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Rapport au savoir chez les enfants Ba-Bongo du village Matagamatsegue. Enquête sociologique en milieu rural au Gabon.


par Guy Laroche Mombo
Université Omar Bongo - Master II en sociologie 2019
  

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Première partie

PREALABLES EPISTEMOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

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Introduction de la première partie

Dans cette étape qui s'assimile aux deux premiers actes de la démarche sociologique, la conquête et la construction, il est question de rompre avec les préjugés (les idées préconçues) sur le fait social que nous étudions, à savoir le rapport au savoir.

En sciences sociales et en sociologie en particulier, le sens commun (le langage ordinaire) est porteur de nombreux pièges dans la mesure où une grande partie de ses idées puisent leur source des prénotions ; c'est-à-dire des apparences immédiates. En effet, la rupture consiste précisément à rompre avec ce qui nous donne l'illusion d'appréhender le rapport au savoir. Cette rupture va se réaliser à travers quelques étapes : d'abord, la formulation de la question de départ, ensuite l'exploration et enfin la problématique. Cependant, cette rupture épistémologique n'est possible que par de nombreuses lectures, car tout travail de type scientifique s'inscrit dans un cadre bien précis. Tout apprentissage scientifique débute par la lecture des devanciers.

Après avoir conquis le phénomène du rapport au savoir contre l'illusion du savoir immédiat, nous devons ensuite le construire par la raison, dans le but de mieux constater les faits sur le terrain.

Dès lors, il est nécessaire de choisir une démarche méthodologique appropriée pour mieux appréhendé notre objet problématique. Notre choix s'est ainsi porté vers une démarche hypothético-déductive. Par ailleurs, elle consistera d'abord à émettre deux hypothèses que nous irons ensuite vérifier sur le terrain et à construire les concepts fondamentaux afin de mieux expliquer notre phénomène.

Chapitre premier

APPROCHE THEORIQUE DE LA RECHERCHE

Section 1 : Construction de l'objet et détermination du champ d'étude

1.1. Le rapport au savoir comme objet d'étude

Comment choisir un thème d'étude sur lequel on va travailler et construire un objet sociologique en partant de ce thème initial ? Tel est, selon Serge PAUGAM3, le genre de question que doit se poser l'étudiant en sociologie avant d'entreprendre une quelconque recherche. Le choix d'un sujet de recherche n'est jamais anodin, il est souvent le résultat des motivations, sensibilité (personnelle), dans certains cas inconscientes ou tout au moins peux explicitées. Comme celui d'Emile DURKHEIM, qui a travaillé sur le suicide parce qu'il se considérait lui-même comme un « neurasthénique4 ».

En effet, pour le cas de notre recherche, le choix du rapport au savoir comme objet d'étude peut aller de soi ; du fait qu'il a été retenu à cause notre proximité avec la communauté Babongo dès la petite enfance. Ainsi, le fait social selon Emile DURKHEIM « consiste en des manières d'agir, de penser et de sentir, extérieur à l'individu, et qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel il s'impose à lui5 ».Le fait social obéit à trois caractéristiques que sont : la récurrence, l'extériorité et la contrainte. Par suite, il ne saurait se confondre avec les phénomènes organiques, puisqu'il consiste en représentation et en action ; ni avec les phénomènes psychique, lesquels n'ont l'existence que dans la conscience individuelle et par elle.

3 Serge. Paugam, (2010), L'enquête sociologique, Paris PUF, p.7-8

4 Selon le petit Larousse, la neurasthénie est un état durable d'abattement et de tristesse. 5Dans le cadre de la collection : `'les classiques des sciences sociales»

Site web : http://www. Uqac.uquebec.ca/zone30/classique des sciences sociales/index.html

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En outre, un objet d'étude peut se définir comme `'ce sur quoi porte la recherche». Il traite du phénomène social étudié par le chercheur : il est d'abord social et, après avoir été soumis aux faits, il devient un objet sociologique. Aussi, le chercheur construit son objet d'étude dans le but d'avoir une idée plus ou moins précise sur l'objet.

Il est primordial alors de définir notre objet d'étude « rapport au savoir ». La notion de « rapport au savoir » a été développée dans deux champs théoriques : le champ de la recherche clinique par Jacky BEILLEROT et le champ de la sociologie par Bernard CHARLOT.

Selon Jacky BEILLEROT, le rapport au savoir se définit comme : « un processus par lequel un sujet, à partir des savoirs acquis, produit des nouveaux savoirs singuliers lui permettant de penser, transformer et sentir le monde naturel et social 6».Le rapport au savoir est un rapport à son propre désir, désir de savoir ou comme le dit Freud, apprendre c'est investir un désir dans un objet de savoir. C'est-à-dire que le rapport au savoir est avant tout un processus jamais figé, qui évolue tout le long de la vie, à partir de ce que nous savons ou non, de façon dont nous nous situons par rapport à ces savoirs et au fait même de savoir ou de ne pas savoir.

Ainsi, le rapport au savoir est toujours singulier, il se construit en fonction de l'histoire de chacun et chacune et s'insère donc dans une dynamique familiale, sociale et historique.

Pour le champ de la sociologie, Bernard CHARLOT définit ainsi le rapport au savoir : « le rapport au savoir est un rapport au monde, à l'autre et à soi-même d'un sujet confronté à la nécessité d'apprendre ; le rapport au savoir est l'ensemble des relations qu'un sujet entretient avec tout ce qui relève de « l'apprendre et du savoir ». C'est aussi «un ensemble d'images, d'attentes et de jugement qui porte à la fois sur le sens et la fonction sociale du savoir et de l'école, sur la discipline enseignée, sur la situation d'apprentissage et sur soi-même »7. Enfin, le rapport au savoir est donc « l'ensemble (organisé) de relations qu'un sujet humain (donc singulier et social) entretient avec tout ce qui relève de `'l'apprendre» et

6 Jacky Beillerot, (1996), Pour une clinique du rapport au savoir, Paris, L' harmattan.

7 Bernard Charlot, (1997), Du rapport au savoir, Elément pour une théorie, Paris Anthropos

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du `'savoir» : objet, contenu de pensée, activité ; relation personnelle, lieu, personne, situation, occasion, obligation, etc., liés en quelques façons à l'apprendre et au savoir »8.

Par ailleurs, ces définitions nous montrent que le rapport au savoir concerne à la fois des processus : l'acte d'apprendre, les situations d'apprentissages et des produits des savoirs. En effet, le rapport au savoir est à la fois un rapport de sens et relation de valeur, c'est-à-dire qu'une personne valorise ce qui a du sens pour elle, et à l'inverse, elle donne du sens à ce qui représente de la valeur pour elle. La
·valeur
· et le
·sens
· que donne une personne à un savoir sont liés à son identité9.

Selon Charlot, « ce qui s'exprime dans le rapport au savoir, c'est l'identité même de l'individu. Mais cette identité n'est pas seulement exprimer dans le rapport au savoir, elle y est aussi en jeu : être confronté à un apprentissage, à un savoir, à l'école, c'est y engager son identité et la mettre aussi à l'épreuve10 ». On parle donc de rapport identitaire au savoir, quand il s'agit de comprendre de quelle façon le savoir prend sens pour la personne. Autrement dit, le rapport identitaire au savoir permet de répondre à la question : pourquoi apprendre ? Cependant, la question du sens peut aussi se posée sous la forme : qu'est-ce que apprendre? On parle ainsi de rapport épistémique au savoir pour s'intéresser à la nature de l'activité nommée savoir. « Le rapport épistémique au savoir est cette relation de l'individu à la nature même de l'acte d'apprendre et au fait de savoir »11.

En outre, au sens de Bernard Charlot et Jacky Beillerot, lorsqu'un élève échoue à l'école, la première question à se poser n'est pas celle des handicaps dont il est peut-être affecté, elle est de savoir s'il a travaillé et comment il a travaillé, car s'il ne travaille ou travaille de façon cognitivement inefficace, il n'est pas étonnant qu'il échoue. En tant que tel, il construit du sens et met en oeuvre des activités. Tout individu humain donne sens à ce qu'il est, à ce qui lui arrive, à la situation dans laquelle il se trouve, à la société et au monde

8 Bernard Charlot, (1999), Le rapport au savoir en milieu populaire. Une recherche dans les lycées professionnels de banlieue. Paris, Edition Economica.

9 Bernard Charlot, (2002), Du rapport au savoir. Elément pour une théorie. Paris, Editons Economica.

10 Bernard Charlot, E. Bautier, J-Y, (1992), Ecole et savoir dans les banlieues et ailleurs, Paris, Armand Colin.

11 E. Bautier, J-Y. Rochex, (1998), L'expérience scolaire des nouveaux lycéens, Démocratisation ou massification, Paris, Armand Colin.

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dans lequel il vit. C'est le cas, notamment, d'un élève dont l'histoire scolaire n'est pas seulement une trajectoire, une série de points par lesquels il passe et qui peuvent être étudiés de l'extérieur, mais elle est aussi une série d'expériences qu'il vit, qu'il interprète et auxquelles il donne sens.

En définitive, nous notons que le rapport au savoir « ne se réduit pas aux relations que nous entretenons avec des apprentissages ou avec des savoirs. Il se construit également à travers nos projets d'avenir, nos aspirations professionnelles et sociales, nos réponses à des sollicitations de l'entourages, etc.»12. Il n'y a de rapport au savoir que d'un sujet, et il n'y a de sujet que désirant.

Toute notre vie, nous entretenons avec le savoir un certain type de relation qui peut influencer et marquer nos trajectoires. Si le rapport au savoir semble avant tout une question individuelle et singulière, on peut aussi parler du rapport au savoir d'un groupe, dès lors qu'il existe des représentations collectives et de valeur collective (de groupe communautaire). Par ailleurs, c'est dans ce cadre que nous parlerons du rapport au savoir des élèves Babongo du village Matagamatsengue. C'est-à-dire de la relation que ces élèves d'origine Babongo entretiennent avec le fait d'aller à l'école et d'y apprendre des choses. Car il n'y a pas d'un côté l'identité du sujet et l'autre son être social, les deux sont inséparables ; le rapport au savoir est indissociablement social et singulier.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams