1.3.2. Le rapport à la langue utilisée
à l'école
Le système éducatif gabonais utilise le
français comme le moyen de transmission ou de socialisation de ses
populations d'élèves. En d'autre terme le français est la
langue légitimé à l'école.
Cependant, la langue maternelle est en milieu rural et
à Matagamatsengue en particulier celle utilisée au quotidien. De
ce fait, cet écart influence donc négativement les performances
scolaires des élèves dans la mesure où il sort les
élèves de leur milieu et les rend plus ou moins passif en milieu
scolaire. C'est en effet dans cette optique que Soumaho Mesmin dira que «
l'enseignement dispensé au primaire au Gabon est inadapté
parce qu'il n'intègre pas une réalité culturelle
fondamentale : la langue maternelle. De ce fait, dès que l'enfant arrive
à l'école il perd toute spontanéité et adopte
une attitude passive»61.
L'élève Mubongo est donc spontanément
soumit à une double difficulté: l'apprentissage du
français et la nécessité de se soumettre à une
discipline dons la valeur est peut assimilée et parfois il ne parvient
pas à construire un véritable sens lui permettant de se
motivé.
En outre, ces élèves entretiennent un rapport
conflictuel avec le français, ce qui fait que ces derniers ont plus de
difficulté à l'école car l'écart est plus coriace
pour eux quand ville ou le français est la langue la plus utilisé
en milieu familiale et en lieu publique. Comme affirme Jean-Jacques DEMBA :
« toutes les activités parascolaires, c'est-à-dire tout
ce qu'ils font en dehors de l'établissement : les travaux familiaux, les
activités sociales (...) explique le redoublement et donc les
échecs scolaire »62.
Par conséquent nous distinguons ici trois types de figures
d'élèves. Tableau n°15: Langue utilisée
à la maison
Langue utilisée
|
effectif
|
Total
|
G
|
F
|
Français
|
0
|
2
|
2
|
Nzébi et français
|
3
|
1
|
4
|
Nzébi
|
8
|
0
|
8
|
Total
|
11
|
3
|
14
|
61Mesmin-Noel Soumaho. (1987), Objectifs de
l'enseignement primaire et contenu des manuels de lecture. Contribution
à une étude sociologique du curriculum au Gabon, 2tomes,
thèse de Doctorat 3e cycle en sciences de l'éducation.
Paris : université René Descartes-Paris V,
62 Jean-Jacque, Demba, (2014), Etude
exploratoire des cause du redoublement selon le point de vu
d'élèves d'un lycée gabonais, programme de
maîtrise en didactique, Université Laval. Mai
60
61
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019
La première figure est celle de ceux qui ne parlent que
le français à la maison. Celle-ci ne présente pas de
difficulté à s'exprimer en français en classe et elle est
constituée uniquement des filles.
« A la maison je parle en français et je
réponds bien en français en classe ))
(EnquêtéE12).
« À la maison, je parle le français ;
j'étais à Libreville et donc je ne parle que le français.
J'ai juste 2ans ici et je n'ai pas de problème en classe ))
(EnquêtéE11).
Cette figure ne présente pas de problème
d'adaptation, d'intégration dans le milieu scolaire et à
construire des relations avec d'autres élèves. Ces
élèves quant - à eux vivent une épreuve plus ou
moins facile à surmonter dans la mesure où ils disposent d'un
code culturel important légitimé à l'école (le
français) qui leur permet de mieux s'adapter et ils développent
aussi une conscience plus vive de l'utilité de l'école.
La seconde figure est constituée des
élèves qui parlent plus ou moins les 2 langues à la
maison, mais dont la langue maternelle demeure la plus pratique. De ce fait,
elle présente quant à elle moins de difficulté à
s'exprimer en français en classe. Cependant, l'abandon ou le retard
scolaire s'explique chez ces derniers par le fait qu'ils sont moins
performants, peu intéressé, passif et ils confèrent
à leurs études une utilité limitée au désir
d'apprendre à lire ou écrire.
«Le nzébi et le français. A la maison
je parle le nzébi et le français mais je parle plus le
nzébi, en classe je n'ai pas de difficulté mais parfois il peut
arriver que je sois bloqué )) (EnquêtéE6)
« Je parle le français et le nzébi mais
quand je suis ici au village c'est le nzébi cent pour cent. Et je n'ai
pas vraiment de problème à m'exprimer en français en
classe )) (EnquêtéE7).
Enfin la troisième figure est celle qui parle
uniquement le nzébi. Elle regroupe la majeur partie
d'élèves, elle est aussi celle qui présente le plus de
difficulté à parler français en classe.
« Oui et quand je suis bloqué pour
répondre quelque fois je m'exprime en nzébi, le maitre ne se
fâche pas il me redit juste en français ma réponse »
(EnquêtéE2).
« Oui et quand je ne peux pas les autre
répondent. Quand je réponds à des questions en classe, il
y a des mots qui me bloquent mais comme on ne parle pas le nzébi en
classe je ne dis plus rien et quand je peux en français je donne la
réponse » (EnquêtéE8)
« (...) vraiment quand je suis bloqué je fais
recours aux camarades pour me donner l'expression qui correspond ))
(EnquêtéE10).
Cette question du rapport à la langue est en effet un
aspect en milieu rural qui est à la base des faibles performances et
explique aussi la question du »retard scolaire» ce qui est
observable dans notre contexte actuel pour tous les enquêtés de
cette catégorie qui vivent une expérience scolaire en opposition
à l'école. C'est-à-dire qu'ils vivent une
expérience « contre l'école ))63
Lors de nos observations des déroulements des cours
à l'école primaire de Nzingui (en classe de
1ère année et
4ème/5ème année), on s'est tout de
suite rendu compte de la difficulté des élèves à
s'exprimé en français.
Cas 1, classe de 1ère année
: Pendant un cours portant sur l'apprentissage des expressions qui
permettent de situe : une personne, un animal ou une chose. En utilisant
des images, la maîtresse demande à ses élèves ou se
situe les petites voiture blanche par rapport au camion ; ils répondent
spontanément en langue vernaculaire : gubusu (devant) et
gumbis (derrière). Cette réaction démontre que
ces élèves ont des réflexes («habitus
»64) qui les renvoient directement à l'utilisation
de la langue locale, car elle est celle utilisée au quotidien. La classe
de 1ère année est celle où l'on rencontre le
plus d'élèves de toutes origines confondu qui ne s'expriment
qu'en langue vernaculaire et même pour s'interpeler entre eux, ils
utilisent les pseudonymes (les petits noms de maison). Ils se forcent
néanmoins à utiliser le français au moment où ils
rentrent en dialogue avec l'enseignant.
« Oui nous avons des problèmes lors des
explications, déjà ils ne parlent tous que le nzébi, moi
je suis Sango et quelquefois je fais recours à d'autres
élèves pour me donner l'expression
63 François Dubet, (2007) Expérience
sociologique, Paris, Ed la découverte
64 Pierre Bourdieu (1979), Critique sociale du
jugement, Paris, Editions de minuit, p 190.
62
63
en leur langue qui correspond avec celle que je veux
expliquer ou je demande à celui qui suit de redire à ses camarade
en langue. Il peut arriver que tu poses une question et spontanément ils
te répondent en nzébi. Mais on est obligé de les
recadrés à chaque fois » (maîtresse de
1ère année, école de Nzingui).
Cas 2, classe de
4ème/5ème année : les
élèves de ce niveau rencontrent aussi le même
problème bien qu'ici il n'a plus la même teneur. Lors de la
révision d'un cours d'éducation civique (sur les symboles de
la république gabonaise), l'enseignant demande à chaque
élève de faire un résumé oral. Le constat fait est
que ces derniers ont des bons éléments de réponse, mais ne
parviennent pas à formuler des phrases avec aisance, car eux aussi se
retrouvent rattraper par le réflexe de la langue vernaculaire. Certain
n'arrivent pas à aller jusqu'au terme de leur pensée, cependant
d'autres pour y arriver rajoutent des expressions en Nzébi.
Au regarde ces observation nous pouvons déduire que
plusieurs tensions se greffent au rapport au savoir de nos enquêtes, ce
qui par la suite explique en générale l'échec scolaire en
milieu rural notamment : le capital économique, le rapport à la
langue et le sens (valeur) attribuée à l'école.
En outre pour ces derniers, la valeur de l'école se
limitera à son utilité car l'école selon eux est
indispensable pour s'en « sortir », c'est-à-dire pour
leur avenir. En effet le goût de l'école se limite donc au simple
désir d'apprendre à lire et écrire de manière
générale car aucun de nos enquêtés ne se rend
à l'école pour des raisons intellectuelle (ou pour un
intérêt lié à la connaissance, pour certaines
discipline voir même pour les enseignants). Ainsi, dans une école
de masse, chaque élève doit se construire son propre rapport au
savoir (aux études) ; or pour le cas de nos enquêtes, ils
présentent une difficulté d'adaptation et d'intégration au
monde scolaire. Ces différentes tensions vont donc constamment conduire
le jugement scolaire à leur invalidation dans la mesure où
l'école de masse ne cesse d'affirmer que chaque élève est
responsable de son échec voir de sa réussite scolaire.
Par conséquent quelles sont les perspectives
professionnelles et leur modèle de réussite ?
64
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