Conclusion de la deuxième partie
En somme, les élèves Babongo n'aspirent pas en
réalité à ce qui est très élevé, mais
plutôt à ce qui est nécessaire pour eux. Ils
désirent simplement s'assurer un emploi qui leur permettrait de changer
de statut social par rapport à celui de leurs parents. L'apprentissage
ou encore la persévérance scolaire a une valeur sociale et
épistémique.
Bien que l'expérience scolaire des parents limite
l'aide parentale dans le suivi scolaire, une partie des enquêtés
se motive à faire mieux et aspire à un meilleur avenir, ce qui
leur permettrait de venir en aide aux familles. C'est dans ce cadre que
l'école apparait ainsi pour ces derniers comme le moyen le plus
sûr de réussite sociale.
Le sens que donnent ces derniers à l'école, se
limite à une valeur sociale et cela s'explique par ailleurs par
plusieurs facteurs tels que leur attitude contre l'école (n'accordent
pas de véritable valeur à l'école) et l'incapacité
des enquêtés à articuler la mobilisation sur l'école
et la mobilisation à l'école.
Il est question ici d'un faible investissement dans le travail
scolaire et dans le fait scolaire lui-même. Pour certains, le rapport aux
études est un rapport professionnel : « on fait ce que nous demande
le maitre », «respecter les règles de l'école »,
et non un rapport à la culture et au cognitif au savoir lui-même,
qui implique que celui qui va à l'école attribue un
véritable sens au fait d'apprendre des choses à
l'école.
En outre, l'accès au métier ici est lié
pour eux à la simple fréquentation de l'institution scolaire et
à l'obéissance de ses règles en occultant le savoir
lui-même.
C'est dans cette perspective que Bernard Charlot stipule que :
«l'accès au métier est lié à l'acquisition
des savoirs, au fait d'apprendre : c'est grâce au savoir acquit et non
à la simple fréquentation qu'on peut avoir un bon métier
»78.
Cette réalité nous conduit à
déduire que la majeure partie des élèves Babongo ont un
rapport aux études non seulement conflictuel mais cette relation aux
études n'implique pas le rapport au savoir lui-même. En
majorité, la fréquentation de l'institution scolaire s'explique
par le désir d'apprendre à lire et à écrire pour
solliciter un emploi quelconque. En
78Bernard Charlot, (1992) « rapport au savoir et
rapport à l'école dans deux collèges de banlieue. »
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d'autres termes, la volonté que manifestent ces
derniers et leurs parents constitue l'élément fondamental qui
justifie leur présence à l'école.
Notons que « l'un des principaux facteurs de la
médiocrité du rendement de l'enseignement au primaire en milieu
rural, c'est la précarité que constituent les conditions
matérielles dans lesquelles cet enseignement s'effectue : manque ou
indigence des locaux scolaires et des logements des mobiliers et fournitures
scolaires ».
Ainsi, l'obsolescence manifeste de la loi n°21/2011
traduit immédiatement que les priorités de l'Etat sont toute
autre que l'éducation et la formation au Gabon. En outre, le principe
d'égalité qui exige un même traitement pour toute la
jeunesse en âge scolaire n'est en réalité qu'une utopie ;
en ce que l'on observe une véritable ségrégation entre les
possibilités d'accès et de chance de réussite scolaire qui
existent entre ceux qui apprennent en ville et ceux qui sont dans les villages.
Les familles urbaines bénéficient de plusieurs
possibilités par nombre d'établissements public ou privé ;
or les familles rurales sont condamnées à envoyer leurs enfants
à l'école à l'âge de six (6) ans, et dans des
écoles où il manque le strict minimum pour un enseignement de
qualité.
A cette difficulté d'accès à
l'école et de qualité des structures se greffent l'obligation de
ces élèves à l'apprentissage du français et aux
difficultés liées au capital économique qui entraine de
manière générale l'abandon, malgré toute leur bonne
volonté qui se lit à travers leur persévérance
scolaire.
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