B.- Le droit applicable au contrat d'investissement
En raison de son caractère international, les
éléments à partir desquels il est procédé
à la désignation du droit applicable au contrat d'investissement
se déterminent par l'entremise d'une règle de conflit de lois.
Toutefois, l'existence d'un ordre juridique propre à l'État
souverain peut brouiller le jeu habituel de la règle de conflit de lois.
Dans ces circonstances, il est fréquent de retrouver dans les contrats
d'État en général et dans les contrats d'investissement en
particulier des clauses de droit applicable. Ainsi, en raison de l'autonomie de
la volonté, le droit applicable à un contrat d'investissement est
avant tout celui que les parties ont choisi à travers la clause
d'electio juris. À ce titre, les parties peuvent décider
de soumettre leur contrat expressément et exclusivement au droit
international public, même si l'on peut discuter de l'existence d'un
« droit contractuel » au sein de celui-ci car selon un auteur «
(...) assujettir le contrat au droit des gens parait impossible, à
défaut précisément de règles qui régissent
les rapports contractuels entre États et particuliers
»238.
Elles peuvent également désigner un droit
national, y compris celui de la partie publique contractante telle que
l'État d'accueil des investissements239. La latitude qu'ont
les parties de choisir n'importe quel droit pour s'appliquer à leur
contrat apparait clairement à l'article 2 des Résolutions de
l'Institut de Droit International (IDI) selon lequel, « les parties
peuvent notamment choisir comme loi du contrat, soit un ou plusieurs droits
internes ou les principes communs à ceux-ci, soit les principes
généraux du droit, soit les principes appliqués
235 Pour les détails de ces questions V. P. MEYER,
Droit international privé burkinabè, PADEG,
Université de Ouagadougou, p.113 et suivantes.
236 Les dispositions de cet Acte uniforme constituent le droit
uniforme africain de l'arbitrage.
237 Voy. P. MEYER, droit international privé
burkinabè, op. cit., p. 125-126.
238 J. VERHOEVEN, « Contrats entre Etats et
ressortissants d'autres Etats », in Le contrat économique
international. Stabilité et évolution, op. cit., p. 140.
239 Dans les affaires suivantes, les contractants avaient
choisi la loi de la partie publique : Sent. CCI, 30 avril 1982, Framatome
c.Atomic Energy Organization of Iran, JDI 1984. Voir sur cette
affaire B. OPPETIT, « Arbitrage et contrats d'Etat. L'arbitrage
Framatome et autres c. Atomic Energy Organization of Iran,
JDI 1984, p. 37.
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61
dans les rapports économiques internationaux, soit
le droit international, soit une combinaison de ces sources de droit
»240. Lorsque le droit de la partie publique contractante
est choisi comme droit applicable par exemple, les tribunaux arbitraux prennent
le soin de vérifier que le droit choisi est bien « en
conformité avec les principes du droit international public gouvernant
la validité des contrats et les conséquences de leur violation
»241. En choisissant le droit applicable à leur
contrat, il n'est pas rare que certaines parties procèdent, selon une
expression bien connue en droit international privé, à un «
dépeçage » du droit applicable en désignant plusieurs
lois. Il arrive souvent que la clause de droit applicable combine par
elle-même le droit local, c'est-à-dire le droit de l'État
contractant et le droit international public. Il en a été ainsi
dans l'affaire AGIP c. République populaire du Congo où le
contrat stipulait que « le droit applicable est la loi congolaise,
complétée le cas échéant par tout principe du droit
international »242.
Le principe d'autonomie constituant également le
fondement du pouvoir des arbitres, ces derniers doivent respecter le choix de
la loi applicable, lorsqu'ils sont saisis d'un litige relatif à un
contrat d'investissement le prévoyant. Toutefois les arbitres ont la
possibilité de préciser l'intention réelle des parties
lorsque la clause de droit applicable semble ambiguë, équivoque ou
incomplète. En effet, l'application au contrat d'investissement du
principe d'autonomie, principe universellement admis en droit international
privé243, ne rencontre aucune opposition et donc ne fait
absolument pas débat. À ce propos, l'article 1er de la
Résolution prise par l'Institut de droit international lors de sa
session d'Athènes tenue en 1979, relative à la loi du contrat
dans les accords entre un État et une personne privée
étrangère, reconnait de manière expresse le principe
d'autonomie en matière de contrats d'investissement en ces termes «
les contrats entre un État et une personne privée
étrangère sont soumis aux règles de droit choisies par les
parties ou, à défaut d'un tel choix, aux règles de droit
avec lesquelles le contrat comporte le rattachement le plus étroit
»244.
L'arbitrage aussi bien ad hoc qu'institutionnel prennent le
soin de préciser le respect
de la loi applicable. En matière d'arbitrage
institutionnel, l'article 42(1) de la Convention de
240 Cf. le texte de cette Résolution : Rev. crit.
DIP.1980. 427.
241 Sent. CIRDI, Liberian Eastern, Timber Corporation
(LETCO) c. Rép. Du Libéria, aff. ARB/83/2, JDI 1988. 166,
Obs. E. GAILLARD.
242 Sent. CIRDI, 30 novembre 1979, AGIP c. Rép.
populaire du Congo, aff. ARB/77/1, Rev. crit. DIP 1982. 92, note H.
BATTIFOL.
243 Voy. dans ce sens J-C POMMIER, Principe d'autonomie et
loi du contrat en droit international privé conventionnel, Paris,
Economica, 1992, pp. 259 et s.
244 Cf. le texte de cette Résolution : Rev. crit.
DIP.1980. 427.
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62
Washington du 18 mars 1965 créant le CIRDI fait
ressortir que « le tribunal statue sur le différend
conformément aux règles de droit adoptées par les parties.
Faute d'accord entre les parties, le Tribunal applique le droit de
l'État contractant partie au différend - y compris les
règles relatives aux conflits de lois - ainsi que les principes de droit
international en la matière »245. Malgré la
prédominance de l'autonomie de la volonté, laquelle permet
d'éviter de choisir le droit de l'État contractant comme droit
applicable au contrat d'investissement, elle n'arrive pas à
écarter ce droit qui trouve toujours un quelconque rôle à
jouer. En effet, même s'il n'existe pas de présomption de choix de
la loi de l'État d'accueil dans le contrat d'investissement, le jeu
normal de la méthode conflictuelle pourrait conduire à la
retenir, cette loi étant la loi du lieu d'exécution du
contrat.
Aussi, « cette loi peut toujours intervenir au titre
de loi d'application immédiate, par exemple lorsqu'il existe une
réglementation spécifique à certains types
d'investissements étrangers ou lorsque sont en cause des matières
accessoires à l'exécution du contrat (relations de travail,
réglementation de l'hygiène et de la sécurité,
permis de construire, réglementation de la concurrence...)
»246. Quel que soit la volonté d'écarter la
loi de l'État contractant, elle aura toujours vocation à
s'appliquer d'une manière ou d'une autre en ce sens que les conditions
de validité du contrat quant à sa forme et quant à sa
substance seront soumises à la loi de cet État ; c'est encore
cette dernière qui détermine si et dans quelle mesure
l'État peut compromettre ou, le cas échéant, la
procédure d'approbation du contrat. Cette attraction naturelle qu'exerce
la loi de l'État sur la relation contractuelle entre les parties a fait
dire de manière fatale que « quel que soit le système
juridique légal ou conventionnel applicable, l'autorité brutale
de l'État « souverain » est un fait qu'il est vain de vouloir
circonscrire légalement (...) »247.
Sur la question du droit applicable au contrat
d'investissement, il serait judicieux à notre sens de soumettre le
contrat d'État en général et le contrat d'investissement
en particulier, à un droit étatique tiers (qui n'est ni le droit
de l'État d'accueil, ni le droit de l'État de nationalité
de l'investisseur étranger) à titre principal ; et le soumettre
à titre subsidiaire à un droit transnational constitué de
principes généraux entendus au sens des principes communs aux
droits nationaux car selon J. Verhoeven, la soumission du State
contract aux
245 Sent. CIRDI, 30 novembre 1979, AGIP SpA. c. Congo, aff.
ARB/77/1, Rev. crit. DIP 1982. 92.
246 N. R. TAFOTIE YOUMSI, L'encadrement contractuel des
investissements (grands projets), mémoire de DEA, op. cit., p.
54.
247 J. VERHOEVEN, « Contrats entre Etats et
ressortissants d'autres Etats », in Le contrat économique
international. Stabilité et évolution, op. cit., p. 139.
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principes généraux permet de combler des
lacunes, d'interpréter des notions controversées, et de corriger
des particularismes nationaux excessifs248.
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