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Les aspects contractuels des investissements internationaux à  l'aune du droit international et du droit burkinabè.


par Abdoul-Rachidi TAPSOBA
Université Aube Nouvelle - Master en droit des affaires internationales 0000
  

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§2 : Le recours à l'arbitrage et la question du droit applicable au contrat d'investissement

Le recours à l'arbitrage comme mode de règlement des différends nés du contrat d'investissement est intimement lié à la question du droit applicable à celui-ci en ce sens que lorsque les arbitres sont saisis par les parties, ils doivent trancher le différend en principe conformément au droit que les parties ont choisi pour s'appliquer à leur contrat. Ce lien logique commande d'analyser d'abord les implications du recours à l'arbitrage en matière de contrat d'investissement (A) avant de s'intéresser ensuite au droit applicable au contrat d'investissement (B).

A.- Les implications du recours à l'arbitrage en matière de contrat d'investissement

L'importance de l'arbitrage international comme mode de règlement des différends relatifs aux investissements n'est plus à démontrer et cela pour plusieurs raisons. Parmi les raisons qui amènent les investisseurs étrangers à privilégier les juridictions arbitrales au détriment des juridictions étatiques pour le règlement des litiges les opposant aux États d'accueil des investissements, l'on peut retenir essentiellement avec M. Verhoeven qu'« indépendamment de la lenteur et de la lourdeur des procédures, une crainte d'incompétence s'ajoutant à une crainte de partialité explique sans doute la défaveur du recours aux juridictions nationales de l'État contractant pour régler les différends relatifs aux States contracts »221.

221 J. VERHOEVEN, « Contrats entre Etats et ressortissants d'autres Etats », in Le contrat économique international. Stabilité et évolution, op. cit., p. 143.

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Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA 56

On ne saurait étudier l'arbitrage (interne ou international) impliquant un État ou une autre personne morale de droit public (émanations ou démembrements de l'État et autres organismes publics) sans faire cas de certaines questions classiques nécessairement liées à la nature particulière des personnes publiques en matière d'arbitrage. Il s'agit des questions relatives aux immunités de juridiction et d'exécution de l'État, au caractère arbitrable ou non des actes de l'État en tant que souverain ainsi que l'aptitude générale de l'État ou des organismes publics à recourir à l'arbitrage ; au consentement de l'État et des autres personnes morales de droit public à l'arbitrage et enfin aux fondements sur la base desquels on peut attraire ces personnes devant un tribunal arbitral en matière d'investissements.

Prérogative qui interdit en droit international public à l'État hôte des investissements de compromettre, l'immunité de juridiction est à la fois de source coutumière et conventionnelle222. La question fondamentale que soulève cette immunité de juridiction est celle de savoir si l'État peut l'invoquer devant un tribunal arbitral ?

Il est connu que la fonction de l'immunité de juridiction est la protection de la souveraineté juridictionnelle de l'État en vue d'éviter qu'il soit jugé par un autre État. Or si l'on se fonde sur l'idée que les arbitres ne rendent la justice au nom d'aucun État, la conséquence logique est que l'immunité de juridiction devrait être normalement étrangère à l'arbitrage. Cependant, les États et leurs émanations ont toujours invoqué l'immunité de juridiction pour se dérober à la justice arbitrale. Cet argument a eu du mal à prospérer car en pratique on estime qu'en acquiesçant ou en consentant à une convention d'arbitrage (clause compromissoire ou compromis), l'État renonce à coup sûr à son immunité de juridiction. Par conséquent l'argument contraire doit être rejeté par les arbitres lorsqu'il est invoqué par l'État.

Le Burkina Faso à l'instar des États francophones d'Afrique dont la législation sur l'arbitrage s'inspirait du droit français sur l'arbitrage avant les réformes intervenues entre 1980 et 1981, avait intégré l'interdiction de compromettre « retenue en droit français sur la base du caractère inarbitrable des causes communicables au Ministère public »223.

222 Voy. dans ce sens E. A. NKOUNKOU, La stabilisation des investissements pétroliers et miniers transnationaux : Des contrats aux traités, Thèse précitée, p. 117.

223 Voy. dans ce sens P. MEYER, Droit de l'arbitrage OHADA, Bruxelles, Bruylant, coll. droit uniforme africain, 2002, p. 98.

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Cette interdiction n'existe plus de nos jours dans ces États avec l'avènement de l'OHADA et l'adoption de l'Acte Uniforme sur l'Arbitrage (AUA). Désormais, l'article 2 , alinéa 2, de cet acte uniforme dispose que « les États et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les établissements publics peuvent également être parties à un arbitrage sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l'arbitrabilité d'un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage ». Cette règle s'inscrit dans la même logique que la tendance en matière d'arbitrage international qui interdit à l'État de remettre en cause une convention à laquelle il est partie, en se fondant sur son incapacité à compromettre ou le caractère inarbitrable du litige224. Ainsi, il est unanimement reconnu aussi bien en droit interne qu'en droit international, à l'État et ses émanations la capacité de compromettre.

Après la question de la capacité à compromettre des personnes morales de droit public au sens large et celle de l'arbitrabilité des litiges impliquant l'État, il convient à présent de s'intéresser aux actes dans lesquels l'État matérialise son consentement à l'arbitrage et sur le fondement desquels les investisseurs étrangers peuvent attraire l'État devant les juridictions arbitrales. Habituellement, l'État peut donner son consentement à l'arbitrage à travers une clause compromissoire ou un compromis d'arbitrage. Mais en matière d'arbitrage relatif aux investissements, l'État peut exprimer son consentement dans une loi nationale relative aux investissements, dans un traité bilatéral de promotion et de protection des investissements (TBI) ou dans un traité multilatéral. La modalité par laquelle l'État d'accueil exprime son consentement dans une loi nationale a été qualifiée d' « offre publique de recourir à l'arbitrage accordée à l'investisseur étranger »225. Le Burkina Faso est l'un des États ayant accepté ce mode de règlement des différends. En effet, l'on peut déduire le consentement de l'État burkinabè des différents accords que le pays a signé en matière d'investissements, mais aussi à travers sa législation interne et plus précisément la loi n°007-2010/AN du 29 janvier 2010 portant code des investissements du Burkina Faso226.

Concernant le recours à l'arbitrage sur le fondement d'un TBI, il se subdivise en

arbitrage investisseurs-État et en arbitrage interétatique227. S'agissant du recours à l'arbitrage sur le fondement d'un traité multilatéral, il faut distinguer les conventions multilatérales au

224 Voy. dans ce sens P. MEYER, Droit de l'arbitrage OHADA, op. cit., p. 97-98.

225 R. ASSI, Le régime juridique des investissements étrangers au Liban au regard de l'ordre juridique international, thèse précitée, op.cit., p. 510.

226 Article 30 de ladite loi.

227 Pour plus de détails sur ces deux types d'arbitrage voir Rola ASSI, le régime juridique des investissements étrangers au Liban au regard de l'ordre juridique international, thèse précitée, op.cit., p. 513-543.

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niveau international de celles au niveau régional. Nous allons nous intéresser particulièrement à une convention multilatérale au niveau international à savoir la Convention de Washington de 1965 instituant le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI), à laquelle le Burkina Faso est partie.

Premier instrument multilatéral relatif au règlement des différends en matière d'investissements, la Convention CIRDI joue un rôle capital dans l'arbitrage en matière d'investissement international. Elle a comme objectif fondamental « une promotion du développement économique en s'appuyant principalement sur la capacité d'attraction des investissements privés étrangers et sur la nécessité d'établir un cadre juridique qui puisse faciliter le règlement des différends qui pourraient survenir »228.

Le nombre impressionnant de TBI conclus à travers le monde comportent dans la plupart des cas des clauses qui renvoient au mécanisme du CIRDI pour le règlement des différends, ce qui témoigne de la fiabilité et de la crédibilité des procédures ayant lieu sous l'égide du CIRDI. Sans pouvoir faire ressortir dans la présente étude toutes les informations et réflexions relatives à l'arbitrage tel qu'il existe dans la Convention CIRDI, l'on peut retenir que les particularités et les caractéristiques229 propres à l'arbitrage CIRDI assurent une meilleure protection des droits et intérêts des investisseurs étrangers ; et donc l'admission de l'arbitrage CIRDI par un pays comme le Burkina Faso230 constitue certainement une source de sécurité pour ces derniers.

Le dénouement de toute procédure arbitrale se fait par la reddition d'une sentence arbitrale qui doit être exécutée afin que la décision prise par les arbitres dans la sentence puisse produire valablement ses effets. Ainsi, se pose la question de l'exécution des sentences arbitrales en matière d'investissements. Initialement écartées en raison de la préférence des juridictions arbitrales par les investisseurs étrangers pour trancher leurs différends, les juridictions étatiques font leur retour en force au moment de l'exécution des sentences arbitrales notamment pour connaitre d'une demande d'exequatur de la sentence arbitrale,

228 Ch. SCHREUER, The ICSID Convention : A commentary, Cambridge University Press 2001, note 1,

pp. 218, no. 36. Cité par R. ASSI, Le régime juridique des investissements étrangers au Liban au regard de l'ordre juridique international, thèse précitée, op.cit., p. 544.

229 Sur ces particularités et ces caractéristiques de l'arbitrage CIRDI V. R. ASSI, Le régime juridique des investissements étrangers au Liban au regard de l'ordre juridique international, thèse précitée, op.cit., p. 545 à 549.

230 Le Burkina Faso a déposé les instruments de ratification de la Convention CIRDI le 29 Août 1966.

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d'une demande de mesures d'exécution forcée de celle-ci ou encore d'un recours en annulation exercé contre celle-ci. Cependant pour des raisons d'efficacité des sentences, certaines conventions les rendent automatiquement exécutoires sur les territoires des États parties à ces conventions sans qu'elles passent devant les juridictions de ces États. Tel est le cas par exemple de la convention CIRDI, qui en son article 54, impose à l'État contractant de reconnaître le caractère obligatoire des sentences CIRDI et d'assurer l'exécution des obligations pécuniaires qui en découlent. Il en est ainsi également de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères231 qui organise la mise à exécution réciproque des sentences rendues dans chacun des États contractants.

Malgré toutes ces précautions, il arrive que les États fassent obstacles à l'exécution des sentences arbitrales en leur opposant leur immunité d'exécution. En effet, cette dernière permet à l'État qui en bénéficie de s'opposer à ce que ses biens soient saisis sur le territoire d'un autre État. Ainsi, cette immunité constitue un véritable frein à l'exécution des sentences arbitrales et rend inutiles les efforts fournis par les investisseurs pour obtenir des sentences rendues en leur faveur mais qu'ils ne peuvent faire exécuter. Certaines conventions comme la Convention CIRDI permettent même aux États d'invoquer leur immunité d'exécution. C'est pourquoi, l'exécution des sentences CIRDI dépend du droit interne de chaque État232. En guise d'exemple, il ressort de l'article 54.3 de la Convention CIRDI que « l'exécution est régie par la législation concernant l'exécution des jugements en vigueur dans l'État sur le territoire duquel on cherche à y procéder » et l'article 55 de renchérir qu' « aucune des dispositions de l'article 54 ne peut être interprétée comme faisant exception au droit en vigueur dans un État contractant concernant l'immunité d'exécution dudit État ou d'un État étranger ».

Ainsi, en droit burkinabè l'exequatur est réglé par certaines dispositions du Code des

Personnes et de la Famille (CPF)233 et du Code de Procédure Civile (CPC)234. Les dispositions du CPF précisent les conditions de fond et les effets qui sont conditionnés par une procédure

231 Le Burkina a adhéré à cette convention le 23 mars 1987.

232 Ceci constitue une différence majeure avec la Convention de New York précitée qui elle ne renvoie pas au droits des Etats pour l'exécution des sentences. Elle pose ses propres conditions de reconnaissance et d'exequatur.

233 Articles 993 et suivants du CPF.

234 Articles 668 et suivants du CPC.

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d'exequatur et celles du CPC règlent l'instance en exequatur235. À ces dispositions, il convient d'ajouter les dispositions de l'AUA du 11 mars 1999236 relatives à la reconnaissance et à l'exequatur des sentences arbitrales237. Les solutions retenues par les arbitres dans leurs sentences et qui doivent nécessairement être exécutées sont puisées dans le droit applicable choisi par les parties au contrat d'investissement, et à défaut d'un tel choix dans le droit applicable que les arbitres auront choisi eux-mêmes par divers procédés.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci