3.3.Des noms de métier au masculin : les
représentations peuvent-elles avoir une influence sur les parcours
d'orientation?
Selon, Bem et Bem (1973) cela semble être le cas, en
effet tout comme n'importe quel texte écrit, les annonces de recrutement
n'échappent pas à la règle et sont majoritairement
rédigées au masculin. Bem et Bem (1973) ont mené une
étude où elle et il démontrent que les femmes ont moins
tendance à être intéressées par un métier
quand la fiche de poste est rédigée au genre grammatical
masculin. Ce résultat est similaire pour les hommes avec le genre
grammatical féminin.
En termes d'orientation scolaire, cela questionne
l'utilisation du masculin dans le matériel fourni aux
élèves, notamment les fiches métiers, mais aussi les
questionnaires d'intérêts qui sont majoritairement
rédigés au masculin. On peut se demander quels sont les effets de
l'utilisation du masculin dans les questionnaires utilisés en
psychologie de l'orientation ?
3.3.1. Influence du genre grammatical dans les outils
d'orientation : une influence sur le
SEP?
Nous avons donc vu que le langage par l'intermédiaire
des noms de métiers au genre grammatical masculin ou féminin
pouvait avoir un effet sur les représentations des personnes. Nous avons
vu également que les représentations sexuées des
métiers pouvaient avoir un effet sur les décisions d'orientation.
Nous savons également que les SEP sont prédicteurs des
décisions d'orientation (Pajares, 2009 dans Bandura et al., 2009). Des
études se sont donc intéressées à l'influence des
noms de métiers sur le SEP. Chatard et al. (2005) ont utilisé une
échelle d'auto-efficacité et ont demandé à des
classes de 4ème et 3ème d'évaluer
leur sentiment de confiance en la réussite des études menant au
métier qui leur était présenté soit sous la forme
grammaticale au masculin, soit sous forme mixte. La forme mixte se
déclinait en deux sous types : soit les élèves
étaient confronté·e·s au métier écrit
sous la forme grammaticale au masculin et féminin avec un tiret entre
les deux formes grammaticales, soit à l'utilisation de parenthèse
(par exemple « professeur(e) »). Les métiers
présentés avaient été prétestés comme
étant stéréotypés « très masculin»
ou « très féminin » par des
étudiant·e·s de licence. Les résultats montrent que de
manière générale la présentation du genre
grammatical féminin (entre parenthèse ou en toutes lettres)
améliore le sentiment d'auto-efficacité des élèves.
Par contre, les filles et les garçons voient surtout leurs SEP augmenter
pour les professions stéréotypées de l'autre sexe, mais
pas pour les professions stéréotypées de leur sexe,
où le genre grammatical ne semble pas avoir d'effet sur leurs SEP. De
plus, cette étude a montré que les effets du genre grammatical
sont médiés par le statut social des professions (niveau de
prestige). Plus le statut social (qui est évalué grâce
à une analyse en composante principale) augmente, plus l'utilisation
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du genre grammatical féminin est
bénéfique sur les scores de SEP des élèves et ce,
surtout pour les métiers stéréotypés «
masculins » et pour le métier d'enseignant·e qui bien que
majoritairement exercé par les femmes, semblent selon Chatard et al.
(2005) avoir une valeur sociale plus importante que la majorité des
métiers où le ratio sexe est supérieur pour les femmes.
À la suite de cette étude, Steinbruckner et
Thiénot (2015) se sont également intéressées
à l'effet du genre grammatical des noms de métiers sur les SEP
des élèves. Dans leur étude, les participant·e·s
passaient une version adaptée du Personal Global Inventory
(PGI) et elles et ils devaient exprimer leur sentiment de compétence par
rapport à trois types de métiers (majoritairement exercés
par des hommes, majoritairement exercé par les femmes et « mixte
»). Tout comme dans l'étude de Chatard et al. (2005), elles et ils
étaient soumis?e?s à deux formes grammaticales de questionnaires;
« mixte» et masculin. Les résultats montrent que les SEP des
élèves sont globalement faible quel que soit le métier et
que tout comme dans l'étude de Chatard et al. (2005), l'utilisation de
la forme mixte augmente les SEP des élèves. Cependant, les
résultats de cette étude diffèrent de celle de Chatard et
al. (2005), car il semblerait que l'utilisation de la forme mixte ait un effet
positif sur les SEP des filles seulement. De plus, à l'inverse de
l'étude de Chatard et al. (2005), les SEP des filles augmentent ici pour
les professions majoritairement exercées par les femmes et mixtes, mais
pas pour les professions majoritairement exercées par les hommes. Les
stéréotypes de sexe semblent trop forts pour être
renversés par l'utilisation du féminin. Cependant ces deux
études, si elles arrivent à des résultats
différents sont toutefois d'accord pour conclure que l'utilisation du
genre grammatical a des effets sur le SEP des élèves et notamment
sur celui des filles.
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