1.3. La relation aux études
Dans cette partie, il s'agit pour nous de ressortir les types
de relations qui existe entre nos enquêtés et l'institution
scolaire. En d'autre terme il est question de mettre en exergues les tensions
qui existe entre les élèves Babongo et le fait pour eux d'aller
à l'école. Pour réussir à les mettre en
évidence nous avons posé les questions suivantes :
57 Dubet François, (1994), Dimension et
figures de l'expérience étudiante dans l'université de
masse. In ; Revue française de sociologie. 35-4. Monde
étudiant et monde scolaire. p 511-532
54
55
- Allez-vous tous les jours à l'école ? Pourquoi
?
- Qu'est-ce qui vous intéresse à l'école
?
- Quelle langue parlez-vous à l'école ? Et laquelle
parlez-vous couramment à la
maison ?
- Avez-vous des difficultés pour vous exprimer couramment
en français en classe ? Si
oui comment faite vous lorsque vous avez une idée à
exprimer ?
- Combien de frère et de soeur avez-vous et combien
sont-ils scolaire ?
Les réponses de la première interrogation ont
fait l'objet d'une réorganisation sous forme de tableau. Ce qui nous a
permis de ressortir deux types de catégories d'élèves :
celle des réguliers et les irréguliers.
Tableau N°14 : Typologies des
fréquentations
Types de fréquentation
|
effectif
|
régulier
|
4
|
irrégulier
|
10
|
Total
|
14
|
Source : Données de terrain, MOMBO Guy Laroche, 2019
Pour ce qui est de la catégorie des
élèves réguliers, ils estiment que le fait de
manquer aux cours ou encore s'absenté pour toute une journée
pourrait avoir une conséquence sur leur devoirs, sur leur examens de fin
d'année pour le cas de certains élèves de cinquième
(5ème) année. Ce qui serait selon eux synonyme
d'échec.
« Pour apprendre et pour lire, je vais tous les jours
à l'école pour ne pas manquer les cours. Si je manque les cours
je pourrais échouer aux examens de fin d'année »
(EnquêtéE14).
« Mais si je manque les cours je ne peux pas avoir la
moyenne au devoir et je vais échouer »
(EnquêtéE12).
56
Le deuxième type d'élèves est celui des
irréguliers. L'irrégularité de ces derniers est
liée à quatre facteurs : l'absence des enseignants, les
moqueries des camarades et les blâmes des enseignants, Les absences
scolaires liées aux travaux champêtres et le capital
économique. Ce type d'élève est cependant celui qui
regroupe le plus grand nombre d'élève.
L'absence des enseignants : Nous relevons qu'ici la
majeure partie d'élèves est composée des
élèves de 1ère en 3ème
année. Lors de notre travail de terrain nous avons pu constater
l'absence de l'enseignant de la classe de 2ème et
3ème année. Cet enseignant est du moins après
son affectation arrivé pour laisser ses effet mais n'est plus jamais
revenu jusqu'à notre départ. « Et pour celui qui doit
remplacer il a apporté ses affaires, mais jusque-là aucune
idée sur la raison de son non-retour » (enseignante de
1ère année). Néanmoins, la majeure partie
d'élèves de cette classe sont présent chaque jour dans
leur salle.
« Parfois je pars tous les jours parfois pas aussi.
On passe toute la journée en classe sans rien faire, le maitre n'est pas
encore venu donc je pars quand il n'y a personne à la maison, Oui, pour
apprendre à lire et à écrire.»
(EnquêtéE3).
« Quand je pars le matin et que le maître de la
5ème année me puni à cause du bruit, ma
mère me dit de ne plus repartir le soir ou même demain, parfois on
part en brousse parce que les leçons on ne fait pas »
(EnquêtéE2).
Les moqueries des camarades et les blâmes des
enseignants : Cet aspect est souvent en grande partie observable chez les
filles. Pour certaines, lorsqu'elles répondent à une question ou
interviennent en classe et qu'elles commettent une erreur qui suscite des
moqueries de leurs camarades, elles murissent une honte qui parfois les conduit
à se renfermé et peuvent même ne plus intervenir le reste
de la journée. Et pour d'autres, les réprimandes ou les
blâmes des enseignants entrainent de la peur chez elles pouvant conduire
à des absences de courte ou de longue durée.
« Les élèves Babongo que nous avons
sont très sensibles surtout les filles, lorsque vous les
blâmée ou que les camarades de classe se moquent d'eux, ils se
renferment au point de ne plus s'exprimer tout une journée. Il y a des
temps ou par honte ou par peur ils peuvent faire un bon moment sans venir aux
cours (...) » (enseignant de 4ème et
5ème année).
57
« Je n'aime pas quand on me gronde à
l'école ou que les autres se moquent de moi quand je fais les fautes ou
que je ne parle pas bien. Même quand on joue parfois les autres nous
traite de pygmée, c'est à cause de ça que je ne suis pas
partie à l'école hier et aujourd'hui »
(EnquêtéE6).
Le problème de sociabilité au monde
extérieur manifesté par les élèves n'est en
réalité que le reflet de la société Babongo en
générale et en particulier celui des femmes de ce milieu du fait
que la famille constitue la première instance de socialisation des
enfants (individus) dans l'optique de les préparer à vivre en
société. Nous avons pu le constater par la réticence de
certains parents d'élèves à toutes nos tentatives
d'approches pour des éventuels entretiens, parfois lorsque nous nous
rapprochons d'eux ils rentraient dans les maisons et ne ressortaient
qu'après notre départ. A cela s'ajoute le fait qu'une femme
Babongo n'a pas le droit de s'exprimée en milieu publique lorsqu'il y a
un homme proche. Ainsi, au regard des observations faites et des points de vus
de nos différents enquêtés, nous pouvons dire que les
élèves Babongo présente ici un double problème : la
sociabilité avec le monde extérieur au leur et celui de
la construction de l'identité d'élève. Ce qui
explique en partie la fréquentation irrégulière de
l'école.
« Je ne pars pas tous les jours, je tombe
bêtement malade quand je suis à l'école et je suis bien
à la maison au village » (EnquêtéE7).
Les absences scolaires liées aux travaux
champêtres : Lorsqu'arrive les périodes ou les parents
doivent se rendre au campement pour les activités champêtres ou de
pêches de longue durée, les enfants en bas âges ne peuvent
rester au village juste à cause de l'école car, selon eux, la
sécurité de ces derniers passerait avant tout.
«(...) Non, il y a des fois quand les parents partent
en brousse pour durer, ils m'amènent avec eux, parce qu'ils ne veulent
pas qu'on reste avec nos grands-frères, peut-être on peut tomber
malade derrière eux » (EnquêtéE1).
« Oooh !!! Je vais laisser mes petits enfants avec
qui !!! Ils vont à l'école quand je suis là
moi-même58»
(EnquêtéP11).
58 « Oooh, banes bèm bapésse nane mè
qui niaga !!! bôba yende gu l'école va meliva mè muene
» (parent d'élève).
58
Le capital économique : Celui-ci vient par
contre expliquer la situation d'abonda épisodique de certain et les
inscriptions tardives. Ce facteur touche principalement les collégiens.
Pour ces derniers leur situation actuelle d'abandon ou
d'inscription tardive est liée selon eux aux capitaux
économiques. L'absence du capital économique suffisant pour eux
entraine des inscriptions tardives et c'est ce qui expliquera le fait pour eux
de se rendre à l'école en milieu d'année ou l'année
suivante.
« Je vais tous les jours mais faute de moyen je suis
ici, donc je débute au second trimestre »
(EnquêtéE10).
« Oui, mais je suis là parce qu'il n'y a pas de
moyen. Je cherche à me réorienté à l'école
de santé de Bongolo » (EnquêtéE7).
En outre, l'augmentation des frais de scolarité vient
davantage cristalliser les abandons, tel est le cas des élèves du
primaire en ce que le nombre d'enfant par famille constitue une limite
importante.
« Mon fils, j'ai 10 enfants, la scolarité a
augmenté cette année à cinq Milles franc (5000fr). Je
trouve tout cet argent où ? Ce que je trouves j'inscris certains et les
autres attendent d'abord59 ». (Président de
l'association des parents d'élèves de l'école de
Nzingui).
« (...) Pour mettre tous les enfants à
l'école c'est l'argent avec le manioc que je fais tu crois que je peux
tous les inscrire 60» (EnquêtéP6).
1.3.1. L'intérêt pour l'école :
L'intérêt pour l'école chez les
élèves Babongo repose sur trois facteurs fondamentaux :
l'apprentissage du français, le désir de lire et écrire et
la mobilité sociale. Ces trois éléments constituent donc
une source de motivation. L'école apparait comme un salut,
c'est-à-dire comme une garantie de mobilité sociale.
Pour la grande partie de nos enquêtés, devenir
« un grand monsieur » ou « comme les autre (avoir un emploi)
» est en effet le fondement du « désir d'apprendre ».
59 « Ah muana mè, mè bane lukumi, le funu la
lecol bama comsa bô ka tochiniadol chi ilèm mè babotchi gu
mè baga, mua ba mè baga mè ka come dji i mè toge
bana baka pa tale »
60 « Mu come ma ndoge ma bane botchi bombe dole ? Na bapite
ba mè sa wè tasse-ti mè tor bôbotchi come ma ndoge
»
59
« J'aime apprendre pour devenir un grand monsieur.
Pour apprendre à lire et écrire, c'est cela qui m'attire à
l'école » (EnquêtéE5).
«Pour apprendre afin d'être quelqu'un comme les
autres» (EnquêtéE8).
Cependant, pour atteindre cet objectif qui n'est pas facile
d'ailleurs ces derniers doivent fournir un véritable effort,
c'est-à-dire se donné à apprendre à parler
français. Ainsi, d'autres affirment sans ambages que :
«(...) Suivre les cours et suivre ce que dit le
professeur. Ce qui m'intéresse à l'école c'est parler
français et chercher une bonne branche pour obtenir mon diplôme ou
mon avenir » (EnquêtéE10).
« Ce qui m'attire à l'école, c'est
surtout apprendre à lire et écrire pour être comme les
autres. Parce que j'aime lire et écrire»
(EnquêtéE9).
« Ce qui m'intéresse à l'école
c'est apprendre à lire et écrire pour gagner »
(EnquêtéE13).
Par ailleurs, les conditions précaires dans lesquelles
ils évoluent et leur handicap lié à la langue les poussent
à « s'investir » dans le but de pouvoir sortir de là et
aspirer à un meilleur avenir.
Contrairement à ce qui précède, une autre
catégorie d'enquêtés présente le désir
d'apprendre pour avoir un emploi, mais faire l'école en utilisant une
langue qui n'est pas propre à leur milieu rend l'apprentissage difficile
et conduit à des abandons pour d'autre.
«Parce que je vois les autres et pour l'avenir.
J'apprenais pour avoir un bon travail demain comme les autres, mais
l'école qu'on fait seulement en français là vraiment
m'embêtait trop. Tout ce fait en français entre temps moi ce que
je parle bien c'est le nzébi. J'ai arrêté cette
année. C'était déjà difficile »
(EnquêtéE4).
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