Chapitre 2 : L'exécution du contrat
d'investissement
Moment de mise en oeuvre des droits et obligations des parties
au contrat, l'exécution du contrat est la phase pendant laquelle tout ce
qui a été voulu par les parties lors de la négociation et
de la conclusion du contrat doit commencer à prendre forme et à
se concrétiser. À l'instar des autres contrats, le contrat
d'investissement doit en principe faire l'objet d'une exécution pure et
simple de bonne foi par les parties. C'est pourquoi, il convient de
présenter le contenu des droits dont jouit chaque partie ainsi que des
obligations à exécuter par chacune d'elle (Section 1) avant
d'envisager l'examen des implications de l'inexécution des obligations
mises à la charge des parties par le contrat (Section 2).
Section 1 : Le contenu des droits et obligations du
contrat d'investissement
Le contrat d'investissement donne naissance à des
droits et obligations aussi nombreux que variés et pour cette raison
nous nous contenterons d'exposer les principaux droits et obligations
(§1). En faisant usage de ses prérogatives de puissance publique,
l'État d'accueil des investissements pourrait remettre en cause les
droits et obligations ainsi consacrés par le contrat, et ce au grand dam
de l'investisseur étranger d'où la nécessité de la
stabilisation des droits et obligations afin de neutraliser certains pouvoirs
de l'État d'accueil des investissements (§2).
§1 : Les principaux droits et obligations du contrat
d'investissement
Nous analyserons tour à tour les principaux droits et
obligations d'ordre général ou de droit commun (A) et les droits
et obligations spécifiques et techniques (B).
A.- Les droits et obligations d'ordre
général ou de droit commun
Le droit commun des contrats met à la charge des
parties un certain nombre d'obligations quel que soit le type de contrat
considéré. Il s'agit ainsi des obligations que l'on retrouve dans
presque tous les contrats. On s'intéressera uniquement aux obligations
des parties et d'une manière indirecte à leurs droits, puisque
les obligations d'une partie constituent des droits pour l'autre et vice-versa.
Ces obligations de droit commun sont entre autres l'obligation
d'exécution fidèle du contrat, l'obligation de coopération
ou de collaboration, l'obligation d'assistance, de conseil, l'obligation
d'information et de
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renseignement. Elles sont considérées comme
découlant du principe général de l'exécution de
bonne foi170 posé par l'article 1134 al. 3 du code civil
burkinabè.
Concernant l'obligation de coopération, elle implique
une action conjointe avec son partenaire. Dans cette obligation, il est
question donc de « participer à une oeuvre commune », de
« collaborer », de « concourir », de « contribuer
» ou alors d'« aider » ou d'«assister » son
cocontractant171. Ainsi, « promettre de coopérer,
c'est accepter d'agir uni, c'est avouer que l'on se reconnaît lier par
des intérêts communs ou convergents. Ce n'est donc pas, comme
l'exige le droit commun de la loyauté, simplement s'obliger à ne
pas nuire aux intérêts du partenaire. C'est plus encore : c'est
s'obliger à prendre ses intérêts en compte, à les
respecter et à agir en vue de leur développement
»172.
Au regard de sa nature, l'obligation de coopération
pèse aussi bien sur le débiteur que sur le créancier avec
une portée différente dans chaque cas en ce sens qu'elle comporte
des exigences tantôt communes aux deux parties, tantôt propres
à chacune d'elle, proportionnellement à la position qu'elle
occupe par rapport à l'obligation en cause. L'obligation de
coopération en matière contractuelle peut être
déduite de certaines dispositions législatives mais aussi de
certaines règles de conduite. Dans ce dernier cas, on estime qu'elle
doit être appréhendée comme une « notion objective
déterminant, d'une façon abstraite, les droits et les obligations
des contractants et, par suite, leur responsabilité éventuelle
»173.
Simple règle de bonne conduite au départ, la
coopération contractuelle se transforme en une obligation juridique
selon les termes de F. Diesse par sa « juridicisation »,
c'est-à-dire, « son passage de l'état primaire
exigée sous forme de simple devoir de conduite à celui
d'obligation juridique »174. C'est dans cette optique que
l'article 1135 du code civil burkinabè
170 Voy. dans ce sens M. FONTAINE, « Les
principes pour les contrats commerciaux internationaux élaborés
par Unidroit », RDIDC.1991, p. 35. Cité par F. DIESSE, « Le
devoir de coopération comme principe directeur du contrat », in
Archives de philosophie du droit, T. 43, 1999, pp. 259-302.
171 Voy. dans ce sens F. DIESSE, « Le devoir de
coopération comme principe directeur du contrat », in
Archives de philosophie du droit, T. 43, 1999, pp. 259-302.
172 B. MERCADAL, « Les caractéristiques juridiques
des contrats internationaux de coopération industrielle »,
DPCI, 1984, T. 10 n° 3, p. 319. Cité par François
DIESSE, « Le devoir de coopération comme principe directeur du
contrat », op. cit. pp. 259-302.
173 P. LALIVE, « Sur la bonne foi dans l'exécution
des contrats d'État », in Mélanges offerts à Raymond
Vander Elst, Bruxelles Nemesis, 1986, T. 1 pp. 436. Cité par
François DIESSE, « Le devoir de coopération comme principe
directeur du contrat », op. cit. pp. 259-302.
174 F. DIESSE, « Le devoir de coopération comme
principe directeur du contrat », op. cit. pp. 259-302.
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autorise le juge à transformer en obligations
contractuelles, les devoirs issus de la loi, de la morale, des usages dont ceux
de la profession, des circonstances propres à chaque contrat. Par
ailleurs l'article 1134 al. 3 du même code convie le juge à
rechercher dans la notion morale de la « bonne foi » les devoirs qui
doivent accompagner l'exécution du contrat, et éventuellement
à sanctionner leur inexécution ; conférant ainsi à
ces devoirs une valeur juridique175. L'obligation de
coopération se reconnait à travers un certain nombre de
critères cumulatifs ou alternatifs que sont la solidarité des
parties, la convergence de leurs intérêts et la
réciprocité des « sous-obligations » qu'elle
comporte176. Cette obligation de coopération avec toutes ses
implications s'impose dans toute sa rigueur aux parties liées par un
contrat d'investissement. Il en est de même pour l'obligation
d'information et de renseignement, autre obligation d'ordre
général ou de droit commun que l'on observe dans le contrat
d'investissement.
S'agissant de l'obligation d'information et de renseignement,
elle incombe tout d'abord à l'État d'accueil des investissements
qui doit fournir à l'investisseur étranger toutes les
informations (légales, réglementaires, etc.) nécessaires
à la bonne exécution du contrat. Toutefois, si l'État
hôte des investissements a l'obligation d'informer, il appartient
également à l'investisseur étranger de rechercher
l'information ou d'aller vers l'information. Autrement dit, il doit se
renseigner sur tous les éléments devant lui permettre dans le
cadre d'un projet de construction d'infrastructures par exemple, de
procéder à une réalisation correcte et complète des
travaux.
Cette obligation d'information incombe ensuite à
l'investisseur étranger qui doit à son tour donner à
l'État d'accueil des investissements un certain nombre d'informations
sur les aspects techniques et technologiques, caractéristiques de la
plupart des grands projets d'investissements ; et qui ne sont souvent pas
maitrisés par le partenaire étatique. L'obligation de
renseignement pèse aussi sur l'État d'accueil en ce sens qu'il
doit fournir des efforts pour s'informer auprès de l'investisseur
étranger afin d'être suffisamment informer pour une meilleure
exécution du contrat d'investissement. Si les droits et obligations
d'ordre général ou de droit commun ne sont pas l'apanage du
contrat d'investissement, celui-ci, en tant que contrat spécifique
notamment en raison de la complexité, de la technicité et des
exigences de chaque projet d'investissement comporte des droits et obligations
tout aussi spécifiques.
175 Ibid.
176 Ibid.
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