2.3. La disqualification parentale et le
désinvestissement de l'Etat
2.3.1. La disqualification parentale
Pour les familles, le suivi scolaire des enfants se limite de
manière générale à l'inscription et aux conseils,
bien que l'on relève quelques-unes qui tentent bien que mal à
veiller à demander aux enfants ce qu'ils ont eu à faire à
l'école et à faire les exercices quand ils peuvent. Ce qui
importe pour ces familles après l'inscription c'est de savoir que chaque
matin leur progéniture se lève pour l'école. Cela se
justifie par le fait qu'un seul parent se présente au nom de tous les
élèves lors d'une convocation à une réunion des
parents d'élèves ou à la signature (ou
récupération) des bulletins.
Lorsque nous avons posé aux parents la question de
savoir s'ils étaient informés sur le fait que leurs enfants
inscrit en 3ème et 2ème année
n'avaient pas d'enseignants et passaient des journées à ne rien
faire, ils nous répondent :
« Chaque matin mon enfant va à l'école
et il y a deux (2) enseignants à l'école pourquoi le garder
à la maison ? L'année dernière à Mbinambi il n'y
avait qu'un seul enseignant pourtant tous les enfants étaient à
l'école et ont eu des résultats. Alors pourquoi pas ou il y a
deux enseignants ? » (Président de l'A.P.E de Nzingui).
« (...) ce que je sais c'est que mon enfant est
à l'école et ce qui se passe là-bas regarde les
enseignants »75 (P1).
On se rend bien compte au vu de ce qui précède,
que ce qui se passe à l'intérieur de l'institution scolaire
n'inquiète nullement les chefs de familles. Cela nous emmène
à déduire que nous sommes face à des parents dont le
faible niveau d'instruction limite l'intérêt pour l'école
parce qu'ils ne parviennent pas à conférer une véritable
valeur au tour de cette institution.
2.3.2. Le désinvestissement de l'Etat
Le désinvestissement est perçu ici comme le
manque d'intérêt de la part de l'Etat face à l'école
en contexte rural. Celui-ci s'observe particulièrement part les
réactions des responsables académiques (Ngounié sud),
l'absence de traçabilité des résultats des examens de fin
d'année (le Certificat d'Etude Primaire et le concours d'entrée
en 6ème), structure vieillissantes, absence
d'équipement d'enseignement scolaire, etc.
Ainsi, suite aux absences répéter et à la
non présence au poste des enseignants observé à Nzingui,
nous avons rencontré la responsable Académique du
département de la Louétsi-Wano dans l'optique de comprendre
l'organisation du suivi des enseignent et des pratiques pédagogiques.
La responsable académique du département de la
Louétsi-Wano nous affirme au sujet des absences et la non
présence au poste des enseignants de l'école de Mbinambi et
Nzingui que : « (...) pour ce qui est de l'absence au poste du
directeur de Mbinambi et de l'enseignant de Nzingui, nous ne sommes pas
actuellement informé. Mais de manière générale
à notre niveau, ce que nous faisons face à de telle situation
c'est juste des blâmes,
75 Tso matass même, mèyebi ti muana
mè gu lecol ali, mamaviog gona matal ndi balogchi
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des demandes d'explication et en cas de reprise, nous
faisons des rapports à notre hiérarchie. Nous n'avons non plus de
moyen roulant pour faire constamment la boucle de tous ces
villages».Cependant, sur les pratiques pédagogues en tant
qu'inspecteur leur pouvoir de control se présente d'avantage
limité en ce que les écoles ou encore les enseignants ne
disposent pas de manuel didactique au programme. « La faute n'est pas
à nous ou aux enseignants, du moment qu'ils ne disposent pas de manuel
que peuvent-ils faire ils sont obligé en réalité de faire
les cours à l'ancienne. L'Etat n'équipe pas ses écoles et
c'est pas aux agents non plus de le faire ».
De plus, en nous rendant à la Direction
d'Académie Provinciale de la Ngounié pour avoir les rapports
d'examens de fin d'année sur au moins quatre ans du centre d'examens de
Nzingui, un seul rapport a été disponible (celui de
l'année académique 2017-2018). Mais celui-ci ne contenait pas les
données sur le taux de réussite ou d'échec, ou encore
l'effectif des garçons présents dans le récapitulatif
était supérieure à l'effectif des candidats
présenté par ce centre d'examen. En définitive ce rapport
ne permettait pas de lire la réalité des résultats.
Face à toute cette réalité, nous pouvons
donc affirmer qu'il existe au Gabon une véritable faiblesse des
politiques éducatives, qui se traduit par un écart entre
l'école en milieu urbain et celle en milieu rural. En d'autre terme, il
n'existe pas d'égalité de chance de réussite entre les
élèves des milieux urbains et ceux des milieux ruraux. De plus,
il serait donc quasi-impossible d'évalué de manière
pertinente les performances des élèves qui évolue dans ce
contexte scolaire où l'Etat n'accorde aucun intérêt.
En effet, la démocratisation scolaire au Gabon s'est
certes traduite par une massification dans l'enseignement primaire, Mais,
l'école reste non accessible à tous en fonction des contextes
(des régions). L'inégalité scolaire (ou sociale face
à l'école) au Gabon reste donc d'actualité dans la mesure
où il existe encore dans certaines zones des déserts
scolaires et dans d'autre des écoles fermées. De plus, cette
inégalité se manifeste par la qualité du rythme scolaire
en milieu rural, la non prise en compte de la langue vernaculaire, la
précarité dans laquelle se font les cours et au nombre
d'enseignant par établissement qui imposent aux élèves de
fournir un grand effort pour y parvenir.
Ainsi, l'obligation scolaire au Gabon n'est « qu'un
acquis international de l'universalisme des grandes lois scolaires des
années 1880 de la IIIème république en France
et complété par les conventions de 1989 des droits de l'enfant
»76. Les fondements de l'école gabonaise reposent de ce
fait sur des repères extérieurs, une école pensée
hors du contexte gabonais qui ne tient pas compte des réalités
culturelles voir même économique du pays. C'est ce qui fait dire
à Gilbert NGUEMA ENDAMNE « on a plutôt assisté
à une africanisation scolaire qui consiste encore de nos jours à
offrir l'école à tous les enfants d'âge scolarisable sans
se poser des questions simples : pourquoi offrir l'école ? Qui voulons
nous former et pourquoi ? Quel objectif voulons nous atteindre et avec quels
moyens ? »77. Ces différents aspects n'ont pas
été vus par l'Etat gabonais dans la formulation de ses politiques
éducatives et ont donc limité le Gabon à offrir à
sa jeunesse en milieu rural, une éducation de base (lire, écrire
et compter) sans réellement faire face aux défis de la
démocratisation scolaire. C'est alors ce qui explique toutes les
inégalités observable en fonction des contextes, de chaque niveau
d'instruction, tel que le manque de structures d'accueils, d'outils
pédagogiques, etc. Au-delà de la loi 21/2011 du 14 février
2012, nous pouvons dire que l'école gabonaise échoue dans sa
mission de réduire les inégalités, car elle accentue
d'avantage la ségrégation sociale.
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76 Mesmin-Noël Soumaho, (2010), «
l'obligation scolaire au Gabon : une analyse sociologique des principes
fondamentaux des textes officiels », revue Palabres de la fondation
Raponda- Walker, n°4, PP.311-325.
77 Gilbert Nguema Endamne, (2011), L'Ecole pour
échouer. Une école en danger. Crise du système
d'enseignement gabonais. Paris, Publibook.
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