Section 2 : L'inexécution des obligations du
contrat d'investissement
Au regard de sa personnalité très
particulière, l'État n'est pas une partie comme les autres dans
une relation contractuelle et peut se permettre de remettre en cause les
engagements souscrits vis-à-vis de son cocontractant au nom de
l'intérêt général par exemple ; violant ainsi
l'adage pacta sunt servanda duquel découle le principe de
l'immutabilité des conventions posé par l'article 1134 al. 1 du
code civil burkinabè206. En sus, le contrat d'investissement
est un contrat dont l'exécution se fait dans la plupart du temps sur une
longue durée. De ce fait, il est susceptible d'être
influencé en cours d'exécution par de nombreux facteurs
(politiques ou économiques) qui n'existaient pas au moment de sa
conclusion. Cette situation peut amener l'État d'accueil à
procéder à la révision du contrat d'investissement
(§1). Les problèmes d'exécution qui ne peuvent pas
être résolus par une simple révision du contrat quant
à eux, et ceux soulevés par la révision elle-même,
peuvent être tranchés par voie d'arbitrage conformément au
droit applicable au contrat d'investissement (§2).
§1 : La révision du contrat
d'investissement
Plusieurs facteurs peuvent servir de fondements aussi bien
à l'État qu'à l'investisseur à la révision
de leur contrat. On peut ranger ces fondements en deux catégories
à savoir les fondements traditionnels ou classiques de la
révision (A) et les fondements propres à la pratique des contrats
internationaux (B)
A.- Les fondements traditionnels ou classiques de la
révision
Comme fondements traditionnels ou classiques sur la base
desquels l'État ou l'investisseur peut demander une révision du
contrat on a l'imprévision et le fait du prince qui sont tous des
facteurs qui affectent l'équilibre du contrat.
En ce qui concerne l'imprévision, elle peut être
définie comme la survenance de circonstances nouvelles et
imprévisibles au moment de la conclusion du contrat, qui rendent
206 « Les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l?aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA
52
l'exécution de celui-ci beaucoup plus difficile ou plus
onéreuse. Consacrée en droit administratif français par
les arrêts Gaz de Bordeaux207 et Compagnie des
tramways de Cherbourg208, la théorie de
l'imprévision est une théorie qui permet d'obliger
l'administration contractante à aider financièrement son
cocontractant lorsqu'un évènement imprévisible, anormal et
indépendant de la volonté des parties bouleverse
l'économie du contrat209. En cas d'imprévision,
l'État se doit d'indemniser le cocontractant pour lui permettre de
poursuivre l'exécution du contrat. Toutefois, cette indemnisation est
partielle.
La théorie de l'imprévision peut être
également appliquée en droit civil sous respect de certaines
conditions. Ainsi, pour qu'une partie au contrat demande la révision
pour imprévision, il faut d'abord que la loi la prévoit et que le
contrat porte sur des prestations futures (obligations à
exécution successives et prestations à exécution
différée), ensuite il faut que le déséquilibre des
prestations dépasse largement les prévisions qui pouvaient
être raisonnablement faites au moment de la conclusion
(déséquilibre grave et imprévisible rendant le contrat
injuste à l'origine), et il faut enfin que l'imprévision soit
distinguée de la force majeure car l'imprévision rend
l'exécution du contrat seulement plus difficile pour le débiteur
tandis que la force majeure la rend impossible210.
Quant au fait du prince, il est au sens large toute mesure
édictée par les pouvoirs publics ayant pour conséquence de
rendre plus difficile et onéreuse l'exécution du contrat par le
cocontractant211. Plus précisément, le fait du prince
consiste en une mesure prise par l'administration de l'État hôte,
qui affecte négativement l'équilibre du contrat auquel
elle-même est partie. Il est également entendu comme une
théorie permettant l'indemnisation du cocontractant lorsque
l'administration contractante, bien que n'agissant pas en tant que partie au
contrat, modifie unilatéralement et indirectement les modalités
d'exécution du contrat ou les prestations du
cocontractant212. Dans cette hypothèse, l'administration
contractante agit non pas en tant que partie au contrat mais en tant que
puissance publique exerçant ses
207 C.E., 30 mars 1916, Compagnie générale
d'éclairage de Bordeaux, Rec. p. 125.
208 C.E., Ass., 9 décembre 1932, Compagnie des tramways de
Cherbourg, Rec. p. 1050.
209 Voy. dans ce sens Ahmed Tidjani BA, Cours de droit
administratif, Université Ouaga 2, 2010-2011, p. 154.
210 Voy. dans ce sens D. PLANUTIS, Le
déséquilibre contractuel dû au changement
imprévisible des circonstances et ses remèdes. Étude de
droit comparé : Espagne-Pologne-France, Mémoire master 2,
Université Paris II Panthéon-ASSAS, 2012-2013, p. 16.
211 Op. cit., p. 149.
212 Voy. dans ce sens D. PLANUTIS, Le
déséquilibre contractuel dû au changement
imprévisible des circonstances et ses remèdes. Étude de
droit comparé : Espagne-Pologne-France, Mémoire master 2,
op. cit., p. 152.
Les aspects contractuels des investissements internationaux
à l'aune du droit international et
du droit burkinabè
Mémoire présenté par Abdoul -Rachidi TAPSOBA
53
prérogatives extracontractuelles sur le fondement de
ses compétences générales. Elle peut agir par exemple sur
le fondement d'un acte réglementaire ou sur le fondement de ses
compétences de police. Il importe de souligner que le fait du prince
donne lieu à une indemnisation intégrale du préjudice subi
par le cocontractant. Bien qu'importants, l'imprévision et le fait du
prince ne constituent pas les seuls fondements juridiques pouvant permettre
à une partie d'initier une demande de révision du contrat.
À ceux-ci s'ajoutent d'autres fondements issus de la pratique des
contrats d'investissement en particulier et des contrats internationaux en
général.
|