3. Le langage : prédominance du masculin dans la
langue : des effets psychologiques vecteurs d'inégalité?
3.1.Le genre grammatical masculin : prioritaire en
français : quels effets?
« Tout enfant a droit à une formation [...]
[qui] lui permet d'acquérir une culture, le prépare
à la vie professionnelle et à l'exercice de ses
responsabilités d'homme et de citoyen. [...] (Ministère de
l'Éducation nationale, 1975). Cet extrait de la loi Haby est un exemple
parfait pour illustrer la prédominance du genre grammatical masculin
dans la langue. En effet, les termes « homme et de citoyen »
doivent s'entendre ici à la fois pour les hommes et pour les
femmes, citoyennes et citoyens. Pourtant, le terme « homme »
est-il vraiment neutre? N'est-ce pas l'image prototypique d'un homme qui
nous viendrait majoritairement à l'esprit lorsque la langue emploie le
genre grammatical masculin pour renvoyer à l'ensemble de l'espèce
humaine ? Et si, c'est le cas, quels sont les effets de ces
représentations?
L'étude princeps de Moulton, Robinson, et Elias (1978)
a montré qu'en anglais, l'utilisation du pronom « his
» dans un contexte neutre est plus souvent associée à
l'image d'un homme (37 % associé à une femme) par rapport
à l'utilisation des pronoms « their» (pluriel neutre)
et « his or her ». L'étude de Ng (1990) pourrait
expliquer ce résultat. En effet, les pronoms neutres ayant un homologue
qui renvoie au genre grammatical masculin sont en fait encodé en
mémoire comme étant de genre grammatical masculin. Nous savons
grâce aux travaux de la psychologie cognitive que le cerveau humain
fonctionne selon un principe d'économie d'énergie et par
diffusion de l'activation, ainsi la présentation d'un stimulus active sa
propre représentation, mais également toutes les
représentations qui lui sont associées (Perret, 2003). Des mots
étant dans certains cas utilisés pour qualifier des hommes ne
pourraient donc pas être utilisés dans un contexte neutre, car
l'utilisation même du pronom activerait automatiquement la
représentation d'homme qui lui est associée. En accord avec ce
principe, Wilson et Ng (1988) utilise une tâche d'amorçage, ils
projettent une photographie d'un visage pendant un très court laps de
temps qui ne permet pas une reconnaissance du sexe de l'individu. À la
suite de ces photographies, on présente des phrases utilisant le genre
grammatical masculin, mais dit générique ou des phrases utilisant
le genre grammatical féminin. La présentation de la phrase influe
sur la reconnaissance des visages. Les phrases aux féminins activent une
reconnaissance d'un visage de femme, les phrases aux masculins une
reconnaissance d'homme. En France, l'utilisation de la langue française
favorise également le masculin en ce qui concerne les noms de
métier. À la vue des résultats précédents,
nous pouvons nous demander quels sont les effets de cette prédominance
du genre grammatical masculin sur la représentation des
métiers.
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