3) Le conflit cognitif dans l'apprentissage :
Lee et Yi (2013) définissent le conflit cognitif comme
un état où il existe une différence entre nos structures
cognitives et l'environnement. En d'autres termes, entre les croyances (les
heuristiques) et la logique (les algorithmes). Selon les domaines de
recherches, les chercheurs ont donné des noms différents aux
conflits cognitifs, Piaget (1975) parlait d'équilibration. En
psychologie sociale, on parlera de dissonance cognitive. (Festinger, 1962).
Dans les deux cas, la motivation de l'individu à résoudre le
conflit est provoquée par la situation. En psychologie cognitive,
Posner, Strike, Hewson et Gertzog (1982) émettent l'hypothèse que
la situation de conflit est ce qui génère l'apprentissage des
concepts. Pour eux, les élèves ne modifieront leur
représentation que si l'on provoque un conflit entre leur
représentation et le concept. C'est ce qu'ils appellent la «
Théorie du changement conceptuel ». Dans cette théorie, pour
qu'il y ait changement conceptuel, l'apprenant doit
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accepter la nouvelle information fournie par le professeur. Le
concept à apprendre doit être pris au sérieux par
l'élève et ne pas être présenté comme
impossible ou irréel (Lee & al. 2003), afin que ce concept provoque
un conflit et donc motive une certaine curiosité, de l'hésitation
et enfin une « réévaluation cognitive» du
problème. Cette théorie semble confirmée par De Neys,
Lubin et Houdé (2014), qui ont montré le rôle
intermédiaire du doute (de l'hésitation) avant qu'une
réévaluation cognitive par le biais de l'inhibition soit possible
chez les enfants dits « non conservants ». Ces enfants, bien
qu'échouant à la tâche piagétienne de conservation
du nombre doutent de leur réponse et montre une activation du cortex
cingulaire antérieur, où région du doute (Simon & al.
2015).
4) Les effets d'une pédagogie reposant sur
l'investigation, le conflit cognitif et l'action.
Les effets de pédagogies différentes ont
été étudiés par de nombreux auteurs et ont mis en
évidence des effets bénéfiques et néfastes des
pédagogies de type IBSE reposant sur l'action, l'investigation et le
conflit cognitif. En effet, les recherches sur les conceptions alternatives ont
montré l'importance de prendre en compte les concepts initiaux dans
l'apprentissage, car ceux-ci peuvent faciliter l'acquisition de nouvelles
connaissances, notamment si ces concepts vont dans la même direction, car
par accommodation, l'enfant pourra manipuler ses concepts initiaux et y
intégrer les nouveaux concepts. Au contraire, elles peuvent entraver
cette acquisition, surtout si le concept scientifique est en contradiction
complète avec les préconceptions des enfants. (Thiberghien &
al. 1998).
Concernant, les bénéfices, par exemple, Sever et
Güven (2014) ont montré les effets d'un apprentissage en science
fondé sur l'investigation chez des élèves de 7e (CM2). Ils
ont opposé la méthode d'apprentissage classique à la
méthode d'investigation et ont montré que cette dernière
permettait de réduire considérablement les comportements de
résistance en classe (ennui, manque de motivation, bavardage, etc.). Les
comportements de résistance des
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élèves sont parfois le signe que la
pédagogie n'est pas adaptée et peut affecter l'apprentissage des
élèves en rendant l'environnement de la classe peu propice
à l'instruction (Whiteneck, 2005, cité par Sever &
Güven, 2014). D'ailleurs, McClelland (1984, cité par Gil-Perez
& Carrascosa, 1990) stipule que, quand les enfants sont tenus de
répondre à des questions sur des phénomènes
physiques qui ne sont pas assez significatifs pour eux, ils utilisent
préférentiellement leurs concepts naïfs, car cela ne
nécessite que peu d'attention. De même, Hewson et Hewson (1984)
ont étudié les effets d'une méthode reposant sur la prise
en compte des connaissances premières des enfants. Pour eux, cela aurait
des effets positifs sur l'installation d'un changement conceptuel
(c'est-à-dire d'un passage entre théories naïves et
théories scientifiques) chez les enfants. En testant des adolescents de
3e en pré test et en posttest, ils mettent en évidence
de meilleurs résultats en post-test chez les élèves ayant
suivi une instruction fondée sur le conflit cognitif, par rapport aux
élèves ayant suivi un apprentissage classique.
D'autres effets ont été également
montrés. En effet, Cremin, Glauert, Craft, Compton et Stylianidou (2015)
démontrent empiriquement le lien entre la créativité chez
les enfants d'âge préscolaire et scolaire, et les
pédagogies favorisant l'action et l'enquête dans 71 classes
différentes en Europe. (Pédagogie par le jeu, l'éveil de
la curiosité, la résolution de problème, etc.). Les
enfants apprendraient mieux quand ils sont eux-mêmes mis en action que
quand ils sont simples spectateurs. En effet, Lubin et al. (2009) ont
montré dans une reprise de l'étude de Houdé (1997) sur
l'acquisition du nombre que les enfants de 2 ans qui enlèvent
eux-mêmes les Babars, nécessaires aux comptages sont surpris par
la procédure 1 +1 = 3 alors que les enfants qui ne manipulent pas ne
voient pas de différence entre 1 +1 = 2 et 1 +1 = 3 qui
représentent dans les deux cas la pluralité. Mettre les enfants
en action permettrait de les remettre dans un fonctionnement numérique.
La pédagogie à l'école
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devrait donc favoriser l'apprentissage par l'action, car
celle-ci permettrait d'opérer un arbitrage entre différents modes
de fonctionnement.
D'autres auteurs sont cependant plus nuancés sur les
effets de pédagogies innovantes et expliquent les conditions
nécessaires pour qu'un apprentissage soit bénéfique.
Pour Asoko (2002), des changements sont nécessaires
dans la « tête de l'élève ». Si les idées
des enfants sont importantes à considérer, c'est surtout
l'écart entre ces idées et les concepts scientifiques à
enseigner qu'il faudrait prendre en compte. Pour Dreyfus, Jungwirth et
Eliovitch (1990), s'appuyer concrètement sur les concepts premiers des
enfants lors d'une séance en classe peut être «
contre-productif», car les enfants se rendent finalement compte que leurs
théories sont souvent fausses ou insuffisantes, ce qui peut les conduire
à garder leur théorie pour eux-mêmes. De même,
Kirschner, Sweller et Clark (2006) dans une revue de la littérature,
sont plus nuancés sur les effets de l'instruction par l'investigation,
sur l'apprentissage. Pour eux, l'instruction pas ou peu guidée par
l'adulte qu'induirait l'instruction par investigation, bien que
séduisante irait à l'encontre de « l'architecture cognitive
humaine» et de la connaissance sur la différence de charge
cognitive entre expert et novice. Selon eux, de nombreuses études au
cours des cinquante dernières années ont comparé les
effets des apprentissages guidés et peu guidés et ont
montré les effets délétères des types de
pédagogie peu ou pas guidé sur la Mémoire de travail (MDT)
et sur l'apprentissage. Matlen et Klahr (2013) arrivent au même type de
constat chez des enfants de CE2 qui reçoivent une leçon soit
fortement guidée (associant enquête et instructions) soit
faiblement guidée (enquête seule). La pédagogie par
investigation ne serait bénéfique que lorsque les
élèves ont des connaissances scientifiques suffisamment
importantes sur le monde qu'ils peuvent articuler en même temps en MDT.
Avant, une intervention guidée de l'adulte serait plus que
nécessaire. C'est d'ailleurs, le même constat que font Potvin,
Sauriol et Riopel (2015). Ils démontrent que le conflit cognitif chez
des enfants de CM2 et 6e est
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plus efficace, s'il est utilisé après une
leçon sur l'explication du concept scientifique de flottaison. Cette
étude montre que la séquence d'apprentissage : leçon puis
conflit cognitif est plus efficace que la séquence conflit cognitif puis
leçon ou leçon classique seulement. Sizmur et Ashby (1997,
cité par Asoko, 2002) quant à eux proposent un modèle en
trois étapes pour un apprentissage adéquat des sciences. Les
enfants devraient emmètre leurs idées (théories
naïves), les concepts scientifiques devraient ensuite leurs être
exposés par le professeur et enfin la confrontation entre les
idées des enfants et les concepts scientifiques devrait être
organisée par expérimentation. Cependant, l'expérience et
les explications à elles seules ne suffisent pas. En effet, dans une
expérience sur la construction de circuits électriques chez des
enfants de 9 ans. Asoko (2002) montre que les enfants peuvent développer
des théories naïves à partir des expériences
mêmes. À la présentation d'un circuit électrique,
lorsque l'on demande aux enfants pourquoi l'on a branché deux fils au
lieu d'un seul, ils peuvent donner ce type de réponses : « on a
besoin de deux fils, car un seul ne donne pas assez d'énergie» ou
« l'on ajoute le deuxième par sécurité ». Ce
développement des théories au cours de l'expérience est en
accord avec Houdé (2014) qui stipule que les heuristiques peuvent se
créent à tout moment du développement par interaction avec
l'environnement. Heuristique, qu'il faudra selon lui ensuite inhiber en
situation de conflit cognitif.
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