B.- Les fondements de révision propres à
la pratique des contrats internationaux
Ces fondements s'analysent en des clauses
insérées pour la plupart dans les contrats internationaux comme
solution pour pallier les changements imprévisibles de circonstances
pouvant instaurer un déséquilibre entre les prestations des
parties au contrat international. Cela est dû au fait que «
l'économie, qui encore au XIXème siècle était
stable et prévisible, est devenue au fur et à mesure du
progrès de la mondialisation beaucoup plus instable et
imprévisible »213. Ainsi, cette pratique a
été instaurée pour satisfaire les besoins de
sécurité et de stabilité permanemment exprimés par
les acteurs du commerce international. Il s'agit des clauses de
renégociation, des clauses de hardship qui font partie des
clauses qu'on qualifie de clauses d'adaptation.
Comme son nom l'indique, la clause de renégociation est
une clause permettant de réviser le contrat à travers une seconde
négociation entre les parties en vue de l'adapter aux circonstances
nouvelles qui se présentent. La plupart des contrats conclus par
l'État avec des investisseurs étrangers contiennent une clause de
renégociation. En guise d'exemple, le contrat passé entre le
Koweït et la société American Independent Oil Company
contenait une stipulation qui prévoyait la possibilité pour
les parties de se concerter en vue de rétablir l'équilibre du
contrat, au cas où celui-ci venait à être rompu à la
suite d'un changement des circonstances qui prévalaient au moment de sa
conclusion214. Dans la même veine, les articles 18, 19.2 et
20.1 de la convention signée en 2008 entre l'État congolais et un
groupe d'investisseurs chinois prévoyaient des concertations pour
résoudre des difficultés liées à l'exécution
du contrat, notamment celles occasionnées par la force
213D. PLANUTIS, Le déséquilibre
contractuel dû au changement imprévisible des circonstances et ses
remèdes(...), Mémoire précité, p. 37.
214 Voir aff. Koweit c. AMINOIL, décision arbitrale finale
rendue le 24/3/1982, 21 ILM.
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l?aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA
54
majeure215. La clause de renégociation est
donc une clause qui offre aux parties une protection reposant sur la
flexibilité du contrat216. Elle crée une obligation de
renégocier à la charge de l'État et de l'investisseur par
son insertion dans le contrat mais n'oblige pas à aboutir
nécessairement à une solution217.
La deuxième clause pouvant servir de fondement à
la révision du contrat dans la pratique contractuelle internationale est
la clause de hardship. D'une manière générale,
cette dernière est une clause d'adaptation du contrat qui prévoit
une possibilité de révision des stipulations contractuelles
lorsque l'équilibre de celui-ci a été
déstabilisé par la survenance de circonstances
imprévisibles. Du point de vue de sa structure rédactionnelle ou
de la manière dont elle se présente formellement, la clause
de hardship comporte une partie qui énonce ses conditions
d'applicabilité ; c'est-à-dire qui donne des
éclaircissements sur la notion même de
hardship218. Elle peut le faire soit de façon
générale, soit de façon plus précise. Ainsi, les
parties peuvent énumérer les circonstances qui vont être
notamment considérées comme hardship telles que le
changement de législation, les grèves, l'augmentation du prix des
matières premières etc.
La mise en oeuvre de la clause de hardship est
conditionnée par la déstabilisation de l'équilibre
contractuel. Dans cette optique, les clauses de hardship prennent le
soin de préciser la nature du déséquilibre et peuvent
exiger qu'il soit fondamental ou substantiel par exemple, ou encore en se
référant à la bonne foi et à
l'équité219. Relativement à l'effet de la
survenance du hardship, il consiste essentiellement à soumettre
les parties à l'obligation de renégocier le contrat de bonne foi
conformément à l'obligation de loyauté car «
très souvent, la seule renégociation suffit pour
remédier à un contrat déséquilibré
»220. Lorsque les négociations échouent, le
contrat est soit soumis à la révision judiciaire ou arbitrale,
soit il prend tout simplement fin.
215 Convention de collaboration entre la République
Démocratique du Congo et le groupement d'entreprises
chinoises: China Railway group Ltd, Sinohydro Corporation
relative au développement d'un projet minier et d'un projet
d'infrastructures en République Démocratique du Congo
(24/4/2008). Cité par C. K. NKONGOLO, la révision par l'Etat des
contrats conclus avec les personnes privées : Cas des contrats miniers
en RD Congo, p. 8. Consulté sur
www.leganet.cd/Doctrines.textes/Decon/Dcontrats/RevisiondescontratsminiersRDC.pdf
216 Ibid.
217 Cela signifie que l'obligation de négocier est de
résultat tandis que celle de parvenir à une solution n'est qu'une
simple obligation de moyen.
218 Voy. dans ce sens D. PLANUTIS, Le
déséquilibre contractuel dû au changement
imprévisible des
circonstances et ses remèdes (...),
Mémoire précité, p. 39.
219 Ibid.
220 Ibid.
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à l'aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA
55
Au regard de ce qui précède, l'on peut affirmer
que les clauses de renégociation et les clauses de hardship
sont quasiment-indispensables à la révision des contrats
internationaux. Le contrat d'investissement comme tout contrat, est susceptible
de donner lieu à des litiges liés à sa conclusion, sa
révision ou son exécution de manière
générale entre l'État et les investisseurs
étrangers. Lorsque ces litiges surviennent, les investisseurs font
généralement recours à l'arbitrage, mode de
règlement des différends par excellence en matière
d'investissements directs étrangers, avec l'intention de soustraire le
contrat d'investissement à la loi de l'État d'accueil.
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