique du contrat
d'investissement en droit burkinabè ? Ce régime juridique
commande -t-il d'appliquer au contrat d'investissement, au regard de sa nature,
des règles de droit public (droit administratif), des règles du
droit commun des contrats, des règles de droit international
privé des contrats, ou une combinaison de toutes ces règles ? Si
le contrat permet la réalisation d'un projet d'investissement
donné, quelles peuvent être les formules contractuelles
adéquates de mise en oeuvre de certains grands projets d'investissement
nécessaires au développement du Burkina Faso ?
Le présent mémoire a pour objet l'étude
des règles qui encadrent les différents contrats d'investissement
conclus entre l'État burkinabè et les investisseurs
étrangers en droit positif burkinabè. Il s'agira également
pour nous dans le cadre de cette étude, de recenser et présenter
les formules contractuelles les plus usitées de mise en oeuvre de grands
projets d'investissement au Burkina Faso, notamment dans le secteur des mines
et carrières, des infrastructures , et des énergies
renouvelables. Le choix de tels secteurs se justifie par le fait qu'il s'agit
de secteurs porteurs et donc quasiment indispensables au développement
économique des pays en voie de développement comme le Burkina
Faso.
Pour traiter des aspects contractuels des investissements
internationaux à l'aune du droit international et du droit
burkinabè, nous procéderons à une analyse du régime
interne et international du contrat d'investissement en mettant en relief la
portée de ces régimes ainsi que les limites qu'ils connaissent.
Pour cela, nous aurons recours au droit comparé et
particulièrement au droit français afin de confronter les
différentes solutions proposées par chaque système de
droit aux problèmes soulevés par les contrats d'investissement.
Aussi, présenterons-nous les formules contractuelles de mise en oeuvre
des projets d'investissement, en mettant en exergue leurs forces et leurs
faiblesses tout en appréciant l'opportunité du choix de ces
formules par rapport aux autres.
Le contrat d'investissement baigne dans un environnement
constitué de règles d'origines et de natures diverses qu'il
convient d'exposer à travers l'analyse du régime juridique du
contrat d'investissement (titre I). Ce régime juridique qui peut
être considéré comme étant « la théorie
du contrat d'investissement » a besoin, pour avoir une existence
concrète et une utilité pratique, de s'appliquer aux nombreuses
formules contractuelles de mise en oeuvre possible des investissements (titre
II).
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l'aune du droit international et
du droit burkinabè
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