CONCLUSION GENERALE
L'étude du rapport aux savoirs chez les apprenants est
une question sensible et qui nécessite beaucoup de rigueur pour parvenir
à comprendre les différences de réussite, l'échec ;
et dans notre cas, la persévérance chez les élèves
issus d'une même appartenance sociale ou contexte géographique.
Pour cerner le rapport aux savoirs des élèves, il est
nécessaire de faire un retour sur leur histoire familiale et sociale.
Mais que l'on s'intéresse aussi aux pratiques pédagogiques et au
contexte scolaire qui participe à la construction de ce dernier. Car le
rapport au savoir est un rapport au monde, à soi-même et
aux autres.
Dans cette étude, qui a été
réalisée en milieu rural Babongo, essentiellement avec les
élèves issus du village Matagamatsengue, il est question de
cerner le sens que ces derniers donnent au fait d'aller à l'école
et d'y apprendre des choses, afin de comprendre pourquoi ils
persévèrent au-delà du caractère irrégulier
de leur étude. En effet, notre but était de montrer à
partir de la théorie sociologique du sujet (la théorie du sujet),
comment le rapport au savoir constitue un élément fondamental
à la survie ou non de ces élèves en milieu scolaire.
En outre, pour mieux élaborer notre
problématique, nous nous somme inscrit dans l'optique des investigations
de Bernard CHARLOT.
En nous inspirant de la perspective élaborée par
Bernard CHARLOT, nous avons émis deux hypothèses selon lesquelles
:
- Les élèves issus de la communauté
Babongo accordent véritablement un sens social aux études dans la
mesure où ils développent une persévérance scolaire
qui se construit autour d'un projet familial essentiellement centré
autour d'une relative réussite sociale qui se traduit par un emploi
rémunéré, qui permettra à l'enfant plus tard
d'aider toute la famille.
- Le contexte scolaire en zone rural étant
défavorable, les élèves Babongo du village
Matagamatsengue accordent un sens épistémique et identitaire
restreint aux études, non pas dans la perspective de sortir de leur
catégorie sociale, tout au plus pour apprendre à lire et à
écrire afin de solliciter des tâches subalternes dans la division
sociale du travail moderne.
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Le problème que pose notre objet d'étude
étant non quantifiable (la persévérance scolaire), nous
avons fait une pré-enquête de terrain afin de mieux constater
notre phénomène avant de s'y engager dans l'investigation
proprement dite. Par ailleurs, lors de notre investigation définitive,
nous avons soumis à notre population cible, constituée
prioritairement d'élèves Babongo du village Matagamatsengue et de
leurs parents, un protocole d'enquête par entretien articulé
autour de cinq (5) items. Et pour un complément d'informations nous
avons aussi eu des entretiens avec le corps enseignant et la responsable
pédagogique du département de la Louétsi-Wano. Le guide
d'entretien et le récit de vie étaient construits de
manière à ce qu'ils donnaient à voir le type de relation
qu'entretient les familles Babongo en général et en particulier
les élèves issus de ces familles avec l'institution et le savoir
lui-même, afin de comprendre l'incidence de celle-ci sur le devenir de
ces derniers en milieu scolaire. Le choix de cette population cible n'a donc
pas été anodin car il découle de notre désir de
savoir le sens et la valeur que les familles Babongo et leur progéniture
attribuent au fait d'apprendre.
A la suite du traitement des données recueillies sur le
terrain et de l'analyse qualitative, il ressort en définitive que nos
hypothèses ont été confirmées.
Dès lors, les données révèlent que
les élèves Babongo entretiennent des relations conflictuelles
avec le fait d'apprendre, notamment sur le plans épistémique et
identitaire, ce qui par la suite limite leur survie en milieu scolaire. Les
relations qu'ils développent face à l'école ne favorisent
pas la réussite scolaire. Certes le sens et la valeur qu'ils attribuent
au fait d'aller à l'école leur permet de construire des projets
et des vocations, mais ils ne parviennent pas à s'intégrer ;
c'est pourquoi ces élèves, à la moindre occasion, sortent
du système pour ne plus y revenir ou pour faire surface quelque temps
plus tard. Ne parvenant pas à s'intégrer dans le milieu scolaire,
cela va donc constituer un frein à la construction d'une identité
d'élève car malgré la valeur sociale qu'ils donnent
à l'école, celle-ci parait insuffisante pour qu'ils parviennent
à faire face aux obstacles et aux implications qu'impose l'institution
scolaire.
Tous les parents ont des niveaux d'instruction qui ne leur
permettent pas de venir en aide de manière efficace aux enfants
lorsqu'il est question d'exercices, d'explications et tout ce qui a un lien
avec leur apprentissage.
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C'est donc pourquoi leurs stratégies d'encouragements
se limitent de manière générale, à prodiguer des
conseils.
En effet, les élèves voient en l'école la
possibilité d'un lendemain meilleur, c'est-à-dire le moyen
d'avoir un emploi et donc de répondre à la demande familiale qui
devient un désir personnel d'apprendre dans le but d'aspirer à
une meilleure position sociale et par là devenir un « blanc
)) comme les enfants des autres communautés voisines.
L'école apparait pour eux comme le moyen le plus sûr de «
délivrance )) et de « sortie des conditions difficiles
))
L'importance de l'école se limite à la simple
fréquentation et de prétendre ipso-facto à un
métier quelconque, à une vie meilleure que celle de leurs parents
et non au savoir lui-même (à ce qu'ils sont censés faire et
y apprendre). L'école n'a en réalité chez la
communauté Babongo qu'une valeur sociale, et c'est cette dernière
qui explique en définitif leur persévérance scolaire,
au-delà du fait qu'ils ont une fréquentation
irrégulière et qu'ils soient pour la majorité en situation
de retard scolaire.
A la suite de tout ce qui précède, vient se
greffer la réalité d'une école précaire où
le stricte minimum en terme d'équipement scolaires fait défaut et
crée une démotivation chez les enseignants, dans la mesure
où le rythme scolaire ne développe pas le goût de
l'école. Nous sommes là donc face à un système
éducatif qui ne favorise pas l'égal accès à
l'éducation, mais plutôt l'inégalité des chances de
réussite scolaire et ce malgré le fait que les
élèves persévèrent. Ceux qui vivent en milieu rural
ont donc plus de difficultés que ceux qui apprennent en ville : ils
doivent d'abord, apprendre la langue que légitime l'école avant
de si intégré de manière parraine. Afin de dépasser
le seuil de métier d'élève auquel ils se limitent et de
s'y impliquer dans le travail d'apprenant, des taches et d'exercice qui les
conduira à une activité cognitive par laquelle le savoir
s'émancipe.
En définitive, le non effort de contextualisation du
système éducatif gabonais par la prise en compte des
réalités locales et en particulier l'intégration de la
langue vernaculaire ne cessera de condamner les élèves Babongo au
simple fait d'apprendre à lire et écrire pour solliciter des
corps de métier qui ne nécessite pas toujours des longues
études. Mais participera à la conservation d'une école
primaire qui divise et donc de ségrégation sociale.
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