1.4. Biais et principales limites de l'étude.
D'abord, il est à noter que nous sommes partis
des études qui montraient que le genre grammatical masculin activait des
représentations d'homme et le féminin des représentations
de femmes. (Brauer et Landry, 2008 ; Gygax, et al. 2008). Cependant,
il conviendrait de vérifier l'activation des
représentations engendrées chez les élèves. En
effet, lors des passations, les élèves avaient tendance à
lire seulement le nom au masculin lorsqu'elles et ils étaient
amené·e·s à poser des questions sur les
métiers. La norme : « le masculin l'emporte sur le
féminin » semble donc bien ancré dans la
représentation des élèves, même lorsqu'ils ont le
féminin devant les yeux. D'ailleurs, Gabriel et al. (2008) stipulent que
l'augmentation des activations de représentations de femmes
sont essentiellement présentes quand le féminin est
employé avant le masculin. Les faibles effets présents dans notre
recherche pourraient ainsi être expliqués. Dans un souci
de respect de l'égalité femmes-hommes,
l'utilisation des genres grammaticaux des noms de
métiers dans l'ordre alphabétique tel que préconisé
par le Haut Conseil à l'égalité
entre les femmes et les hommes (2015) seraient à envisager pour une
future recherche. De plus, les questionnaires ont été
passés de manière collective. Or, nous savons qu'à
l'adolescence, les effets de conformité aux groupes sont
importants. Il est possible que les élèves aient répondu
de façon conforme à ce qu'elles ou ils pensent que leurs
camarades attendent d'elles ou eux. C'est-à-dire,
montrer à travers leurs intérêts qu'elles et ils sont bien
« des membres compétents de leur culture de
sexe» (Le Maner-Idrissi, 1997, p. 110 ; cité par
Vouillot, 2002).
De plus, nous n'avons pas pu vérifier
l'existence d'une différence entre filles et garçons
selon le modèle RIASEC, car les analyses
réalisées montrent que nous ne retrouvons pas le modèle
RIASEC. Dans leur étude, Steinbruckner et Thiénot (2015) avaient
utilisé le PGI. Dans un souci de validité écologique, il
aurait été préférable de faire passer un
questionnaire réellement utilisé avec les élèves.
Cependant, il est difficile de trouver un questionnaire
d'intérêts validé avec des noms de métiers
qui soit équivalent en termes de ratio-sexe, de notion de
prestige et de type RIASEC.
Nous avons utilisé un questionnaire avec des noms de
métiers, or Rothwell (cité par Vrignaud & Bernaud, 2005)
stipule que cela serait avant tous les stéréotypes pour les
métiers que l'on mesurerait avec ce type de questionnaire. Il
n'est pas dit que les métiers majoritairement exercés
par les femmes/hommes/mixtes soient perçus par les élèves
comme
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stéréotypés pour les femmes, les hommes
ou mixte. Il conviendrait donc de vérifier que c'est bien le cas pour
que nos résultats soient comparables avec ceux de Chatard et al. (2005).
De même, nous avons mesuré le niveau de prestige des
métiers à l'aide du niveau de diplôme. Or, Guichard et
Huteau (2005) stipulent que contrairement à ce que pensait Gottfredson
(1981) le niveau de prestige est variable d'un individu à un autre. Le
niveau de diplôme n'est pas forcement égal au degré de
prestige associé par les élèves. En effet, selon
l'histoire personnelle de chacun·e des métiers
considérés comme peu prestigieux par la moyenne des personnes
pourront être considéré comme très prestigieux par
un·e élève. De plus, lors des passations, de nombreux
métiers étaient méconnus des élèves ou mal
interprétés. Il est possible que certain·e·s
élèves n'aient pas osé demander la définition de
certains métiers.
Nous pouvons également noter que les
élèves ont des scores de SEP et d'intérêts faibles
pour les métiers qui leur sont présentés. Soit, car elles
et ils en avaient une méconnaissance trop importante, soit, car les
items qui leur étaient proposés pour répondre (en 4 items)
ne leur apportaient pas suffisamment de variabilité. Les études
précédentes de Steinbruckner et Thiénot (2015) et de
Chatard et al. (2005) utilisaient en effet des échelles de Likert en 7
et 10 points.
Enfin, dans cette recherche, nous avons adapté la
classification du MEN. On constate en effet qu'en réalité notre
échantillon est fortement constitué de classe moyenne et
favorisée. Le niveau intermédiaire construit par nos soins est
donc en réalité majoritairement favorisé. De plus, nous
avons utilisé la profession des parents. Or, il n'existe pas forcement
une adéquation entre la formation, l'emploi et la PCS d'origine (Giret,
2015). Il est possible qu'une personne « cadre» soit issue de PCS
défavorisé et ait un revenu moyen.
Notons, enfin qu'il s'agit d'une recherche effectuée
sur un échantillon relativement restreint d'élèves qui ne
sont pas représentatif de la population des jeunes de leurs âges.
Une étude à grande échelle permettrait certainement
d'avoir une représentation plus claire des effets possibles de
l'utilisation des deux genres grammaticaux.
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